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10/06/2010 | FRANCE | N°09LY02714

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 10 juin 2010, 09LY02714


Vu la requête, enregistrée au greffe le 27 novembre 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906521 du 30 octobre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 27 octobre 2009, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Gabriel A, et sa décision du même jour fixant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa sit

uation dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 €...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 27 novembre 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906521 du 30 octobre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 27 octobre 2009, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Gabriel A, et sa décision du même jour fixant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de M. A la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que M. A peut prétendre à bénéficier de la procédure de regroupement familial prévue par l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le juge de première instance a commis une erreur de droit en écartant l'argument du recours à cette procédure ; qu'il n'est pas établi que M. A est entré en France en avril 2003 ; que l'intéressé s'est maintenu en situation irrégulière et a refusé d'obtempérer aux mesures d'éloignement prises à son encontre ; qu'il n'est pas démontré que M. A est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans ; que, par suite, la mesure d'éloignement n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2010, présenté pour M. A, qui demande à la Cour de rejeter la requête du PREFET DU RHONE et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 €, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que le juge de première instance n'a pas commis d'erreur de droit ; que la décision en litige a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; qu'il ne pourrait pas bénéficier de la procédure de regroupement familial en raison des revenus insuffisants de son épouse ; que, dans l'hypothèse où cette dernière satisferait aux conditions de ressources exigées, l'instruction d'une demande de regroupement familial entraînerait une séparation d'avec son épouse de plusieurs années ; que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2010 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. A, de nationalité camerounaise, a épousé le 28 octobre 2006 une compatriote, entrée en France en 2001 et titulaire d'une carte de résident de dix ans, il ne justifie, par les attestations produites, toutes rédigées selon le même modèle, ni d'une vie commune avec son épouse avant leur mariage, ni de sa participation effective à l'entretien de l'enfant français de celle-ci, seule à détenir l'autorité parentale ; que, par ailleurs, la production des certificats de décès de ses parents, établis sur la déclaration d'un de ses frères, ne suffit pas à établir qu'il est dépourvu de toute attache familiale au Cameroun, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans ; que, par suite, compte tenu du caractère récent du mariage de M. A, la décision du PREFET DU RHONE ordonnant sa reconduite à la frontière n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et, ainsi, n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations précitées pour annuler l'arrêté et la décision du PREFET DU RHONE en date du 27 octobre 2009 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant en première instance qu'en appel ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par décision en date du 14 mai 2008, le PREFET DU RHONE a fait obligation à M. A de quitter le territoire français ; que la demande d'annulation de cette décision a été rejetée par le Tribunal administratif de Lyon le 29 décembre 2008 ; qu'alors même que ce jugement a fait l'objet d'un appel, l'obligation de quitter le territoire français était alors exécutoire, cet appel n'étant pas suspensif ; qu'ainsi, le 27 octobre 2009, M. A entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet de prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus en ce qui concerne l'application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision de reconduite à la frontière n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant qu'en admettant même que M. A participe à l'éducation de l'enfant de son épouse, ainsi qu'il le soutient, il n'en est pas le père ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse de reconduite à la frontière méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Considérant que, dès lors que la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. A n'est pas illégale, ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 27 octobre 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et la décision du même jour fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, d'une part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du PREFET DU RHONE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, d'autre part, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans l'instance ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0906521 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 30 octobre 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le PREFET DU RHONE et par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la requête sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à M. Gabriel A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Lu en audience publique, le 10 juin 2010.

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N° 09LY02714


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Date de la décision : 10/06/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09LY02714
Numéro NOR : CETATEXT000022363848 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-10;09ly02714 ?
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