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22/12/2009 | FRANCE | N°08LY02820

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 22 décembre 2009, 08LY02820


Vu le recours, enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 19 décembre 2008 et régularisée le 26 décembre 2008, présentée par le PREFET DE LA DROME ;

Le PREFET DE LA DROME demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0807247 en date du 20 novembre 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, l'arrêté du 17 novembre 2008, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Djilali A, de nationalité algérienne et, d'autre part, la décision distincte du même jo

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Vu le recours, enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 19 décembre 2008 et régularisée le 26 décembre 2008, présentée par le PREFET DE LA DROME ;

Le PREFET DE LA DROME demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0807247 en date du 20 novembre 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, l'arrêté du 17 novembre 2008, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Djilali A, de nationalité algérienne et, d'autre part, la décision distincte du même jour fixant le pays à destination duquel cette mesure de police serait exécutée ;

Il soutient que le signataire des décisions en litige était compétent pour prendre ces décisions ; que celles-ci sont motivées en fait et en droit ; que M. A entrait dans le champ d'application du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne pouvait pas obtenir un titre de séjour de plein droit en application du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que la mesure d'éloignement n'est pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le juge de première instance n'a pas suffisamment motivé sa décision et a commis une erreur de droit en annulant la décision de reconduite à la frontière au motif qu'elle a porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A ; que la décision fixant le pays de destination de la reconduite n'est pas contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée à M. A qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-547 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2009 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, après avoir relevé que M. A, de nationalité algérienne, est entré régulièrement en France en mars 2001, qu'il est depuis plus de sept ans sur le territoire national à la date de la décision attaquée, qu'il a trois demi-frères en France et qu'il est bien intégré en France où il a tissé des liens sincères et durables et où il bénéficie de promesses d'embauche, a estimé que, dans ces conditions, et alors même que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DE LA DROME le 17 novembre 2008 a porté, eu égard aux buts poursuivis, une atteinte disproportionnée au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale et a, par suite, méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est célibataire et sans enfant et qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans en Algérie où résident, ce qui n'est pas contesté, sa mère, sa soeur et ses trois frères ; que, s'il soutient qu'il vit en couple avec un ressortissant français et qu'il envisage de conclure un pacte civil de solidarité avec lui, la durée de cette vie commune n'excède pas huit mois à la date de la décision attaquée, selon les dires de l'intéressé ; qu'il résulte de ce qui précède que la décision de reconduite à la frontière en litige ne peut être regardée comme portant au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le PREFET DE LA DROME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 17 novembre 2008 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A au motif qu'elle était contraire aux stipulations de l'article 8 précité et, par voie de conséquence, sa décision fixant le pays de destination prise sur son fondement ; que, par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué ; qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A ;

Sur la légalité externe des arrêtés du 17 novembre 2008 portant reconduite à la frontière de M. A, fixant le pays de destination de la reconduite et prononçant son placement en rétention administrative :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa du I de l'article 45 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : En cas de vacance momentanée du poste de préfet, l'intérim est assuré par le secrétaire général de la préfecture. ;

Considérant que les arrêtés du 17 novembre 2008 portant reconduite à la frontière de M. A, fixant le pays à destination duquel cette mesure de police serait exécutée et prononçant son placement en rétention administrative, ont été signés par Mme Marie-Paule B ; que celle-ci a été nommée secrétaire générale de la préfecture de la Drôme par décret du Président de la République en date du 31 août 2007, publié au Journal officiel du 2 septembre 2007 ; que M. Jean-Claude C, PREFET DE LA DROME, a été nommé préfet du Bas-Rhin par décret du 9 octobre 2008, publié au Journal officiel du 10 octobre 2008, et qu'à la date du 17 novembre 2008, le poste de PREFET DE LA DROME était vacant ; qu'en vertu des dispositions précitées du deuxième alinéa du I de l'article 45 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'intérim était alors assuré par le secrétaire général de la préfecture ; que, par suite, Mme Marie-Paule B, secrétaire générale chargée de l'administration de l'Etat dans le département de la Drôme à la date des arrêtés susmentionnés, était compétente pour les signer ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des actes en litige doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que les décisions susmentionnées, qui mentionnent les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivées ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de ces décisions doit être écarté ;

Sur la légalité interne de la décision ordonnant la reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par décisions en date du 16 juillet 2007, le préfet de l'Isère a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le Tribunal administratif de Grenoble, par un jugement n° 0704057 en date du 31 octobre 2007, puis la Cour de céans, par un arrêt n° 07LY02790 en date du 25 mars 2008, ont rejeté la demande du requérant tendant à l'annulation des décisions précitées ; qu'à la date de la décision en litige, c'est-à-dire le 17 novembre 2008, M. A faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ; que, par suite, il entrait dans le champ d'application du texte précité ;

Considérant, en deuxième lieu, que les conditions de séjour en France des ressortissants algériens sont régies par les stipulations de l'accord franco-algérien modifié susmentionné ; que, par suite, M. A ne peut utilement invoquer la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour demander l'annulation de la décision de reconduite à la frontière ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DE LA DROME le 17 novembre 2008 n'a pas porté, eu égard aux buts poursuivis, une atteinte disproportionnée au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi l'autorité administrative n'a pas méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; qu'elle n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité interne de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que si M. A soutient qu'il est menacé dans son pays d'origine par des groupes islamistes et que son homosexualité l'exposerait à une répression brutale en cas de retour en Algérie, ces allégations ne sont assorties d'aucun élément probant permettant de tenir pour établis une menace directe et personnelle pesant sur sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine ou le risque qu'il y soit exposé à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés attaqués ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0807247 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 20 novembre 2008 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A, au PREFET DE LA DROME et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2009.

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N° 08LY02820

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08LY02820
Date de la décision : 22/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : COSTA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-22;08ly02820 ?
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