Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2007, présentée pour M. et Mme B, domiciliés 12 rue du Bois Jettaz à Annecy-le-Vieux (74940) ;
M. et Mme B demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0303356 du Tribunal administratif de Grenoble
du 15 mars 2007 en tant que, par ce jugement, le Tribunal a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté 14 juin 2002 par lequel le maire de la commune d'Annecy-le-Vieux a délivré un permis de construire à M. A ;
2°) d'annuler ce permis de construire ;
3°) de condamner solidairement M. et Mme A à leur verser une somme de
4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Les requérants soutiennent que :
- l'affichage en mairie et sur le terrain du permis de construire litigieux n'est pas démontré ; qu'il aurait en outre fallu que les époux A justifient que l'affichage était lisible depuis la voie publique et que les mentions qu'il comportait permettaient d'identifier le permis de construire ; que, dès lors, leur recours gracieux était recevable, ainsi, par suite, que leur demande devant le Tribunal ;
- la propriété des époux A ne semble pas avoir fait l'objet d'une autorisation de construire ; que, par suite, le maire ne pouvait délivrer un permis de construire modificatif pour cette construction ;
- contrairement à ce qu'impose l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, aucun des plans du dossier de la demande de permis de construire ne permet d'apprécier le niveau du terrain naturel et, par suite, la conformité du projet ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles L. 421-6 et R. 421-38-4 du code de l'urbanisme ; qu'en effet, à 15 mètres environ du projet, se trouve édifiée la maison Eugène Sue, qui constitue un site classé ; qu'il n'apparaît pas que l'architecte des bâtiments de France ait été consulté et ait émis un avis ; que, sous réserve que la construction ait bien fait l'objet d'un permis de construire initial, il ne semble pas que l'architecte des bâtiments de France ait donné son autorisation à ce moment ; que l'impact visuel du projet ne pouvait l'exempter d'être soumis audit avis ;
- le projet méconnaît l'article UP 10 du règlement du plan d'occupation des sols, qui impose une hauteur maximale de 9 mètres ; qu'à supposer même que, ainsi que le Tribunal l'a jugé, en l'absence de modification récente du niveau du sol, le sol naturel à prendre en compte est celui existant à la date de la décision attaquée, encore faut-il que les plans joints à la demande permettent de faire cette appréciation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que les époux A n'ont fait réaliser un relevé topographique que le 25 septembre 2003 ; que, de leur côté, ils ont fait établir un rapport d'expertise, qui fait apparaître que la hauteur maximale du projet est de 11,25 mètres ;
- contrairement à ce qu'impose l'article UP 11-1 du règlement du plan d'occupation des sols, des murs de soutènement mesurant 1,10 mètre, excédant donc la hauteur maximale d'un mètre autorisée, existent sur le site et un rehaussement du terrain naturel supérieur à 1,60 mètre a été réalisé ;
- l'aspect disproportionné et monumental du projet ne permet pas de considérer qu'il est conforme aux dispositions de l'article UP 11 du plan d'occupation des sols ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2007, présenté pour M. et Mme A, qui demandent à la Cour :
- de rejeter la requête ;
- de condamner M. et Mme B à leur verser :
. un euro symbolique à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
. une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. et Mme A soutiennent que :
- le permis de construire litigieux a été affiché en mairie et sur le terrain à compter du 17 juin 2002, pendant une période continue de deux mois au minimum ; que, par ailleurs,
M. B est venu consulter le dossier du permis en mairie le 19 septembre 2002 ; qu'il a donc eu connaissance de ce permis au plus tard à cette date ; que la demande devant le Tribunal était, par suite, irrecevable ;
- le fait qu'un permis de construire ait été ou non délivré pour leur maison n'empêchait en aucun cas le maire de leur accorder un permis de construire modificatif ;
- les plans du dossier de demande de permis permettent une analyse des hauteurs de la construction envisagée par rapport au terrain naturel ;
- les dispositions des articles L. 421-6 et R. 421-38-4 du code de l'urbanisme ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce, le projet n'étant pas situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit ; que la maison Eugène Sue n'est pas visible depuis leur maison ; que cette dernière n'est pas visible depuis ce monument ;
- le Tribunal a jugé à bon droit qu'en l'absence de modification récente du niveau du sol, le sol naturel à prendre en compte pour la calcul de la hauteur est celui existant à la date de la décision attaquée ; qu'il serait matériellement impossible de calculer une cote de hauteur à partir du sol naturel existant avant la construction de leur maison ;
- ils sont bien fondés à solliciter l'allocation d'un euro symbolique à titre de dommages et intérêts en raison de la procédure abusive qui a été engagée à leur encontre ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 juillet 2008, présenté pour la commune d'Annecy-le-Vieux, qui demande à la Cour :
- de rejeter la requête ;
- de condamner les époux B à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune soutient que :
- la demande devant le Tribunal était tardive ; qu'en effet, le permis attaqué a été affiché en mairie le 17 juin 2002 ; que l'affichage sur le terrain est intervenu au plus tard à la fin de la première quinzaine du mois de juillet 2002 ; que le délai de recours contentieux était ainsi largement expiré quand les époux B ont exercé leur recours gracieux, soit le 6 mai 2003 ;
- la construction sur laquelle porte le projet a fait l'objet d'un permis de construire, lequel a été délivré le 29 décembre 1960 ; que cette construction a fait l'objet le 12 mars 1964 d'un certificat de conformité ;
- le dossier de la demande, qui contient notamment des plans de façade, fait apparaître le terrain naturel, tel qu'il existe depuis 1960 ;
- l'avis du 24 mai 2002 de l'architecte des bâtiments de France est visé par l'arrêté litigieux et figure comme pièce du dossier ; qu'il ressort de cet avis que la maison Eugène Sue ne fait pas partie des immeubles ou des servitudes liées au dossier ; que seule la circonstance que le projet se trouve dans le périmètre du site sub-lacustre du Petit-Port justifiait l'intervention de l'architecte des bâtiments de France ;
- les pièces du dossier de la demande de permis mentionnent une hauteur maximale de 8,74 mètres ; que le relevé topographique établi par un géomètre expert fait apparaître une hauteur de 9 mètres depuis le sol naturel ; que le terrain naturel est celui qui existait à la date de la décision attaquée ; que, par suite, le projet est conforme aux dispositions de l'article
UP 10 du règlement du plan d'occupation des sols ;
- le projet litigieux n'apporte aucune modification à l'implantation de la construction, au terrain naturel ou aux murets ; que l'arrêté attaqué n'a donc pas méconnu l'article UP 11-1 du règlement du plan d'occupation des sols, relatif à l'implantation des constructions ; que le permis de construire initial respectait la réglementation alors applicable ; que ce permis est devenu définitif ; qu'en tout état de cause, la circonstance qu'une construction n'est pas conforme au document d'urbanisme ne s'oppose pas à la délivrance d'un nouveau permis, si celui-ci autorise des travaux qui sont étrangers aux dispositions méconnues ;
- la surélévation projetée, qui s'insère parfaitement dans le paysage et n'est pas disproportionnée par rapport aux constructions voisines, ne méconnaît pas les dispositions de l'article UP 11 du règlement du plan d'occupation des sols ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 18 août 2008, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 septembre 2008 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2009 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les observations de Me Tousset, avocat de M et Mme B ;
- les observations de Me Cortes, avocat de la commune d'Annecy-le-Vieux ;
- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
- la parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;
Sur la légalité du permis de construire attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'au termes des dispositions alors applicables de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme : Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : / (...) 4° Une ou des vues en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel à la date du dépôt de la demande de permis de construire (...) ; que le dossier, qui comporte une vue en coupe, permet d'apprécier l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel ;
Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que la construction que le projet litigieux a pour objet de surélever aurait été édifiée sans permis de construire manque en fait, un permis ayant été délivré pour cette construction le 29 décembre 1960 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : Conformément à l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques modifiée, lorsqu'un immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. Le permis de construire en tient lieu s'il est revêtu du visa de l'architecte des Bâtiments de France ; qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article R. 421-38-4 du même code : Lorsque la construction est située dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, le permis de construire ne peut être délivré qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France (...) ; qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 621-2 du code du patrimoine : Est considéré (...) comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou proposé pour le classement tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre n'excédant pas 500 mètres (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet a été transmis à l'architecte des bâtiments de France, lequel a rendu son avis le 24 mai 2002 ; que cet avis a été émis au regard du site sub-lacustre du Petit-Port ; que, si les requérants soutiennent que l'architecte des bâtiments de France aurait dû également être consulté pour la Maison Eugène Sue , ils n'apportent à l'appui de leurs allégations aucune précision pour démontrer que cette construction aurait constitué un édifice classé ou inscrit situé à moins de 500 mètres du projet ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le permis de construire attaqué méconnaît les dispositions précitées ; que, pour ces mêmes raisons, en tout état de cause, ils ne peuvent soutenir que le permis de construire initial aurait dû lui-même faire l'objet d'un avis de l'architecte des bâtiments de France au titre de la Maison Eugène Sue ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de que l'article UP 10 du règlement du plan d'occupation des sols : La hauteur de tout point du bâtiment, mesurée par rapport à sa projection verticale sur le terrain naturel, telle que définie au plan de masse de la demande de permis de construire par courbes de niveaux équidistantes d'un mètre, ne devra pas dépasser 9 mètres (... ) ; que l'arrêté attaqué, qui autorise la modification d'une construction terminée depuis de très nombreuses années, constitue un permis de construire, et non un simple permis modificatif ; que, dès lors, la hauteur doit s'apprécier au regard du terrain naturel tel qu'il existait avant les travaux effectués en vue de la réalisation du projet litigieux, et non tel qu'il existait avant la réalisation de la construction que ce dernier a pour objet de modifier ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce projet excéderait la hauteur maximale de 9 mètres autorisée par les dispositions précitées ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article UP 11 du règlement du plan d'occupation des sols : Les constructions, par leur implantation, leur adaptation au terrain naturel, leurs dimensions, proportions et leur architecture ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ou paysagères (...) ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet, qui a seulement pour objet de surélever une construction existante, porte atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article UP 11-1 du règlement du plan d'occupation des sols : Les constructions (...) doivent s'adapter au terrain naturel, sans modifications importantes de celui-ci. / La hauteur des remblais est limitée à 0,60 mètres. / Les modifications du terrain naturel sont limitées à 1,60 mètres maximum (...). La hauteur des murets de soutènement sera (...) limitée à 1 mètre (...) ; qu'à supposer même que la construction que le projet litigieux a pour objet de modifier ne soit pas conforme à ces dispositions, les travaux autorisés par le permis de construire attaqué, qui visent à surélever cette construction, sans modifier son implantation, sont étrangers à ces même dispositions ; que les requérants ne peuvent donc invoquer une méconnaissance de l'article UP 11-1 ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de l'irrecevabilité de la demande qui a été présentée au Tribunal administratif de Grenoble, M. et Mme B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ce Tribunal a rejeté cette demande ;
Sur les conclusions reconventionnelles de M. et Mme A :
Considérant qu'en raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, les conclusions reconventionnelles tendant à ce que les appelants soient condamnés à payer à l'intimé des dommages et intérêts pour procédure abusive ne peuvent utilement être présentées dans une instance en annulation pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions présentées en ce sens par M. et Mme A doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Annecy-le-Vieux et M. et Mme A, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnés à payer aux requérants la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme B le versement d'une somme de 1 200 euros au bénéfice, d'une part, de cette commune, d'autre part, de M. et Mme A ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B est rejetée.
Article 2 : M. et Mme B verseront une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'une part, à la commune d'Annecy-le-Vieux, d'autre part, à M. et Mme A.
Article 3 : Les conclusions reconventionnelles de M. et Mme A sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B, à la commune d'Annecy-le-Vieux, à M. et Mme Ali A et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président,
M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2009.
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N° 07LY01101