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05/11/2009 | FRANCE | N°08LY00767

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 novembre 2009, 08LY00767


Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2008, présentée pour la SOCIETE PUBLI ESSOR, dont le siège est 7 rue Malgras à Saint-Dizier (52100), représentée par son président en exercice ;

La SOCIETE PUBLI ESSOR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607684 en date du 18 octobre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Annonay à lui payer la somme de 531 330 euros avec les intérêts au taux légal en réparation du préjudice qu'elle a subi résultant de la résiliation de la conventio

n de mobilier urbain qui la liait à celle-ci ;

2°) de condamner la commune d'Ann...

Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2008, présentée pour la SOCIETE PUBLI ESSOR, dont le siège est 7 rue Malgras à Saint-Dizier (52100), représentée par son président en exercice ;

La SOCIETE PUBLI ESSOR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607684 en date du 18 octobre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Annonay à lui payer la somme de 531 330 euros avec les intérêts au taux légal en réparation du préjudice qu'elle a subi résultant de la résiliation de la convention de mobilier urbain qui la liait à celle-ci ;

2°) de condamner la commune d'Annonay à lui verser la somme de 531 330 euros avec les intérêts au taux légal ;

3°) de condamner la commune d'Annonay à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que du fait de la résiliation unilatérale de la convention la responsabilité de la commune est engagée sur le terrain extracontractuel, fondement qu'elle a expressément invoqué ; que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le démontage et la détérioration de ses abribus sont le résultat d'une emprise irrégulière et persistante sur le domaine public ; qu'elle s'est toujours acquittée régulièrement de ses obligations ; que le comportement fautif de la ville d'Annonay ne se résume pas à la seule circonstance que ses services ont retiré d'office le matériel de la SOCIETE PUBLI ESSOR sans y avoir été habilités par décision de justice ; que la collectivité a cherché avant tout à dénier à la requérante son droit à être indemnisée et à refuser avec persistance le recours au juge administratif alors que la société avait sollicité son intervention ; que le manque de soins et de précaution avec lequel les services de la commune ont traité le matériel de la requérante est fautif et a entraîné une destruction du matériel irrémédiable ; que contrairement à ce que soutient la commune cette destruction n'est pas le fait d'un acte de vandalisme ; qu'une somme de 144 300 euros lui est due au titre des investissements réalisés ; qu'une somme de 387 030 euros lui est due au titre du manque à gagner pour les neufs années et demie restant à courir ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 26 septembre 2008, le mémoire en défense présenté pour la commune d'Annonay, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la SOCIETE PUBLI ESSOR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la requête est irrecevable, seul le gérant étant habilité à représenter une société à responsabilité limitée ; que les moyens relatifs aux conditions et aux conséquences de la résiliation sont inopérants ; que la faute commise par la SOCIETE PUBLI ESSOR est exonératoire ; qu'elle ne justifie pas d'un préjudice certain ; qu'en ce qui concerne son manque à gagner elle fait une lecture erronée des stipulations relatives à la durée du contrat ; que ce contrat est nul du fait des conditions tant de sa passation que de son renouvellement ; que ni la réalité ni le montant des dépenses utiles et du manque à gagner ne sont établis ; qu'en tout état de cause la responsabilité ne saurait qu'être partagée à raison des fautes respectives des cocontractants ;

Vu, enregistré le 9 octobre 2009, le nouveau mémoire présenté pour la SOCIETE PUBLI ESSOR, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2009 :

- le rapport de M. du Besset, président de chambre,

- les observations de Me Gardère, avocat de la commune d'Annonay,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

- la parole ayant été de nouveau donnée à Me Gardère ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL PUBLI ESSOR a conclu le 18 juillet 1991 avec la commune d'Annonay une convention relative à l'installation de mobilier urbain pour une durée de douze ans, renouvelée par tacite reconduction pour neuf ans à son échéance, soit jusqu'en 2014 ; que la commune, qui a regardé cette convention comme un marché public qu'elle a estimé nul, a proposé à la société requérante une résiliation amiable ; que, devant le silence de celle-ci, le conseil municipal a, par délibération du 30 juin 2005, approuvé la résiliation de cette convention pour un motif d'intérêt général ; que, par un courrier du 1er août 2005, la société PUBLI ESSOR a été invitée à procéder à la dépose de son matériel dans le délai d'un mois ; qu'au mois de novembre 2005, elle a fait valoir qu'elle avait été précédemment invitée à remplacer certains abris et que, les nouveaux abris n'ayant pas été amortis, il convenait, au préalable, d'envisager un accord sur son indemnisation ; que, dans ce contexte, la commune a procédé elle-même à l'enlèvement et au stockage du matériel de la SOCIETE PUBLI ESSOR ; que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SOCIETE PUBLI ESSOR tendant à ce que la commune d'Annonay fût condamnée à l'indemniser des divers préjudices qu'elle estimait avoir subis dans ces circonstances ;

Considérant que l'entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Sur les sommes demandées au titre de l'enrichissement sans cause de la commune d'Annonay :

Considérant que si, ainsi qu'il a été dit plus haut, le contractant de la personne publique dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à l'administration, et si la consistance des prestations fournies s'évalue au moment où elles ont été exécutées, leur utilité pour l'administration doit être appréciée par le juge administratif à la date à laquelle il statue ;

Considérant qu'à supposer que les abribus n'aient été que partiellement amortis à la date de résiliation de la convention, ils ont, ainsi que dit plus haut, été démontés à la suite de cette résiliation ; qu'ainsi, à hauteur de leur partie non amortie, dont le remboursement est demandé, ils n'ont été d'aucune utilité pour la commune ; que la SOCIETE PUBLI ESSOR n'est dès lors pas fondée à demander une indemnité en se prévalant de l'enrichissement sans cause de la commune ;

Sur la responsabilité quasi-délictuelle de la commune d'Annonay :

En ce qui concerne la conclusion du contrat, sa reconduction et sa résiliation :

Considérant que, d'une part, si la commune d'Annonay a eu irrégulièrement recours à une procédure négociée pour un marché dont la contrepartie financière était supérieure au seuil prévu par l'article 309 du code des marchés publics et n'entrait dans les prévisions d'aucune des exceptions prévues aux articles 308 à 312 ter, 321 et 375 du code des marchés publics, ce qui a entraîné la nullité du contrat et justifie la mesure de résiliation litigieuse, elle n'a commis de faute ni en proposant une résiliation amiable du contrat entaché de nullité, ni, en l'absence d'accord des parties sur cette résiliation, en prononçant la résiliation unilatérale du même contrat ; qu'en revanche la SOCIETE PUBLI ESSOR a elle-même commis une grave faute en se prêtant à la conclusion d'un marché dont, compte tenu de son expérience et du montant des recettes publicitaires qu'elle escomptait, elle ne pouvait ignorer l'illégalité ; que cette illégalité s'est renouvelée à chaque prorogation tacite de la convention jusqu'à sa résiliation le 30 juin 2005 ; que cette faute constitue la seule cause directe du préjudice subi par la SOCIETE PUBLI ESSOR à raison de la perte du bénéfice attendu du contrat ; que cette société n'est ainsi pas fondée à demander l'indemnisation d'un tel préjudice, nonobstant la faute de la collectivité ;

En ce qui concerne l'enlèvement des abribus :

Considérant, d'une part, que si la SOCIETE PUBLI ESSOR invoque le comportement fautif de la commune qui a retiré d'office, sans y avoir été habilitée par décision de justice, son matériel, ce qui constitue effectivement une faute, la perte de bénéfice alléguée jusqu'en 2014 est sans lien avec cette faute ;

Considérant, d'autre part, que, par lettre du 1er août 2005 la commune a indiqué à la SOCIETE PUBLI ESSOR que, conformément à la délibération du conseil municipal du 30 juin 2005, les abribus devaient être enlevés entre le 15 et le 29 août 2005 ; que, contrairement à ce que soutient celle-ci, le délai qui lui avait ainsi été imparti pour procéder à l'enlèvement de son matériel n'était pas limité à quatorze jours et ne peut être regardé comme insuffisant ; qu'en outre, l'enlèvement d'office du matériel n'est effectivement intervenu qu'au cours du mois de novembre 2008, lui laissant ainsi un délai supplémentaire pour y procéder ; que, dans ces conditions, le préjudice afférent au démontage de son matériel et à sa détérioration doit être regardé comme résultant uniquement de l'occupation irrégulière et persistante du domaine public ; que, par suite, la SOCIETE PUBLI ESSOR ne peut prétendre à aucune indemnisation à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête par la commune d'Annonay, la SOCIETE PUBLI ESSOR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais d'instance exposés par la SOCIETE PUBLI ESSOR et non compris dans les dépens soient mis à la charge de la commune d'Annonay, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, en application des mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SOCIETE PUBLI ESSOR, partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par la commune d'Annonay et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE PUBLI ESSOR est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE PUBLI ESSOR versera à la commune d'Annonay une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La SOCIETE PUBLI ESSOR, à la commune d'Annonay et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2009 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Chalhoub, président-assesseur,

Mme Vinet, conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2009.

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N° 08LY00767

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00767
Date de la décision : 05/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-11-05;08ly00767 ?
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