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27/10/2009 | FRANCE | N°07LY02127

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 27 octobre 2009, 07LY02127


Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2007, présentée pour SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY, dont le siège est Résidence Sabaudia Les Bois Venants à Morzine (74110) ;

La SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304813 du 26 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, et pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000 ;

2°) de prononcer la d

écharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociét...

Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2007, présentée pour SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY, dont le siège est Résidence Sabaudia Les Bois Venants à Morzine (74110) ;

La SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304813 du 26 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, et pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et les contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1999 et 2000 et à titre subsidiaire, la décharge des pénalités de 80% qui lui ont été infligées en application des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY soutient que :

- la procédure de taxation d'office pour défaut de dépôt de déclaration n'était pas applicable dès lors que l'administration fiscale n'avait pas engagé de débat contradictoire sur le principe même de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés avant l'envoi des mises en demeure de régulariser sa situation et avant l'engagement d'une procédure de vérification, que l'obligation déclarative ne découlait que de la proposition de redressements postérieure à ces mises en demeure qui aurait dû faire l'objet d'une procédure de redressement contradictoire, que l'envoi des mises en demeure était prématuré et ne pouvait servir à établir qu'elle était imposable en France ;

- les délais prévus par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ont été dépassés et méconnus dès lors que le service n'adressait la proposition de rectification que plus d'un an après la dernière intervention sur place, qu'il est probable que les investigations se sont poursuivies après l'expiration du délai prévu par cet article et que la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office ne saurait être invoquée compte tenu de ce que l'exigibilité de l'impôt ne procède que de la notification de redressements ;

- c'est à tort que le Tribunal a soumis la déduction des dépenses à des règles de preuve découlant de la législation interne et non au regard des stipulations notamment des articles 6.1 à 6.3 et 6.6 de la convention franco-britannique ;

- les dépenses de personnel sont déductibles dès lors que l'administration n'a contesté ni le montant, ni la réalité des charges salariales mais a refusé la déduction en estimant qu'elle était réservée aux seules rémunérations soumises à des charges sociales et qu'elle n'a pu réaliser des prestations d'Hôtellerie ou de parahôtellerie sans disposer de personnel suffisant pour assurer son activité ;

- les frais de siège sont déductibles par principe au vu des stipulations conventionnelles des articles 6.1 à 6.3 ;

- elle n'était pas assujettie à la présentation d'un bilan mais à des obligations allégées en vertu de l'article 38 quaterdecies de l'annexe III au code général des impôts ;

- conformément à l'article 6.6 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 et, en l'absence de comptabilité distincte, à la doctrine, soit l'instruction du 14 avril 1970 14 B-1-70, les résultats de son établissement stable situé en France auraient pu être déterminés par répartition des bénéfices réalisés par la société au titre de l'ensemble de son activité et qu'ainsi l'administration fiscale ne pouvait refuser la déductibilité des charges en litige en faisant état de l'absence de comptabilité et de pièces justifiant lesdites charges ; c'est à tort que le tribunal a ainsi soumis l'application de la doctrine au respect de conditions préalables inexistantes ; elle n'avait pas à tenir une comptabilité en France dès lors qu'elle ignorait qu'elle était susceptible d'être assujettie à l'impôt français avant l'envoi de la notification de redressements et que l'existence d'un établissement stable ne crée aucune obligation à ce niveau ;

- concernant le profit égal au montant des rappels de TVA net qu'elle n'a pas versé au Trésor public, elle a facturé des prestations TTC et avait donc déjà implicitement pris en compte le profit sur le Trésor correspondant ;

- s'agissant des débours, les recettes, qui correspondent à des dépenses avancées pour les clients, doivent être compensées par les charges correspondantes dès lors qu'elles étaient refacturées en l'état ;

- les sanctions prévues à l'article 1728 du code général des impôts pour défaut de dépôt de déclarations n'ont pu être appliquées dès lors que les mises en demeure ont été adressées prématurément avant que ne soit établie l'existence d'un établissement stable et qu'elle ne pouvait être considérée comme assujettie à l'impôt sur les sociétés, que les mises en demeure ne portent pas sur les périodes servant à l'établissement de l'impôt et que la procédure d'office ne pouvait être appliquée lorsque l'exigibilité de l'impôt est justifiée par la proposition de rectification ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 9 juin 2008, le mémoire en défense présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut à ce que la Cour prononce un non-lieu à statuer à hauteur de 989 euros au titre de l'année 1999 et de 6 075 euros au titre de l'année 2000 en matière d'impôt sur les sociétés et rejette le surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- la procédure de taxation d'office n'est pas entachée d'irrégularité dès lors qu'en présence d'un contribuable qui n'a pas souscrit de déclaration, l'administration n'est pas tenue, avant de mettre en cours cette procédure, de suivre la procédure contradictoire sur le principe même de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ;

- les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues dès lors que la vérification de comptabilité s'est déroulée sur une durée inférieure à 3 mois ;

- c'est à bon droit que le tribunal a appliqué le principe de subsidiarité des conventions en examinant en premier lieu si l'imposition était régulièrement établie au regard de la loi fiscale française et en déterminant en second lieu si la convention fiscale franco-britannique s'opposait ou non à l'application de la loi fiscale ;

- aucune charge de personnel n'a été retenue dès lors que les éléments produits par la société n'ont pas justifié ces dépenses ; le Tribunal n'a pas statué ultra-petita dès lors qu'ils ont examiné le bien-fondé de la demande de la société tendant à la prise en compte des charges salariales ;

- la société ne justifie pas de la réalité des frais de siège et d'administration, ni du montant et de la réalité des charges relatives aux recettes annexes reconstituées et qu'elle qualifie de débours ;

- l'article 38 quaterdecies de l'annexe III au code général des impôts ne dispense pas de la production d'un bilan les entreprises dont le siège est situé à l'étranger et imposables en France à raison de leur établissement stable en France ;

- la société n'est pas fondée à se prévaloir des stipulations de l'article 6, paragraphe 6 de la convention franco-britannique concernant la répartition des bénéfices de l'entreprise entre ses diverses parties alors qu'aucune disposition du code général des impôts ne prévoit la possibilité de déterminer les bénéfices imputables à un établissement stable sur la base des bénéfices totaux de l'entreprise entre ses diverses parties ;

- l'article 6 paragraphe 3 de la convention franco-britannique ne dispensent pas la société d'établir la réalité des frais de siège et d'administration dont elle se prévaut ;

- la société ne peut prétendre au bénéfice de l'instruction du 14 avril 1970 14 B-1-70 dès lors qu'elle ne démontre pas être dans l'impossibilité de tenir une comptabilité distincte ;

- les montants de taxe sur la valeur ajoutée ont été déduits des résultats pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés en application de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, la cascade ayant été appliquée ;

- le bien-fondé de la majoration de 80% prévue à l'article 1728 du code général des impôts pour défaut de déclaration est établie dès lors que la société s'est abstenue de déposer les déclarations prévues à l'article 223 du code général des impôts malgré l'envoi de deux mises en demeure lesquelles portent sur les périodes concernées par les rectifications ; les majorations doivent être ramenées à 40% compte tenu de l'article 26 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 et de l'application du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce ;

- l'Etat n'étant pas la partie perdante, il ne saurait être condamné sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 9 décembre 2008, le nouveau mémoire présenté pour la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens sauf à ce que l'Etat soit désormais condamné à verser une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient en outre que :

- l'administration n'a pu procéder au préalable à l'envoi de mises en demeure de déposer ses déclarations alors que la situation d'imposition d'office a été révélée par la vérification de comptabilité et n'a pu ainsi la priver des garanties attachées à la procédure contradictoire ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas appliqué les stipulations conventionnelles concernant l'établissement de l'impôt et la répartition des bénéfices entre les divers établissements ;

- les charges salariales doivent être prises en compte dès lors qu'elle n'a pu exercer son activité sans mettre en oeuvre des moyens humains et qu'il convient de déduire les rémunérations versées telles qu'elles figurent dans la comptabilité anglaise ;

- elle a justifié des frais de siège et d'administration en présentant une comptabilité anglaise ;

- il appartenait à l'administration de prendre en compte, en ce qui concerne les débours, les charges attachées aux recettes constituées par le remboursement de dépenses engagées pour ses clients ;

- l'établissement stable, constituant une fiction fiscale, ne peut être soumis à des obligations comptables équivalentes à celles des entreprises françaises ;

- l'administration a augmenté anormalement le résultat imposable en excluant des charges considérées comme non justifiées par rapport aux règles interne et alors que les règles conventionnelles limitent l'assujettissement dans l'autre pays aux seuls bénéfices afférents à l'établissement ;

- aucun profit de TVA ne peut être constaté par l'administration dans la notification dès lors que les produits exonérés de TVA ont été forcément comptabilisés TTC, l'application de la cascade n'emportant aucune conséquence sur les modalités de détermination du supplément du bénéfice correspondant à la taxe qui n'aurait pas été facturée ;

Vu, le nouveau mémoire reçu par télécopie le 29 janvier 2009 et régularisé le 30 janvier 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- la situation de taxation d'office n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité mais résulte uniquement du défaut de souscription dans les délais légaux des déclarations de résultats et de l'absence de régularisation de la situation dans les trente jours de la notification des deux mises en demeure ; les éventuelles irrégularités affectant la vérification de comptabilité sont sans incidence sur les impositions contestées ;

- le tribunal n'a pas écarté les stipulations conventionnelles relatives à l'assiette de l'impôt ;

Vu, le nouveau mémoire reçu par télécopie le 4 mars 2009 et régularisé le 6 mars 2009, présenté pour la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Elle soutient que la situation de taxation d'office provient de la vérification de comptabilité à la suite de laquelle la proposition de redressements a tenté de démontrer l'existence d'un établissement stable quelle que soit l'absence de réponse à des mises en demeure adressées en cours de contrôle par l'administration qui n'avait pas rendu ses conclusions concernant l'imposition en France ; qu'elle ne pouvait ainsi donner suite aux mises en demeure qui lui ont été adressées préalablement tant qu'elle n'avait pas été en mesure de débattre contradictoirement des éléments qui amenaient l'administration fiscale à vouloir l'assujettir en France à l'impôt sur les sociétés ;

Vu, enregistré le 4 mai 2009, le nouveau mémoire présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention conclue entre la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord le 22 mai 1968, modifiée, tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2009 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant que la société FRENCH CHALET COMPANY, dont le siège social est situé à Londres (Grande-Bretagne), a exercé en France au cours des années litigieuses une activité d'hébergement à caractère para hôtelier à destination d'une clientèle principalement anglaise, par l'intermédiaire de son établissement stable situé à Saint Jean d'Aulps (Haute-Savoie) ; que la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY relève appel du jugement du 26 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et des contributions sur l'impôt sur les sociétés, ainsi que les pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000 ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision du 9 juin 2008, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé en faveur de la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY un dégrèvement des pénalités à hauteur de 989 euros au titre de l'année 1999 et de 6 085 euros au titre de l'année 2000 en matière d'impôt sur les sociétés ; que, dans cette mesure, la requête est devenue sans objet ;

Sur le surplus des impositions restant en litige :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales applicable à l'espèce : Sont taxés d'office : / (...) 2° A l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre : La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure (...) ;

Considérant que la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY, qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité entre le 19 mars et le 15 juin 2001 portant sur la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000, s'est vu adresser par l'administration fiscale deux mises en demeure de déposer ses déclarations de résultats en matière d'impôt sur les sociétés, les 21 mars et 31 mai 2001, portant respectivement sur les exercices clos en 1999 et en 2000 auxquelles elle n'a pas répondu ; que, faute pour elle d'avoir régularisé sa situation dans les délais impartis, l'administration l'a imposée d'office conformément aux dispositions précitées des articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'administration, préalablement à l'envoi de ces mises en demeure, de souscrire la déclaration de résultats et de régulariser sa situation, d'engager un débat contradictoire avec la contribuable sur le principe de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ou d'attendre la fin de la vérification de comptabilité et la transmission de la notification de redressement ; que si la requérante, qui peut utilement se prévaloir d'une irrégularité entachant cette vérification dans la mesure où la situation de taxation d'office aurait été révélée par les constatations opérées au cours de la vérification de comptabilité, fait valoir que l'administration aurait démontré qu'elle était passible à l'impôt sur les sociétés au cours de ce contrôle, elle n'allègue cependant pas qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire au cours de cette vérification, ce débat ayant pu porter sur son assujettissement à l'impôt sur les sociétés dès lors qu'elle a reçu les mises en demeure avant la fin de ce contrôle ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure de taxation d'office serait, à cet égard, entachée d'irrégularité doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que la circonstance que la notification de redressement a été adressée le 28 juin 2002 ne suffit pas à établir que la vérification de comptabilité aurait excédé la durée de trois mois prévue à l'article L 52 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'en vertu de cet article c'est la dernière intervention sur place du vérificateur et non la notification de redressement qui marque l'achèvement de la vérification ; que la requérante n'établit pas le caractère erroné de la mention, portée sur la notification de redressement du 28 juin 2002, selon laquelle la vérification de comptabilité a débuté le 19 mars 2001 et s'est achevée le 15 juin 2001 ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

Considérant que l'imposition ayant été établie d'office, la preuve de l'exagération des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés incombe au contribuable en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales ;

Considérant que, comme l'ont jugé les premiers juges sans méconnaître l'étendue de leur compétence, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

S'agissant de l'application de la loi fiscale nationale:

Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : Le bénéfice net est établi par déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (...). Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ;

Quant aux charges de personnel :

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du 1° de l'article 39 du code général des impôts et de celles de l'article 54 dudit code, que les rémunérations allouées au personnel d'une entreprise ne peuvent être incluses dans les charges déductibles, en application des dispositions précitées, qu'à la condition que le contribuable soit en mesure de justifier, pour chacun des bénéficiaires de ces rémunérations, de son identité et du caractère effectif du travail accompli pour son compte ;

Considérant que la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY, qui n'a présenté aucune comptabilité régulière et probante concernant l'activité réalisée par son établissement stable français, soutient que cette activité n'a pu être réalisée sans mettre en oeuvre des moyens humains et qu'il convient de déduire les rémunérations versées au personnel en se référant à sept certificats de paie anglais relatifs à l'hiver 1999/2000 mentionnant des sommes libellées en livre sterling et des adresses anglaises de la société et d'employés ; que, toutefois, la société requérante, qui supporte la charge de la preuve, n'a produit aucun élément de nature à établir l'identité et le caractère effectif du travail accompli pour son compte en France pour chacun des bénéficiaires des rémunérations qu'elle prétend avoir versées ; que, par suite, elle ne justifie pas du caractère déductible des sommes dont elle demande la prise en compte au titre des charges de personnels ;

Quant aux frais de siège et d'administration :

Considérant que la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY ne produit aucun élément établissant la réalité et le montant des frais de siège et d'administration dont elle soutient avoir supporté la charge et, par suite, leur caractère déductible au regard de la loi fiscale nationale ;

Quant aux débours :

Considérant que la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY soutient que les recettes correspondant à des dépenses avancées pour les clients, intitulées débours , doivent être compensées par les charges correspondantes qu'elle a dû supporter et qui ont été refacturées en l'état ; que, toutefois, la société requérante ne produit aucun élément démontrant la réalité ni même de la nature des dépenses en question et par suite, leur caractère déductible au regard de la loi fiscale nationale ;

Quant aux profits sur le Trésor :

Considérant que lorsqu'un contribuable a fait l'objet de redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés peuvent être rehaussées d'un profit sur le Trésor chaque fois que le droit qui lui est ouvert de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d'un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette inférieure à celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il résulte de l'instruction que la société requérante X a fait l'objet, au titre des deux exercices litigieux, d'un rappel sur la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle n'avait pas déclarée ni acquittée ; que, par suite, et alors même que la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY allègue avoir facturé ses prestations TTC, l'administration était en droit de réintégrer, dans les résultats imposables de chacun des exercices litigieux, un profit sur le Trésor égal au montant de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée au titre de l'exercice concerné, l'administration ayant par ailleurs neutralisé ces profits sur le Trésor en appliquant le mécanisme dit de la cascade prévu à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales et en déduisant ainsi des résultats du même exercice les rappels de taxe sur la valeur ajoutée concernés ; que, par suite, la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY ne saurait utilement soutenir que les impositions litigieuses devaient être réduites en base à hauteur du montant des profits sur le Trésor résultant des taxes sur la valeur ajoutée qu'elle n'avait pas acquittées ;

S'agissant de la détermination des impositions au regard des stipulations conventionnelles :

Considérant, qu'aux termes des stipulations de l'article 6 la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 susvisée: 1. Les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce dans l'autre Etat contractant d'une telle façon les bénéfices industriels et commerciaux de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable./ 2. Lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable les bénéfices industriels et commerciaux qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte et séparée exerçant des activité identiques ou analogues dans des conditions normales de concurrence avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable./ 3. Dans le calcul des bénéfices industriels et commerciaux d'un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les frais de direction et les frais généraux ainsi exposés (...) dans l'Etat où est situé l'établissement stable (...)/ 6. S'il est d'usage dans un Etat contractant de déterminer conformément à sa législation les bénéfices imputables à un établissement stable sur la base d'une répartition des bénéfices totaux de l'entreprise entre ses diverses parties, aucune disposition du paragraphe 2 n'empêche cet Etat contractant de déterminer les bénéfices imposables selon la répartition en usage : la méthode de répartition adoptée doit cependant être telle que le résultat obtenu soit conforme aux principes contenus dans le présent article ;

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY se prévaut des modalités de répartition des bénéfices définies par l'article 6.6 précité ; qu'il ne résulte cependant d'aucune disposition du code général des impôts, notamment ses articles 34 et suivants et 209 et suivants, qu'il serait d'usage en France de déterminer les bénéfices imputables à un établissement stable sur la base d'une répartition des bénéfices totaux de l'entreprise entre ses diverses parties au sens de ladite convention ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY, il n'appartenait pas ainsi à l'administration de procéder à la répartition prévue par les stipulations précitées de l'article 6.6 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 pour déterminer le montant des bénéfices imposables en France de son établissement stable ; qu'elle a, à bon droit, en l'absence de comptabilité de cet établissement, reconstitué son chiffre d'affaires réalisé à partir, d'une part, des informations communiquées par les représentants de la société au cours de la procédure de contrôle et d'imposition, dont des éléments de la comptabilité anglaise et des extraits du compte bancaire anglais, et, d'autre part, des recoupements effectués auprès des fournisseurs et de l'exploitation des données du compte bancaire français de la société ;

Considérant, en second lieu, que si les stipulations du 1. à 3. de l'article 6 de la convention franco-britannique permettent à un établissement stable d'une société britannique situé en France de déduire les frais de siège et d'administration pour le calcul de ses bénéfices industriels et commerciaux imposables en France, elles ne sauraient dispenser le contribuable de justifier de la réalité et du montant de ces dépenses ; que, comme il a été dit précédemment, la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY ne produit aucun élément établissant la réalité et le montant des frais de siège et d'administration dont elle soutient avoir supporté la charge et qu'elle ne saurait ainsi en demander la déduction de ses résultats sur le fondement de ces stipulations ;

Considérant qu'il s'ensuit que la convention fiscale franco britannique du 22 mai 1968 susvisée ne fait pas obstacle à l'application de la loi fiscale nationale ;

S'agissant de l'application de la doctrine :

Considérant, qu'aux termes de l'article L 80-A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ; que la requérante ne peut se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, de l'instruction 14 B-1-70 du 14 avril 1970, pour contester les impositions litigieuses qui constituent des impositions primitives et non un rehaussement ;

En ce qui concerne l'application des pénalités :

Considérant que l'administration a décidé de prononcer le 9 juin 2008 un dégrèvement des pénalités en ramenant le taux de 80% à 40 % de la majoration pour défaut de déclaration infligée à la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY en raison du principe de l'application immédiate de la loi pénale la plus douce ; que, concernant les majorations restant ainsi en litige, et comme il a dit été ci-dessus, la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY n'a pas produit de déclarations de résultats pour les exercices clos en 1999 et 2000 et n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification des mises en demeure que lui a adressées l'administration ; que, par suite, elle n'est pas fondée à demander la décharge des majorations restant à sa charge pour défaut de dépôt de déclarations et qui lui ont été infligées en application du 3. de l'article 1728 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités restant en litige ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY sur le fondement de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 989 euros au titre de l'année 1999 et de 6 085 euros au titre de l'année 2000, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 07LY02127 de la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY relatives aux pénalités dont ont été assorties les cotisations d'impôt sur les sociétés au titre de ces deux années.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE FRENCH CHALET COMPANY et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2009, où siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Monnier et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 27 octobre 2009.

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N° 07LY02127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY02127
Date de la décision : 27/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : SOCIETE FISCALYS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-10-27;07ly02127 ?
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