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01/07/2008 | FRANCE | N°04LY01115

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 5, 01 juillet 2008, 04LY01115


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 23 novembre 2004, présentés pour la COMPAGNIE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE ;

La compagnie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100870 du 26 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l'Isère à lui verser la somme de 600 548,63 francs (91 553,05 euros) au titre du préjudice résultant pour elle de l'indemnisation des victimes de l'accident qui s'est produit le 5 décembre 1994 sur l'autoroute A 41,

en raison de la condamnation de son assuré, la société SCREG Sud-Est ;

2°)...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 23 novembre 2004, présentés pour la COMPAGNIE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE ;

La compagnie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100870 du 26 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l'Isère à lui verser la somme de 600 548,63 francs (91 553,05 euros) au titre du préjudice résultant pour elle de l'indemnisation des victimes de l'accident qui s'est produit le 5 décembre 1994 sur l'autoroute A 41, en raison de la condamnation de son assuré, la société SCREG Sud-Est ;

2°) de condamner le département de l'Isère à lui verser la somme de 112 974,12 euros, avec intérêts à compter des différents règlements effectués ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Isère le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2008 :

- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;

- les observations de Me Rambaud, avocat de la COMPAGNIE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : « L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé jusqu'à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'assureur est, dès le versement d'une indemnité d'assurance à son assuré ou, en son nom, à des tiers victimes d'un dommage regardé comme imputable à ce dernier, subrogé dans les droits et actions de l'assuré et des tiers qu'il a indemnisés à concurrence des sommes versées ; que pour bénéficier de cette subrogation, l'assureur peut justifier par tout moyen du paiement de ces indemnités, sans que soit nécessaire la production de quittances subrogatives ;

Considérant que le 5 décembre 1994, un accident impliquant 36 véhicules s'est produit sur l'autoroute A 41 dans le sens Grenoble-Chambéry, faisant 5 morts et 21 blessés ; que cet accident s'est produit à proximité d'un chantier de construction dont le maître d'ouvrage était le département de l'Isère et qui portait sur la réalisation par l'entreprise SCREG Sud-Est d'une bretelle de sortie ; que par jugement du 11 décembre 1997, dont le caractère définitif n'est pas contesté, la société SCREG Sud-Est a été condamnée par le Tribunal correctionnel de Grenoble, conjointement et solidairement avec certains de ses employés, à indemniser les victimes de l'accident ; que la COMPAGNIE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, assureur de cette société, a demandé vainement devant le Tribunal administratif de Grenoble la condamnation du département de l'Isère à lui rembourser les indemnités versées aux victimes de l'accident en exécution de la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel ;

Considérant que si les quittances subrogatives produites par la compagnie d'assurances devant la Cour ont été établies postérieurement au jugement de rejet prononcé par les premiers juges le 26 mai 2004, elle n'en justifie pas moins du paiement des indemnités en litige devant les premiers juges par la production de bordereaux de chèques émis antérieurement à ce jugement ; que dès lors, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ledit jugement, le Tribunal administratif de Grenoble, estimant qu'elle n'établissait pas, en l'absence de production desdites quittances, avoir un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le département de l'Isère, a rejeté sa demande comme irrecevable ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur ladite demande, dans la limite de la somme dont il a été fait état devant les premiers juges, soit 91 553,05 euros ; qu'en revanche, nonobstant cette évocation, la COMPAGNIE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE n'est pas recevable à majorer devant la Cour le montant de ses prétentions pour tenir compte de versements effectués avant le jugement et qu'elle aurait omis d'intégrer dans le calcul de l'indemnité demandée en première instance, dès lors que l'étendue réelle de la subrogation dont elle se prévaut lui était alors connue ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des constatations de fait opérées par le juge pénal, lesquelles sont revêtues de l'autorité de la chose jugée, que l'accident dont s'agit est imputable aux travaux de mise en place, lors du chantier de construction de la bretelle autoroutière dont s'agit, d'un enrobé chaud, lesquels ont provoqué du fait de la pluie et du froid, un nuage de vapeur tellement épais que la visibilité est devenue presque nulle ; qu'il est également établi que les agents de la direction départementale de l'équipement travaillant pour le compte du département, à savoir un ingénieur et un surveillant de chantier, ont commis des imprudences graves dans leurs missions respectives de coordination et de surveillance du chantier, le premier en ne prenant aucune mesure spécifique alors qu'il était sur place lorsque la formation de vapeur a commencé à se produire, le second en n'arrêtant pas le déversement du bitume alors que la nappe de vapeur devenait opaque ; que ces manquements, assimilables à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, sont de nature à engager la responsabilité du département de l'Isère à raison des dommages résultant de l'accident ;

Considérant cependant que lorsque le responsable d'un dommage qui a été subrogé dans les droits d'une victime agit contre un coauteur du dommage, ses propres fautes et celles de la victime lui sont opposables ; que les fautes commises par la société SCREG Sud-Est dans l'exécution des travaux dont s'agit sont également opposables à la COMPAGNIE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, qui agit comme subrogée à la fois dans les droits de son assuré et des victimes qu'elle a indemnisées ; qu'eu égard aux imprudences fautives commises par les salariés de la société SCREG Sud-Est en continuant le déversement de bitume sans égard pour les conséquences qui pouvaient en résulter en ce qui concernait la circulation sur l'autoroute, alors que la visibilité devenait de moins en moins satisfaisante, il sera fait une juste appréciation des responsabilités respectives du département, maître d'ouvrage, et de l'entreprise responsable des travaux en laissant à la charge de cette dernière la moitié des conséquences dommageables de l'accident ; que ni la société SCREG Sud-Est, ni son assureur ne sauraient se prévaloir à cet égard, pour soutenir que la responsabilité du département doit seule être retenue, d'une convention signée par le département et la société autoroutière AREA, convention à laquelle la société SCREG Sud-Est n'est pas partie ;

Considérant que n'est pas contestée l'évaluation des préjudices résultant de l'accident, d'ailleurs retenue par le juge judiciaire, en vertu de laquelle la compagnie d'assurances requérante a versé aux parties civiles les sommes dont elle a demandé le remboursement en première instance, qui s'élevaient au total, ainsi qu'il a été dit, à 91 553,05 euros ; que compte tenu du partage de responsabilité retenu, la COMPAGNIE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE est seulement fondée à demander la condamnation du département de l'Isère à lui verser une somme de 45 776,52 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2001, date d'enregistrement de sa demande devant les premiers juges, pour la fraction de cette somme correspondant aux créances réglées par elle antérieurement à cette date, et pour les fractions de ladite somme correspondant aux paiements qu'elle a effectués ensuite, à compter de la date de chaque émission de chèque, telle qu'elle résulte des bordereaux versés au dossier ;

Considérant, en outre, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Isère le paiement à la COMPAGNIE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé en date du 26 mai 2004 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Le département de l'Isère est condamné à verser à la COMPAGNIE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE la somme de 45 776,52 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2001, date d'enregistrement de sa demande devant les premiers juges, pour la fraction de cette somme correspondant aux créances réglées par la compagnie antérieurement à cette date, et pour les fractions de ladite somme correspondant aux paiements qu'elle a effectués ensuite, à compter de la date de chaque émission de chèque.

Article 3 : Le département de l'Isère versera à la COMPAGNIE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la COMPAGNIE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE devant le Tribunal administratif de Grenoble et de ses conclusions d'appel est rejeté.

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N° 04LY01115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 04LY01115
Date de la décision : 01/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. QUENCEZ
Rapporteur ?: M. Joël BERTHOUD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : RAMBAUD CHRISTOPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-07-01;04ly01115 ?
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