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10/05/2007 | FRANCE | N°06LY01568

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 10 mai 2007, 06LY01568


Vu I, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 juillet 2006 sous le n° 06LY01568, présentée pour Mme Yamina Y épouse X, domiciliée ..., par Me Coutaz, avocat au barreau de Grenoble ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603368 en date du 15 juin 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 9 mai 2006, par lequel le préfet de l'Ain a ordonné sa reconduite à la frontière et

, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a...

Vu I, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 juillet 2006 sous le n° 06LY01568, présentée pour Mme Yamina Y épouse X, domiciliée ..., par Me Coutaz, avocat au barreau de Grenoble ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603368 en date du 15 juin 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 9 mai 2006, par lequel le préfet de l'Ain a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 050 euros, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

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Vu II, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 juillet 2006 sous le numéro 06LY01569, présentée pour M. Hocine X, domicilié ..., par Me Coutaz, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603367 en date du 16 juin 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 9 mai 2006, par lequel le préfet de l'Ain a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 050 euros, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée, relative au droit d'asile ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2007 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;


Considérant que les requêtes n° 06LY01568 et n° 06LY01569 de M. et Mme X présentent à juger des questions semblables ; que, dès lors, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;


Sur la légalité des arrêtés de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme X, de nationalité algérienne, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 30 décembre 2005, des décisions du préfet de l'Ain du 27 décembre 2005 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date des arrêtés attaqués, le 9 mai 2006, ils étaient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les plis contenant les arrêtés de reconduite à la frontière contestés, qui ont été envoyés à l'adresse que M. et Mme X avaient initialement communiquée au préfet de l'Ain, ont été effectivement distribués à leurs destinataires le 29 mai 2006 ; que la circonstance que, par courrier du 3 février 2006, reçu en préfecture le 6 février 2006, le conseil des intéressés avait informé le préfet de l'Ain de ce que ses clients avaient changé de domicile pour s'installer dans le département de l'Isère est sans incidence sur la légalité des mesures d'éloignement contestées, qui ont été effectivement notifiées aux intéressés à leur adresse d'Oyonnax, dont il n'est pas établi qu'elle n'aurait plus constituée, à cette date, celle de leur domicile ni que les intéressés auraient, alors, résidé en dehors du département de l'Ain ; que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du préfet de l'Ain à prendre les décisions litigieuses doit, par suite, être écarté ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus d'asile territorial prise à l'encontre de Mme X :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 alors en vigueur : « Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;
Considérant que si Mme X soutient qu'elle était menacée en Algérie, elle ne produit aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations, lesquelles ne sont pas, à elles seules, de nature à établir la réalité des risques personnels encourus par l'intéressée dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le ministre de l'intérieur aurait, en rejetant sa demande d'asile territorial par décision du 21 juillet 2004, commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les dispositions de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile doit être écarté ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité des décisions de refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » et qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (…) 5° Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupent familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que si M. X a vécu en France de 1968 à 1979 et y a effectué sa scolarité, et que lui et son épouse ne sont pas dépourvus d'attaches familiales sur le territoire français, M. et Mme X qui se sont mariés en 1983 en Algérie, y ont vécu jusqu'à leur entrée sur le territoire français en 2000, à l'âge respectivement de trente-neuf et de trente-sept ans et y ont conservé des attaches familiales ; que compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, les décisions en date du 27 décembre 2005 par lesquelles le préfet de l'Ain leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, n'ont pas porté au droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'elles n'ont, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'elles ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant que pour les motifs précités, les arrêtés de reconduite à la frontière n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé et ne sont pas davantage entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;


Sur les décisions distinctes fixant le pays de destination :
Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité des arrêtés de reconduite à la frontière, le préfet de l'Ain était territorialement compétent pour désigner, le 9 mai 2006, le pays de destination des mesures d'éloignement prises le même jour à l'encontre de M. et Mme X ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que, comme précédemment indiqué, les époux X n'établissent, ni la réalité des menaces et discriminations dont ils auraient fait l'objet en Algérie, ni l'existence de risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour dans leur pays d'origine, où résident toujours plusieurs membres de leurs familles respectives ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance, par les décisions désignant l'Algérie comme pays de destination de leur reconduite, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugement attaqués, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ; que leurs conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;


DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme X sont rejetées.
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Nos 06LY01568, 06LY01569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY01568
Date de la décision : 10/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : COUTAZ CLAUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-05-10;06ly01568 ?
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