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13/04/2007 | FRANCE | N°06LY01108

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 13 avril 2007, 06LY01108


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 29 mai 2006, présenté par le PREFET DE LA DROME ;

Le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601815 en date du 27 avril 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble, d'une part, a annulé son arrêté du 18 avril 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Zine Eddine X et ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et ordonnant le maintien de l'intéressé en

rétention administrative et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer une autor...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 29 mai 2006, présenté par le PREFET DE LA DROME ;

Le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601815 en date du 27 avril 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble, d'une part, a annulé son arrêté du 18 avril 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Zine Eddine X et ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et ordonnant le maintien de l'intéressé en rétention administrative et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Zine Eddine X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2007 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- et les conclusions de M. Aebischer, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non recevoir opposée par M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-20 du code de justice administrative relatif au contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière : « Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R.. 776-17, troisième alinéa. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au PREFET DE LA DROME le 28 avril 2006 ; que le recours de ce dernier tendant à l'annulation dudit jugement a été enregistré au greffe de la Cour le 29 mai 2006, soit dans le délai franc d'un mois prévu à l'article R. 776-20 précité du code de justice administrative ; que le moyen de M. X tiré de ce que cet appel serait tardif et, par suite, irrecevable, manque donc en fait ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du préfet de police de Paris du 6 février 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et confirmant le précédent refus de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire qui lui avait été opposé par le préfet de l'Ardèche, le 4 janvier 2005 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 18 avril 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que M. X, qui avait déposé un dossier à la Mairie de Grane en vue d'un mariage avec une ressortissante française, a été convoqué par les services de Gendarmerie, dans le cadre de l'enquête diligentée par le procureur de la République, placé en garde à vue et s'est vu notifier, le 18 avril 2006, un arrêté de reconduite à la frontière : qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la date de la célébration du mariage n'était pas alors fixée, le procureur de la République de Valence ayant, le 14 avril 2006, décidé de surseoir au mariage, jusqu'au 14 mai 2006 et, d'autre part, que c'est à l'occasion de l'enquête susmentionnée que le PREFET DE LA DROME a eu connaissance du séjour irrégulier sur le territoire français de M. X, lequel résidait auparavant dans d'autres départements et ne s'était jamais manifesté auprès des services préfectoraux drômois ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté de reconduite à la frontière en litige ne peut être regardé comme ayant revêtu un caractère précipité et eu pour motif déterminant de faire obstacle au mariage de M. X ; que l'absence de poursuite pénale et d'opposition au mariage de la part du procureur de la République est sans incidence ; que, par suite, le PREFET DE LA DROME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce que le préfet aurait commis un détournement de pouvoir en ordonnant la reconduite à la frontière de M. X pour annuler cette mesure d'éloignement ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : / (…) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (…) » ;

Considérant qu'il ressort de l'avis du 17 novembre 2005 du médecin chef de la préfecture de police de Paris, que le certificat médical non circonstancié du 13 mars 2006 produit par M. X ne permet pas de remettre en cause, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : / (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. » ;

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de l'exception d'illégalité du refus de séjour, l'arrêté de reconduite à la frontière en litige n'a pas méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que la circonstance que l'intéressé a, postérieurement à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière en litige, épousé une ressortissante française est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cette décision d'éloignement et ne rend pas sans objet le recours du préfet ;
Considérant que la mesure d'éloignement contestée n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'intéressé de se marier et ne crée à son détriment aucune discrimination ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations combinées des articles 12 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que si l'intéressé soutient qu'il séjourne en France depuis trois ans et vivait déjà, à la date de la décision contestée, en concubinage avec sa fiancée et les enfants de cette dernière, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la mesure d'éloignement en litige, M. X, qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans, était célibataire et sans enfant, et sa vie commune avec une ressortissante française très récente ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision distincte ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : / (…) 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; (…) » ;

Considérant, en premier lieu, que la décision de placement de M. X en rétention administrative, qui relève l'absence de moyen de transport immédiat permettant le départ de l'intéressé et de garanties de représentation effectives, eu égard au défaut de domicile personnel de M. X en France et à sa volonté de demeurer irrégulièrement sur le territoire français, malgré l'invitation à quitter le territoire qui lui avait été notifiée, est suffisamment motivée quant aux circonstances particulières rendant nécessaire le placement en rétention administrative de M. X ;

Considérant, en second lieu, que si M. X, qui possédait un passeport en cours de validité, indiquait demeurer chez sa compagne de nationalité française, cet hébergement récent et l'absence de document susceptible de justifier de l'adresse de son domicile ne permettaient pas de considérer que l'intéressé présentait des garanties de représentation suffisantes à la date de la décision litigieuse ; que, par suite, le PREFET DE LA DROME a pu, sans méconnaître les dispositions précitées, décider le placement de M. X dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA DROME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé son arrêté du 18 avril 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Zine Eddine X et ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et ordonnant le maintien de l'intéressé en rétention administrative et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. X, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble du 27 avril 2006 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Grenoble et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.
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N° 06LY01108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY01108
Date de la décision : 13/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. AEBISCHER
Avocat(s) : SABATIER LAURENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-04-13;06ly01108 ?
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