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08/02/2007 | FRANCE | N°06LY00870

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 5ème chambre, 08 février 2007, 06LY00870


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 27 avril 2006, présentée pour M. Hacène Lofti X, domicilié chez ..., par Me Costa, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601344 en date du 31 mars 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 14 mars 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de

la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 27 avril 2006, présentée pour M. Hacène Lofti X, domicilié chez ..., par Me Costa, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601344 en date du 31 mars 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 14 mars 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 900 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret du 30 juin 1945 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2007 :

- le rapport de M. Bernault, président ;
- et les conclusions de M. Raisson, commissaire du gouvernement ;


Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que contrairement aux affirmations du requérant, le premier juge, qui n'était pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments présentés par M. X au soutien des moyens de sa demande, n'a entaché son jugement d'aucune omission à statuer ni insuffisance de motivation ;


Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 8 décembre 2005, de la décision du préfet de l'Isère du 2 décembre 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 14 mars 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que par arrêté du 23 novembre 2004, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère du mois de novembre 2004, M. Dominique Blais, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, a reçu régulièrement délégation de signature du préfet de l'Isère pour signer notamment les décisions de reconduite à la frontière ; que l'arrêté de reconduite contesté n'est donc pas entaché d'irrégularité sur ce point ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié : « Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ;/ - et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 2 décembre 2005 refusant à M. X la délivrance d'un certificat de résidence a été prise sur avis du 19 juillet 2005 du médecin inspecteur de santé publique de la direction des affaires sanitaires et sociales de l'Isère indiquant que l'état de santé de M. X nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que l'intéressé doit toutefois pouvoir bénéficier d'une prise en charge appropriée en Algérie ; que si l'intéressé soutient que l'avis du médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ne comportait pas d'indication sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage ; que, par suite, l'avis du 19 juillet 2005 du médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales répond aux exigences fixées par l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » et qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (…) 5) Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories (…) qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (…) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d' un traitement approprié dans son pays. (…) » ;

Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que M. X souffre d'une affection ophtalmologique chronique qui nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a considéré que l'intéressé pouvait bénéficier d'un suivi et d'un traitement médical approprié en Algérie et aucune des pièces médicales produites au dossier ne vient contredire cette affirmation ; que, par suite, la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence du 2 décembre 2005 ne méconnaît pas les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

Considérant que si le requérant soutient qu'il ne pourrait mener une vie privée et familiale normale qu'en France, où il réside depuis plusieurs années et est parfaitement intégré et où il suit un traitement médical régulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X, qui est célibataire et sans enfant, serait dépourvu d'attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, où il a suivi des études supérieures et a exercé une profession et qu'il ne pourrait poursuivre, dans ce pays, ainsi qu'il vient de l'être dit, le suivi et le traitement médical que son état de santé nécessite ; que, par suite, la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence du 2 décembre 2005 ne méconnaît, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (…) » et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : « La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, dans le cas d'un ressortissant algérien, par les stipulations de l'accord franco-algérien ayant le même objet, et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant que, comme il vient d'être dit, M. X n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des stipulations du 5° ou du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet de l'Isère du 2 décembre 2005 serait irrégulière, faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour, doit être écarté ;

En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : / (…) 10°) L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. (…) » ;

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, l'arrêté de reconduite à la frontière contesté ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si M. X soutient qu'il encourrait des risques pour sa vie et sa liberté en cas de retour en Algérie où son frère aurait été agressé, où il aurait personnellement fait l'objet de menaces et de tentatives de racket de la part de groupes terroristes et où règnerait toujours une situation générale d'insécurité, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, la réalité des risques que comporterait pour lui un retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision désignant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer la situation administrative de M. X doivent être rejetées ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. X, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DECIDE :


Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 06LY00870


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : COSTA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 5ème chambre
Date de la décision : 08/02/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06LY00870
Numéro NOR : CETATEXT000018310426 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-02-08;06ly00870 ?
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