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26/09/2006 | FRANCE | N°06LY00777

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 26 septembre 2006, 06LY00777


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 14 avril 2006, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Tomasi, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601757 en date du 24 mars 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 22 mars 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Evariste X et ses décisions distinctes du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme desti

nation de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 14 avril 2006, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Tomasi, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601757 en date du 24 mars 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 22 mars 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Evariste X et ses décisions distinctes du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de M. X la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2006 :

- le rapport de M. Vialatte, président ;

- les observations de Me Shibaba, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du recours ;

Considérant que pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DU RHONE à l'encontre de M. X le 22 mars 2006, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que cette mesure était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, dès lors que l'état de santé de la mère adoptive de ce dernier auprès de laquelle il vit nécessite sa présence constante à ses côtés ; que M. X établit, par les documents qu'il produit, sa filiation adoptive avec Mme Y, ressortissante française ; que cependant si celle-ci est atteinte de plusieurs maladies, il ne ressort pas des pièces produites qu'elles entraîneraient des handicaps d'une gravité telle qu'ils nécessiteraient la présence d'une tierce personne ; que par ailleurs, il ressort des affirmations de M. X lui-même et des pièces produites en appel qu'au moins un autre des cinq enfants adoptifs de Mme Y vit en France et a obtenu la nationalité française ; que, dès lors, M. X n'établit pas le caractère indispensable de sa propre présence aux côtés de sa mère adoptive ; que, par suite, l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et c'est donc à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, l'arrêté de reconduite à la frontière en litige et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination et celle ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X, tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité camerounaise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 27 février 2004, de la décision du 19 février 2004 du PREFET DU RHONE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 22 mars 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que par arrêté du 1er février 2006, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône du même jour, M. Christophe Bay, secrétaire général de la préfecture du Rhône, a reçu régulièrement délégation de signature du PREFET DU RHONE pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit, par suite, être écarté ;

Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière contesté énonce avec suffisamment de précision les considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; que le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas motivé doit donc être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est âgé de trente-quatre ans, célibataire et sans enfant à charge ; que si sa mère adoptive est venue en France alors qu'il avait vingt-et-un ans et s'il soutient qu'aucun de ses frères et soeurs ne réside au Cameroun, il n'établit pas qu'il serait dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination

Considérant que M. Mercier, chef de bureau à la préfecture du Rhône, signataire de la décision fixant le pays de destination, a reçu régulièrement délégation du PREFET DU RHONE, par arrêté en date du 12 juillet 2005, publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône, pour signer ainsi qu'il l'a fait cette décision au nom du préfet ;

Considérant que cette décision énonce avec suffisamment de précision les considérations de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ; que le moyen tiré de ce qu'elle ne serait pas motivée doit donc être écarté ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière, la décision fixant le Cameroun comme pays de destination de la reconduite à la frontière ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ;

Sur la décision ordonnant le placement en rétention administrative

Considérant que M. Mercier, chef de bureau à la préfecture du Rhône, signataire de la décision ordonnant le placement en rétention administrative, a reçu régulièrement délégation du PREFET DU RHONE, par arrêté en date du 12 juillet 2005, publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône, pour signer ainsi qu'il l'a fait cette décision au nom du préfet ;

Considérant que cette décision énonce avec suffisamment de précision les considérations de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ; que le moyen tiré de ce qu'elle ne serait pas motivée doit donc être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 22 mars 2006 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. X et, par voie de conséquence, sa décision fixant le pays de destination de la reconduite et celle ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X, la somme de 1 000 euros que le PREFET DU RHONE demande pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;



Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. X, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 mars 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées devant la Cour par le PREFET DU RHONE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 06LY00777


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul VIALATTE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : JEAN PAUL TOMASI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Date de la décision : 26/09/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06LY00777
Numéro NOR : CETATEXT000018310277 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-09-26;06ly00777 ?
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