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13/07/1993 | FRANCE | N°91LY00405

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Pleniere, 13 juillet 1993, 91LY00405


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 3 mai 1991 et 29 juillet 1991, présentés pour la Banque Populaire Bretagne-Atlantique dont le siège social est ... représentée par ses dirigeants en exercice par la SCP d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation A. LYON-CAEN, F. FABIANI, F. THIRIEZ, et tendant à ce que la Cour :
1°) annule un jugement en date du 12 février 1991 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (S.A.P.R.R

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 3 mai 1991 et 29 juillet 1991, présentés pour la Banque Populaire Bretagne-Atlantique dont le siège social est ... représentée par ses dirigeants en exercice par la SCP d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation A. LYON-CAEN, F. FABIANI, F. THIRIEZ, et tendant à ce que la Cour :
1°) annule un jugement en date du 12 février 1991 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (S.A.P.R.R.) soit condamnée à lui verser la somme de 360 378,59 francs qui lui reste due au titre de la cession de créance que lui a consentie la société COMPO-BATI-Exploitation en décembre 1987, outre les intérêts de droit sur cette somme à compter du 17 octobre 1988 ;
2°) condamne la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (SAPRR) à lui verser ladite somme de 360 378,59 francs, outre les intérêts de droit à compter du 17 octobre 1988 ainsi que la capitalisation des intérêts échus ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi modifiée n° 81-1 du 2 janvier 1981 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 1993 :
- le rapport de M. VESLIN, conseiller ;
- les observations de Me X... substituant la SCP LYON CAEN-FABIANI-THIRIEZ avocat de la Banque Populaire Bretagne Atlantique et de Me BOMBARD avocat de la société des autoroutes Paris Rhin Rhône ;
- et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en exécution d'un jugement du tribunal de commerce du 25 juin 1987 arrêtant le plan de redressement de l'entreprise exploitée par la société bourbonnaise de bâtiments et de travaux publics (S.B.B.T.P.) mise en règlement judiciaire, la SA COMPO-BATI-Exploitation (C.B.E.) a repris le fonds de commerce de ladite société ainsi que, par un avenant signé le 10 septembre 1987, le marché passé par celle-ci, en qualité de mandataire d'un groupement d'entreprises, avec la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (S.A.P.R.R.) pour la construction des logements de fonction du centre d'entretien de l'autoroute A 71 de Montmarault ; que le 28 décembre 1987 la société C.B.E. a remis au maître d'oeuvre du marché en vue du paiement de l'acompte mensuel n° 12, un projet de décompte correspondant aux travaux exécutés à la fin du mois de novembre 1987 d'un montant de 504 193 francs TTC et a cédé par bordereau daté du 29 décembre 1987 à la Banque Populaire Bretagne Atlantique, en application des dispositions de la loi n° 81-1 modifiée du 2 janvier 1981, la créance de ce montant qu'elle estimait détenir sur la S.A.P.R.R. ; que ladite banque a notifié à la S.A.P.R.R., le 6 janvier 1988, la cession de cette créance aux fins d'en obtenir le paiement direct ; que la S.A.P.R.R. ne lui a payé qu'une somme de 143 514,41 francs correspondant à la différence entre, d'une part, le montant du décompte n° 12 rectifié par le maître d'oeuvre à la somme de 525 193,84 francs T.T.C. majoré du montant des décomptes n° 13 et n° 14 ultérieurement présentés par la société COMPO-BATI et, d'autre part, le total de deux avances qu'elle avait antérieurement consenties tant à celle-ci qu'à la S.B.B.T.P. en vue de l'exécution du marché ; que la banque requérante fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que la S.A.P.R.R. soit condamnée à lui payer le montant restant dû soit 360 378,59 francs de la créance qui lui a été cédée par la société C.B.E. le 29 décembre 1987 ; qu'à cet effet elle soutient que cette créance ne pouvait faire l'objet d'une compensation avec les créances du maître de l'ouvrage aux motifs, d'une part, que la société C.B.E. n'était pas redevable de la première avance de 304 806,07 francs consentie en réalité à la seule S.B.B.T.P. avant sa mise en règlement judiciaire et qu'ainsi la créance correspondant au remboursement de cette avance ne pouvait que faire l'objet d'une déclaration au passif de cette dernière société, d'autre part, que la seconde avance de 150 000 francs n'était pas encore exigible le 6 janvier 1988, date à laquelle a été notifiée à la S.A.P.R.R. la cession de créance intervenue à son profit, et que dès lors n'était pas remplie l'une des conditions exigées pour la mise en oeuvre de la compensation ;

Considérant que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte final et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties ; qu'il s'ensuit que les règles qui régissent la compensation sont inapplicables aux opérations comprises dans ce compte et que la mise en règlement judiciaire ou la faillite de l'entrepreneur est sans influence sur l'application des règles qui tiennent à la nature même du compte ; que les dispositions de la loi du 2 janvier 1981 précitée relative à la cession de créances professionnelles, qui ne sauraient conférer au cessionnaire à l'égard du maître d'ouvrage plus de droits que n'en a le cédant, n'ont eu ni pour objet, ni pour effet de rendre inapplicable au cessionnaire d'une créance née de l'exécution d'un marché de travaux publics le principe ci-dessus énoncé ; qu'ainsi les avances forfaitaires consenties par le maître d'ouvrage au titulaire dudit marché peuvent le cas échéant être imputées sur le montant des acomptes dûs à celui-ci, même lorsque lesdits acomptes ont fait l'objet d'une cession de créance ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'en exécution de l'article 5-2 du cahier des clauses administratives particulières du marché une avance forfaitaire de 304 806,07 francs HT a été accordée à la S.B.B.T.P., au début des travaux, lors du règlement de l'acompte mensuel n° 1 ; que le jugement du tribunal de commerce de Moulins du 25 juin 1987 prévoyait que le repreneur de la S.B.B.T.P., en l'occurrence la société C.B.E. qui était alors en cours de constitution, devrait supporter les aléas et charges des chantiers ou marchés repris ; que d'ailleurs, dans sa proposition de reprise du chantier de Montmarault, le dirigeant de la future C.B.E. a demandé l'allocation d'une avance forfaitaire de 150 000 francs qui, selon les termes de sa lettre, viendrait en supplément de l'avance forfaitaire de démarrage des travaux de 304 806,07 francs laquelle, était-il rappelé, devait être remboursée selon l'état d'avancement de ceux-ci ; que, dans ces conditions, la société C.B.E. doit être regardée comme étant redevable du remboursement de cette avance ; qu'ainsi, dès lors qu'il est constant que les conditions auxquelles était subordonné ce remboursement étaient en l'espèce remplies au moment où la société C.B.E. a présenté le projet de décompte n° 12, le maître d'oeuvre était en droit de rectifier le décompte n° 12 aux fins de déduire cette avance du montant de l'acompte correspondant sans que la requérante puisse se prévaloir de la mise en règlement judiciaire de la S.B.B.T.P.; que la banque requérante n'est en conséquence pas fondée à se plaindre de ce que, par la décision attaquée, le tribunal administratif a jugé que la S.A.P.R.R. était fondée à imputer cette avance sur la créance dont elle était cessionnaire ;

Considérant, en second lieu, que, pour les raisons ci-dessus indiquées, la banque ne peut utilement invoquer les règles régissant la compensation pour soutenir que, dès lors que le remboursement de la seconde avance de 150 000 francs n'était pas encore exigible selon les stipulations de l'article 6 de l'avenant signé le 10 septembre 1987 lorsqu'elle a notifié à la S.A.P.R.R. le 6 janvier 1988 la cession de créance intervenue à son profit, le maître d'ouvrage ne pouvait procéder à aucune imputation de cette avance sur le montant de l'acompte correspondant à sa créance et qu'ainsi, pour le moins, ladite somme de 150 000 francs lui resterait due intégralement ; que si le non respect par la S.A.P.R.R. des stipulations du marché relatives au versement d'une partie de l'acompte n° 12 à la société C.B.E. aux droits de laquelle venait la requérante était susceptible d'ouvrir droit aux intérêts moratoires contractuels, qui devaient d'ailleurs être compris dans le compte dressé entre les parties à la fin du marché, la requérante ne saurait prétendre aux intérêts de droit de la somme qui lui resterait dûe dès lors qu'elle ne conteste pas que la somme de 143 514,41 francs qu'elle a perçue correspondait au solde des décomptes n° 12 - 13 - 14 après réduction des avances forfaitaires remboursables aux termes du marché ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par la Banque Populaire Bretagne-Atlantique doit être rejetée ; Sur les conclusions tendant au remboursement des frais irrépétibles exposés par les deux parties ;
Considérant que le bien fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel applicables à la date du présent arrêt ; qu'aux termes de l'article L.8-1, "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que la S.A.P.R.R., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à la Banque Populaire Bretagne-Atlantique la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant en revanche qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Banque Populaire Bretagne-Atlantique à verser à la S.A.P.R.R., en application des dispositions précitées, la somme de 4 000 francs ;
Article 1er : La requête présentée par la Banque Populaire Bretagne-Atlantique est rejetée.
Article 2 : La Banque Populaire Bretagne-Atlantique est condamnée à verser la somme de 4 000 francs à la S.A.P.R.R. au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Les conclusions présentées à ce même titre par la Banque Populaire Bretagne-Atlantique sont rejetées.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - Cession de créance (loi n° 81-1 du 2 janvier 1981) - Cession de la créance correspondant à un acompte sur un marché de travaux publics - Imputation sur cette créance par le cédé - nonobstant sa cession - d'avances forfaitaires consenties - Régularité (1).

39-05, 39-05-03 Les dispositions de la loi du 2 janvier 1981 modifiée relatives à la cession de créances professionnelles n'ont eu ni pour objet, ni pour effet de conférer au cessionnaire plus de droits que n'en a le cédant. Application à l'établissement de crédit, devenu, par l'effet de l'article 1-1 de cette loi, propriétaire d'une créance correspondant au montant d'un acompte sur le prix d'un marché de travaux publics, du principe selon lequel l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un tel marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte final et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties (1). En conséquence, l'établissement de crédit ne peut se prévaloir des règles régissant la compensation pour s'opposer à l'imputation sur la somme qui lui est due par l'effet de la cession de la créance correspondant à cet acompte, d'avances forfaitaires consenties antérieurement par le maître d'ouvrage débiteur cédé au titulaire du marché, alors même que le remboursement de ces avances n'est pas exigible au moment où cette cession de créance est notifiée au maître d'ouvrage. Droit du cessionnaire limité aux intérêts moratoires contractuels sur le solde de cet acompte après imputation des avances forfaitaires.

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - COMPENSATION - Absence - Non compensation entre les sommes du compte unique d'exécution d'un marché de travaux publics (1) - Conséquences.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 81-1 du 02 janvier 1981

1.

Cf. CE, 1961-12-08, Société nouvelle compagnie générale de travaux, p. 701


Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Latournerie
Rapporteur ?: M. Veslin
Rapporteur public ?: M. Chanel

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Pleniere
Date de la décision : 13/07/1993
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 91LY00405
Numéro NOR : CETATEXT000007456254 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1993-07-13;91ly00405 ?
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