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10/12/1990 | FRANCE | N°89LY01859;89LY01902

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Pleniere, 10 décembre 1990, 89LY01859 et 89LY01902


Vu I), sous le n° 89LY01859, la requête enregistrée au greffe de la cour le 25 octobre 1989 et présentée pour la S.A. Schiochet, dont le siège est ... (Puy-de-Dôme), par la SCP Ambiehl-Kennouche-Treins, avocats ;
La S.A Schiochet demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 septembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamnée à verser, solidairement avec M. Y..., architecte, la somme de 343 889,06 francs à la commune de Puy-Guillaume en réparation de divers désordres affectant un gymnase et ses annexes ;
2°) de rejeter la deman

de présentée pour la commune de Puy-Guillaume devant le tribunal admini...

Vu I), sous le n° 89LY01859, la requête enregistrée au greffe de la cour le 25 octobre 1989 et présentée pour la S.A. Schiochet, dont le siège est ... (Puy-de-Dôme), par la SCP Ambiehl-Kennouche-Treins, avocats ;
La S.A Schiochet demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 septembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamnée à verser, solidairement avec M. Y..., architecte, la somme de 343 889,06 francs à la commune de Puy-Guillaume en réparation de divers désordres affectant un gymnase et ses annexes ;
2°) de rejeter la demande présentée pour la commune de Puy-Guillaume devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Vu II), sous le n° 89LY01902, la requête et le mémoire rectificatif enregistrés au greffe de la cour les 13 et 22 novembre 1989 et présentés pour M. X... Bosser, venant aux droits de M. B... Bosser, par Me Philippe Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation ;
M. Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement sus-visé ;
2°) de rejeter la demande présentée par la commune du Puy-Guillaume devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 21 novembre 1990 :
- le rapport de M. Chavrier, conseiller ;
- les observations de Me Bringuier substituant Me Jean Michel, avocat de la ville de Puy-Guillaume, et de Me A... substituant Me Dominique Delafon, avocat de la société Delion ;
- et les conclusions de M. Richer, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la société Schiochet et celle de M. Y... sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 12 septembre 1989 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte des termes mêmes du jugement attaqué qu'en estimant que le délai de garantie décennale n'était pas expiré le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a implicitement mais nécessairement entendu rejeter le moyen tiré par la S.A. Schiochet de ce que les désordres dont se plaint la commune de Puy-Guillaume n'étaient couverts que par la garantie biennale ; qu'ainsi la société Schiochet n'est pas fondée à soutenir que ledit jugement est entaché d'une omission à statuer ;
Sur le délai de la garantie décennale :
Considérant qu'en vertu des principes dont s'inspire l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, une demande en référé tendant à la désignation d'un expert aux fins de rechercher les causes et les conséquences de désordres imputés à des constructeurs interrompt le délai de garantie décennale que ceux-ci sont en droit d'opposer aux collectivités publiques qui entendent mettre en cause leur responsabilité à raison de ces mêmes désordres ;
Considérant que la réception provisoire des travaux de construction du gymnase de Puy-Guillaume, qui marque, en application de l'article 6-5 du cahier des prescriptions spéciales applicable en l'espèce, le point de départ du délai de la garantie décennale, a été prononcée le 7 mars 1978 ; que la commune de Puy-Guillaume, a présenté une demande en référé, enregistrée le 20 octobre 1987 au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, tendant à la désignation d'un expert à raison des désordres affectant exclusivement les cloisons intérieures du bâtiment ; qu'en application des principes ci-dessus rappelés, cette demande a eu pour effet d'interrompre, pour ces désordres, le délai de la garantie décennale ; que, dès lors, M. Y..., architecte, et l'entreprise Schiochet ne sont pas fondés à soutenir que ledit délai était expiré le 8 juillet 1988, date d'enregistrement au greffe du tribunal de la demande par laquelle la commune a conclu à leur condamnation ;

Considérant, en revanche, que la demande en référé ne mentionnait pas les désordres affectant le revêtement de sol du gymnase dont la commune a également demandé réparation au tribunal ; qu'elle n'a pu, ainsi, pour ces malfaçons, interrompre le délai de la garantie décennale, dont le point de départ est fixé, ainsi qu'il a été dit, à la réception provisoire des travaux prononcée le 7 mars 1978 ; que si quelques réserves ont été mentionnées au procès-verbal dressé lors de cette réception, les réserves ne concernaient que des travaux de finition de faible importance et ne portaient pas sur les désordres précités ; qu'elles n'ont donc pas fait obstacle à ce que le délai de la garantie décennale ait couru à partir de la réception provisoire ; que ledit délai étant expiré à la date d'enregistrement de la demande de la commune tendant à la condamnation des constructeurs, les requérants sont, dès lors, fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accueilli ladite demande en tant qu'elle porte sur ces derniers désordres ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis en référé, que les désordres affectant le bâtiment annexe du gymnase de Puy-Guillaume, consistent en de graves détériorations des cloisons des salles de douche, du bloc sanitaire et des couloirs de circulation, et entraînent des risques d'écroulement de ces cloisons ; qu'ils rendent en conséquence l'immeuble impropre à sa destination, et sont, par suite, de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ;
Considérant, en deuxième lieu que la démolition suivie de la reconstruction des cloisons dont il est question entraînaient nécessairement la réfection des enduits et de la peinture qui les recouvraient ; qu'ainsi, les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à se prévaloir de ce que, en ce qui concerne ces éléments de finition, la garantie biennale était expirée ;
Considérant, en troisième lieu, que si la société Schiochet soutient que l'architecte ne pouvait ignorer les modifications reprochées par l'expert dans l'utilisation des matériaux, elle n'est pas fondée, dans le cadre de la mise en jeu de sa responsabilité décennale, à opposer au maître d'ouvrage les fautes commises par un autre constructeur ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il est constant que l'entreprise Delion, sous-traitante de l'entreprise Schiochet, n'avait aucun lien de droit direct avec la commune de Puy-Guillaume ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions dirigées contre ladite entreprise ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant que le tribunal administratif a fait une juste appréciation du préjudice résultant pour la commune de Puy-Guillaume des désordres affectant le bâtiment annexe du gymnase en eu fixant le montant à 66 660,26 francs ; que, dans ces conditions, il y a lieu de ramener à cette somme le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Schiochet et de M. Y... ;

Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la commune de Puy-Guillaume a demandé le 14 mars 1990 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand lui a accordée ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, dans la limite du montant de l'indemnité accordée à la commune par la présente décision ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que l'expertise ordonnée en référé n'a été utile à la solution du litige que pour la recherche des causes des désordres mentionnés dans la demande initiale de la commune de Puy-Guillaume ; qu'il y a donc lieu, dans les circonstances de l'affaire, de partager par moitié la charge des frais de cette expertise ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant que sur les conclusions présentées en appel par la commune de Puy-Guillaume relatives aux frais exposés par elle et non compris dans les dépens, il n'y a pas lieu de faire application de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : La somme de 343 889,06 francs que la société Schiochet et M. Y... ont été condamnés à verser à la commune de Puy-Guillaume par le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 12 septembre 1989 est ramenée à 66 660,26 francs.
Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 12 septembre 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Les intérêts afférents à l'indemnité que la société Schiochet et M. Y... ont été condamnés à verser à la commune de Puy-Guillaume et échus le 14 mars 1990 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge conjointe et solidaire de la société Schiochet et de M. Y... à concurrence de la moitié et à la charge de la commune de Puy-Guillaume à concurrence de l'autre moitié.
Article 5 : L'article 4 du jugement précité du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 6 : Le surplus de conclusions des parties est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89LY01859;89LY01902
Date de la décision : 10/12/1990
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-02-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DELAI DE MISE EN JEU - INTERRUPTION DU DELAI -Demande en référé tendant à la désignation d'un expert aux fins de constater les désordres affectant un ouvrage et d'en rechercher les causes - Existence, pour les désordres expressément mentionnés dans la demande en référé.

39-06-01-04-02-02 En vertu des principes dont s'inspire l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 5 juillet 1985, une demande en référé tendant à la désignation d'un expert aux fins de rechercher les causes et les conséquences de désordres imputés à des constructeurs interrompt le délai de garantie décennale que ceux-ci sont en droit d'opposer aux collectivités publiques qui entendent mettre en cause leur responsabilité à raison des mêmes désordres. Cette interruption ne peut jouer, toutefois, que pour les seuls désordres expressément mentionnés dans la demande en référé.


Références :

Code civil 2244, 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R222
Loi 85-677 du 05 juillet 1985


Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: M. Chavrier
Rapporteur public ?: M. Richer

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1990-12-10;89ly01859 ?
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