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26/07/1990 | FRANCE | N°89LY00463

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Pleniere, 26 juillet 1990, 89LY00463


Vu l'ordonnance du président de la 10e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 2 janvier 1989 transmettant à la cour, la requête visée ci-après ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les 29 mars et 28 juillet 1988, présentés pour M. Charles X... demeurant ... - COURTHEZON, par Me Y..., avocat aux Conseils ;
M. X... demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 10 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation

de la décision du 28 août 1985 par laquelle le directeur de l'Office ...

Vu l'ordonnance du président de la 10e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 2 janvier 1989 transmettant à la cour, la requête visée ci-après ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les 29 mars et 28 juillet 1988, présentés pour M. Charles X... demeurant ... - COURTHEZON, par Me Y..., avocat aux Conseils ;
M. X... demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 10 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 août 1985 par laquelle le directeur de l'Office National d'Immigration l'a rendu débiteur de la contribution spéciale instituée par l'article L 341-7 du code du travail au titre de l'emploi irrégulier d'un ressortissant marocain ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Code du Travail ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 9 juillet 1990 :
- le rapport de Mme du GRANRUT, conseiller ;
- et les conclusions de M. RICHER, commis-saire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L 341-6 du code du travail : "Il est interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en FRANCE lorsque la possession de ce titre est exigée en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux" ; que le même code dispose, en son article L 341-7, que : "Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L 341-6, 1er alinéa sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'Office National de l'Immigration" ; que, selon l'article R 341-33 du code : "Un exemplaire des procès-verbaux établis par les fonctionnaires chargés du contrôle de l'application du droit du travail ou par les officiers et agents de police judiciaire et constatant les infractions aux dispositions du premier alinéa de l'article L 341-6 du présent code est transmis au directeur du travail et de la main-d'oeuvre du département dans lequel l'infraction a été constatée ou au fonctionnaire qui en assume les attributions en raison de la nature de l'activité exercée par l'employeur. Le directeur du travail et de la main-d'oeuvre ou le fonctionnaire compétent indique à l'employeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, que les dispositions de l'article L 341-7 lui sont applicables et qu'il peut lui présenter ses observations dans un délai de quinze jours ..." ; qu'aux termes de l'article R 341-34 : "Au vu des procès verbaux qui lui sont transmis en application de l'article R 341-33, le directeur de l'Office National d'Immigration décide de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L 341-7 du code du travail et notifie sa décision à l'employeur ainsi que le titre de recouvrement" ; que les décisions prises pour l'application de ces dispositions peuvent faire l'objet de pourvois devant la juridiction administrative ;
Considérant que M. X... demande l'annulation de la décision du 28 août 1985 par laquelle le directeur de l'Office National de l'Immigration l'a rendu débiteur de la contribution spéciale instituée par l'article L 341-7 du code du travail au titre de l'emploi irrégulier d'un ressortissant marocain ;
Sur l'application de loi d'amnistie :
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi susvisée 88-828 du 20 juillet 1988 "sont amnistiés les faits commis avant le 22 mai 1988 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles" ; que la contribution spéciale prévue à l'article L 341-7 du code du travail n'est ni une sanction disciplinaire ni une sanction professionnelle au sens de l'article 14 précité ; que par suite M. X... n'est pas fondé à invoquer le bénéfice de l'amnistie prévue par les dispositions législatives susmentionnées ;
Sur la compétence de l'auteur de l'acte :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la décision d'appliquer au requérant la contribution litigieuse a été signée par le directeur de l'Office National de l'Immigration ; que le fait qu'un échange de courrier ait eu lieu, postérieurement à ces dates, avec un chef de service de la même administration est sans effet sur la régularité tant de l'acte exécutoire que de sa notification ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la décision aurait été prise en violation des règles de compétence figurant à l'article R 341-34 du code du travail manque en fait ;
Sur la motivation de la décision attaquée :
Considérant que M. X... n'a présenté en première instance que des moyens de légalité interne ; qu'il n'est dès lors pas recevable à invoquer en appel un moyen tiré d'un vice de forme, lequel n'est, contrairement à ce qui est allégué, pas d'ordre public ;
Sur le moyen tiré de ce que l'article L 341-7 du code du travail institue une sanction de nature pénale sans donner aux contrevenants les garanties exigées par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France, "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" ;que la contribution instituée par l'article L 341-7 du code du travail ne constitue pas une sanction pénale ; que les contestations relatives à l'application de ladite contribution peuvent, par ailleurs, être soumises à la juridiction adminis-trative ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'article L 341-7 du code du travail devrait être écarté en raison des conventions internationales ratifiées par la France ;
Sur le moyen tiré de ce que l'article R 341-5 du code du travail viole l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, réaffirmée par le préambule de la Constitution : "La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée" ; qu'il en résulte, selon le requérant qu'une peine non modulée serait contraire aux principes applicables à la sanction des infractions ;
Considérant qu'aux termes de l'article R 341-35 du code du travail : "la contribution spéciale créée à l'article L 341-7 est due pour chaque étranger employé en infraction à l'article L 341-6 premier alinéa. Son montant est égal à 2000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L 141-8 du code du travail" ;

Considérant que la contribution spéciale ainsi établie est une contribution financière mise en oeuvre lorsque n'ont pas été remplies les conditions concernant l'emploi des travailleurs étrangers ; qu'ainsi elle ne constitue pas une peine au sens de l'article 8 susmentionné ; que dès lors l'article R 341-35 du code, qui a été pris en vertu de l'habilitation donnée par l'article L 341-7, ne viole en tout état de cause aucun principe résultant de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Sur le moyen tiré de ce que l'Office des Migrations Internationales ne peut valablement procéder au recouvrement de la contribution spéciale :
Considérant qu'en confiant au directeur de l'Office le soin de notifier à l'employeur la décision qu'il a prise ainsi que le titre de recouvrement, l'article R 341-34 du code du travail a conféré à cet agent le pouvoir de recouvrer la contribution spéciale ; qu'il n'a, ce faisant, violé aucune disposition législative ni aucun principe général de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, les faits retenus pour lui appliquer la contribution spéciale étant établis, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au directeur de l'Office des Migrations Internationales et au ministre de l'intérieur.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-06-02-02 ETRANGERS - EMPLOI DES ETRANGERS - MESURES INDIVIDUELLES - CONTRIBUTION SPECIALE DUE A RAISON DE L'EMPLOI IRREGULIER D'UN TRAVAILLEUR ETRANGER -Caractère - Sanction pénale - Absence.

335-06-02-02 Dès lors que la contribution instituée par l'article L. 341-7 du code du travail ne constitue pas une sanction pénale et que les contestations relatives à l'application de cette contribution peuvent être soumises à la juridiction administrative, les dispositions législatives en cause ne sauraient être écartées comme contraires à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme. Cette contribution financière, qui ne constitue pas une peine au sens de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne viole pas non plus de principe issu de ladite déclaration, du fait notamment que son montant ne comporterait pas de modulation.


Références :

Code du travail L341-6, L341-7, R341-33, R341-34, 14, R341-5, R341-35
Loi 88-828 du 20 juillet 1988 art. 14


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: Mme du Granrut
Rapporteur public ?: M. Richer

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Pleniere
Date de la décision : 26/07/1990
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 89LY00463
Numéro NOR : CETATEXT000007453711 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1990-07-26;89ly00463 ?
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