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28/06/2022 | FRANCE | N°21DA01170

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 28 juin 2022, 21DA01170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 par lequel la préfète de la Somme a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100493 du 11 mai 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de la Somme de procéder au réexamen de la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregi

strée le 27 mai 2021, la préfète de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 par lequel la préfète de la Somme a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100493 du 11 mai 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de la Somme de procéder au réexamen de la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2021, la préfète de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

elle soutient que :

- l'intéressé, qui a déjà justifié de son identité, ne peut se prévaloir d'une autre identité pour tenter d'obtenir un titre de séjour ;

- en tout état de cause, il ne détenait pas de visa de long séjour, condition exigée par le 2 de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

- il ne peut bénéficier de l'exception prévue au 2° de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne fait pas preuve de sérieux dans ses études.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2021, M. B... représenté par Me Antoine Tourbier conclut au rejet de la requête à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'est pas établi qu'il ait été mis à même de présenter ses observations sur les mesures prises à son encontre ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- les moyens soulevés par la préfète ne sont pas fondés ;

- l'arrêté porte atteinte à sa vie privée et familiale ;

- l'obligation de quitter le territoire doit être annulée par voie de conséquence ;

- cette décision n'a en tout état de cause pas fait l'objet d'un examen de sa situation personnelle et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 3 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mars 2022.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Baes-Honoré présidente-assesseure.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo né en 2001, a déclaré être entré en France le 20 août 2017. Il a sollicité le 9 juillet 2020 son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 janvier 2021, la préfète de la Somme a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. La préfète de la Somme relève appel du jugement du 11 mai 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers alors applicable : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'une première carte de séjour doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2, les pièces suivantes : 1° Les documents, mentionnés à l'article R. 211-1, justifiant qu'il est entré régulièrement en France ; 2° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l'article R. 311-3 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 313-10 : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 2° de l'article R. 313-1 : / (...) / 2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies ".

4. Pour refuser de délivrer à M. B... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Somme a relevé que le requérant avait obtenu le 25 janvier 2016 un visa de long séjour délivré par les autorités consulaires françaises au Congo sous une autre identité, puis a estimé que l'intéressé ne faisait pas de preuve de sérieux dans la poursuite de ses études. Le tribunal administratif a estimé qu'en retenant ce dernier motif, la préfète avait fait une inexacte application de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable.

5. Toutefois, l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir, en instance comme en appel, que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. Pour établir que la décision attaquée est légale, la préfète a invoqué dans sa défense devant le tribunal administratif puis devant la cour, qui a été communiquée au requérant, le motif tiré de ce que l'intéressé n'avait pas de visa de long séjour, condition alors exigée par le 2° de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a déclaré être né le 30 juin 2001 et n'a été scolarisé qu'à partir de septembre 2017, alors qu'il était déjà âgé de seize ans. Il ne peut dès lors pas être regardé comme ayant suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans. Par suite, et à supposer même qu'il ait justifié du caractère réel et sérieux de ses études, il ne pouvait pas être exempté de l'obligation de présenter un visa de long séjour alors prévue par le 2° de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. D'autre part, M. B..., entré en France sous couvert d'un visa de long séjour délivré par les autorités consulaires françaises au Congo sous une autre identité, ne peut pas être regardé comme remplissant la condition de présentation d'un visa long séjour sous l'identité qu'il invoque désormais, de même d'ailleurs qu'il ne peut pas être regardé comme justifiant de son entrée régulière en France exigée par l'article L. 313-7 et par le 1° de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables.

9. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté au motif que la préfète avait commis une erreur dans l'appréciation du sérieux des études.

Sur les autres moyens invoqués par M. B... :

10. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens.

11. En premier lieu, les décisions refusant d'admettre au séjour M. B..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit, mentionnent avec suffisamment de précisions les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elles sont fondées. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de ces décisions et de l'absence d'examen de la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.

12. En deuxième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été mis en mesure d'exposer sa situation personnelle et de présenter des observations.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Si l'intéressé a d'abord été confié à l'aide sociale à l'enfance et a poursuivi ensuite ses études en BTS, l'intensité des liens qu'il aurait noués sur le territoire français n'est pas suffisamment démontrée par les pièces du dossier. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la décision a porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale.

15. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen dirigé contre la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire, tiré, par voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour, doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 11 mai 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté du 11 janvier 2021.

17. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 mai 2021 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... et son conseil en première instance et en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre de l'intérieur et à Me Antoine Tourbier.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 31 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022.

La présidente- rapporteure,

Signé: C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé: M. A...

La greffière,

Signé: C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 21DA01770 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01170
Date de la décision : 28/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-28;21da01170 ?
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