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21/06/2022 | FRANCE | N°21DA01844

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 21 juin 2022, 21DA01844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 1er mars 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 8 décembre 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 16 septembre 2014, d'annuler la décision du 26 février 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a

retiré cette décision et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 1er mars 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 8 décembre 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 16 septembre 2014, d'annuler la décision du 26 février 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a retiré cette décision et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 16 septembre 2014, d'enjoindre au directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille de reconstituer sa carrière et de la placer rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 16 septembre 2014 et jusqu'à la date de sa reprise, de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis et de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1804197 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ainsi que les conclusions présentées par le centre hospitalier régional universitaire de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 29 juillet et 3 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Christelle Mazza, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 26 février 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 16 septembre 2014 ;

3°) d'annuler la décision du 1er mars 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 16 septembre 2014 ;

4°) d'enjoindre au directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille de reconstituer sa carrière et de la placer rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 16 septembre 2014 et jusqu'à la date de sa reprise ;

5°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a été pris en méconnaissance des droits de la défense dès lors que le tribunal a rouvert l'instruction afin de solliciter de la partie adverse des pièces complémentaires qui n'ont pas été soumises au débat contradictoire ;

- la décision du 26 février 2018 a été prise par une autorité incompétente, la délégation de signature produite étant imprécise et ne correspondant en tout état de cause pas aux décisions de reconnaissance d'accidents de service ;

- les décisions refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 16 septembre 2014, qui s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral et d'épuisement professionnel, sans qu'aucune cause extérieure puisse être reconnue, sont entachées d'erreur d'appréciation au regard de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 ;

- elle établit avoir subi un préjudice pécuniaire et moral résultant de l'illégalité de ces décisions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2022, le centre hospitalier régional universitaire de Lille, représenté par Me Jean-François Ségard, conclut au rejet de la requête de Mme B... et demande la condamnation de celle-ci au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête en appel de Mme B... est irrecevable comme étant tardive ;

- aucun des moyens invoqués au soutien de la requête de Mme B... n'est fondé.

Par une ordonnance du 12 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Justine Chochois, substituant Me Jean-François Ségard, représentant le centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., recrutée par le centre hospitalier régional universitaire de Lille en juin 2011, a exercé les fonctions de cadre supérieure de santé au pôle Urgences de cet établissement jusqu'au 16 septembre 2014, date à laquelle elle aurait été informée d'un changement d'affectation. Elle a ensuite été placée en congé de longue maladie puis de longue durée du 22 septembre 2014 au 22 décembre 2017 et a déclaré, le 19 mai 2016, cette annonce d'une nouvelle affectation comme accident de service survenu au centre hospitalier régional universitaire de Lille. Par une décision du 8 décembre 2017, annulée et remplacée par une décision du 26 février 2018, le centre hospitalier universitaire de Lille a refusé de reconnaître l'existence d'un accident de service, décision confirmée le 1er mars 2018 sur recours gracieux de l'intéressée. Par un jugement du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de ces deux décisions et à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Lille à l'indemniser des préjudices subis. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du dossier de première instance que le tribunal a, postérieurement à la clôture de l'instruction, par courrier du 24 mars 2021 et sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, demandé au centre hospitalier régional universitaire de Lille de produire le procès-verbal de la séance du 14 novembre 2017 de la commission de réforme à l'issue de laquelle un avis favorable à l'imputabilité au service a été émis, ainsi que les conclusions administratives de l'expertise diligentée par le docteur F.... Le centre hospitalier régional universitaire de Lille a produit ce procès-verbal mais indiqué ne pas être en mesure de communiquer les conclusions de l'expertise qui ne lui avaient pas été transmises par Mme B..., qui les avait elle-même produites devant la commission de réforme. Si ces pièces, enregistrées le 21 avril 2021, n'ont pas été communiquées à Mme B..., elles ne comportaient aucun élément nouveau dont Mme B... n'aurait eu connaissance. Dès lors, le tribunal, qui n'a en outre pas fondé son jugement sur ces deux productions, n'était pas tenu de les soumettre au débat contradictoire. Ce moyen d'irrégularité doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

3. En premier lieu, par une décision en date du 1er décembre 2017, régulièrement portée à la connaissance des personnels et des usagers de l'établissement et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord, le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a donné délégation de signature permanente à M. E... G..., directeur du département des ressources humaines, notamment pour les actes ayant trait à la " gestion des absences pour raisons de santé " et, en cas d'empêchement de ce dernier, sans que l'absence ou l'empêchement ait besoin d'être évoqué ou justifié, à Mme A... C..., directrice adjointe. Cette délégation est suffisamment précise et comprend les décisions de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées doit donc être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ".

5. Constitue un accident de service tout événement quelles que soient sa nature ou série d'événements survenus à des dates certaines, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, sauf si des circonstances particulières ou une faute personnelle du fonctionnaire titulaire ou stagiaire détachent cet événement du service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel accident, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'après trois années d'exercice de ses fonctions de cadre supérieure de santé au pôle Urgences du centre hospitalier régional universitaire de Lille, Mme B... a été informée par des collègues d'un changement d'affectation. Selon l'intéressée, les conditions dans lesquelles lui a été délivrée cette information auraient été à l'origine d'un syndrome dépressif réactionnel, justifiant que le 18 mars 2015, elle déclarât cet événement, survenu le 16 septembre 2014, comme un accident de service lui-même survenu dans un contexte d'épuisement professionnel et de harcèlement moral par le médecin, chef de pôle. Toutefois, si Mme B... produit plusieurs témoignages et certificats médicaux qui établissent qu'elle a bénéficié d'une prise en charge thérapeutique de ses difficultés anxieuses et thymiques en rapport avec une situation conflictuelle avec sa hiérarchie, ces éléments ne permettent pas d'établir que l'affection anxio-dépressive dont elle a été atteinte et pour laquelle elle a été placée en congé maladie, serait imputable à l'événement survenu le 16 septembre 2014 qu'elle décrit comme étant la révélation par ses collègues de travail de son changement d'affectation. En particulier, en l'absence de tout élément permettant d'établir que Mme B... aurait été informée de ce changement dans des conditions humiliantes et brutales, ce qui aurait provoqué une décompensation entraînant l'apparition d'un syndrome anxio-dépressif sévère nécessitant sa mise en congé de maladie six jours plus tard, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le centre hospitalier régional universitaire de Lille a refusé de reconnaître l'existence d'un accident de service survenu le 16 septembre 2014 et, par suite, de regarder comme imputable au service le syndrome anxio-dépressif pour lequel elle a ensuite été placée en congé de maladie. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans l'application de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 doit donc être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins d'injonction.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

8. A défaut d'établir la réalité des préjudices allégués et, en tout état de cause, de toute faute du centre hospitalier régional universitaire de Lille, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête d'appel de Mme B... doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont elle est assortie. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelante la somme demandée par le centre hospitalier régional universitaire de Lille au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- Mme Anne Khater, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : A. KhaterLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA01844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01844
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SHBK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-21;21da01844 ?
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