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05/10/2021 | FRANCE | N°18DA01749

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 05 octobre 2021, 18DA01749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Tigers a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 10 avril 2015 par laquelle la commission des compétitions de la Ligue de football professionnel a décidé la fermeture du parcage visiteurs du stade Saint-Symphorien à Metz aux supporters du Racing Club de Lens, ainsi que la décision implicite par laquelle la commission d'appel de la Ligue de football professionnel a rejeté son recours introduit le 13 avril 2015.

Par un jugement n° 1506759 du 5 juillet 2018, le

tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite par laquelle ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Tigers a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 10 avril 2015 par laquelle la commission des compétitions de la Ligue de football professionnel a décidé la fermeture du parcage visiteurs du stade Saint-Symphorien à Metz aux supporters du Racing Club de Lens, ainsi que la décision implicite par laquelle la commission d'appel de la Ligue de football professionnel a rejeté son recours introduit le 13 avril 2015.

Par un jugement n° 1506759 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite par laquelle la commission d'appel de la Ligue de football professionnel a rejeté le recours introduit le 13 avril 2015 par l'association Tigers et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 20 août 2018 sous le n° 18DA01749 et un mémoire, enregistré le 11 septembre 2018, la Ligue de football professionnel, représentée par la SCP Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 juillet 2018 en tant qu'il a annulé la décision implicite par laquelle la commission d'appel de la Ligue de football professionnel a rejeté le recours introduit le 13 avril 2015 par l'association Tigers et a rejeté ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de l'association Tigers la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II. Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2018 sous le n° 18DA01852 et un mémoire, enregistré le 18 février 2021, l'association Tigers, représentée par Me Pierre Barthélemy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions et d'annuler la décision du 10 avril 2015 de la commission des compétitions ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'article 125 du règlement de la Ligue de football professionnel ;

3°) de mettre à la charge de la Ligue de football professionnel une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Par ordonnances du 18 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 18 juin 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du sport ;

- les règlements de la Ligue de football professionnel pour la saison 2014-2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Loïc Poupot, représentant la Ligue de football professionnel.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision en date du 10 avril 2015, la commission des compétitions de la Ligue de football professionnel, agissant dans le cadre des dispositions de l'article 125 du règlement administratif de la Ligue de football professionnel, a décidé pour des raisons de sécurité de ne pas réserver de places dans le parcage visiteurs du stade Saint-Symphorien à Metz (Moselle) aux supporters du Racing Club (RC) de Lens lors de la rencontre comptant pour la 33ème journée du championnat de Ligue 1 devant avoir lieu le 18 avril 2015 entre le RC Lens et le Football Club (FC) de Metz. L'association Tigers, qui regroupe des supporters du RC Lens, a saisi le 13 avril 2015 la commission d'appel de la Ligue, laquelle a implicitement rejeté son recours. Sous le n° 18DA01749, la Ligue de football professionnel relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision implicite et sous le n° 18DA01852, l'association Tigers relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 avril 2015.

2. Les requêtes de la Ligue de football professionnel et de l'association Tigers sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille a expressément répondu aux moyens de défense contenus dans le mémoire produit par la Ligue de football professionnel. En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre à la fin de non-recevoir opposée par la Ligue tirée de ce que l'association n'aurait pas eu la qualité de " partie au litige " au sens des dispositions de l'article 425 du règlement administratif de la Ligue de football professionnel pour saisir la commission d'appel. Par suite, la Ligue de football professionnel n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de la commission des compétitions du 10 avril 2015 :

4. Selon l'article 501 du règlement des compétitions de la Ligue de football professionnel, la commission des compétitions est compétente pour l'organisation tant de la compétition que des matchs ainsi que pour l'homologation de ces derniers et pour toutes violations par les clubs des prescriptions prévues au règlement des championnats de France professionnels de Ligue 1 et Ligue 2.

5. La décision du 10 avril 2015 a été prise sur le fondement de l'article 125 du règlement administratif de la Ligue de football professionnel aux termes duquel, dans sa version applicable à la saison 2014/2015, " Sous réserve d'une décision contraire de la commission des compétitions, notamment pour des questions de sécurité ou de travaux, dans chaque stade, les places réservées aux supporteurs visiteurs représentent 5 % de la capacité avec un maximum de 2000 places. / La commission des compétitions sollicite, le cas échéant, l'avis du comité stratégique stades. / Il doit être situé dans une zone indépendante équipée de ses propres accès et disposant des équipements nécessaires (sanitaires, buvette, etc.). Il doit si possible être modulable. "

6. Ces dispositions confèrent à la commission des compétitions le pouvoir de restreindre le nombre de places réservées aux supporteurs visiteurs pour des raisons de sécurité, lesquelles ne se limitent pas à la sécurité matérielle des tribunes. Elles n'ont toutefois pas pour effet de déléguer une compétence de police administrative générale inhérente à l'exercice de la force publique nécessaire à la garantie des droits que les dispositions des articles L. 332-16, L. 332-16-1, et L. 332-16-2 du code du sport confient au préfet et au ministre de l'intérieur pour prononcer respectivement l'interdiction administrative de stade, de déplacement de supporters ou bien d'accès à un périmètre autour des stades et prévenir ainsi la survenance de troubles à l'ordre public lors de manifestations sportives. Elles n'ont d'ailleurs pas fait obstacle à l'exercice de ce pouvoir par le préfet de la Moselle qui, par un arrêté du 13 avril 2015, a interdit à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du RC Lens ou se comportant comme tel, d'accéder au stade Saint-Symphorien et de circuler ou stationner sur la voie publique dans le périmètre du stade de midi à minuit, le jour du match.

7. Il ressort des pièces des dossiers que lors d'une rencontre entre le FC Metz et le RC Lens, le 16 décembre 2011, les supporters lensois ont cherché à affronter ceux de Metz et, lors du trajet les menant au stade Saint-Symphorien, ont dégradé les bus les transportant et affronté les forces de sécurité qui les encadraient. Le même jour, cinq supporters messins ont été agressés dans un débit de boissons à proximité du stade par un groupe d'une vingtaine de supporters lensois et lors de la rencontre, des pétards ont été lancés dans les tribunes qui ont obligé les stadiers à déplacer des supporters. Il n'est pas non plus contesté que lors d'une autre rencontre le 30 septembre 2013, des incidents ont eu lieu entre les supporters des deux clubs dans le stade et sur le trajet du retour et cinq fonctionnaires de police ont été blessés. Si ces deux séries de faits se sont principalement déroulés en dehors du stade et de l'espace visiteurs, elles établissent l'existence actuelle et renouvelée d'une forte rivalité entre les groupes de supporters des deux clubs. Dans ces conditions, la décision du 10 avril 2015 de ne réserver aucune place aux supporters lensois pour la rencontre entre le FC Metz et le RC Lens devant avoir lieu le 18 avril 2015 afin d'assurer la sécurité de la rencontre sportive, apparaît justifiée par les circonstances de l'espèce et ne revêt pas un caractère disproportionné. Il suit de là que la commission des compétitions a pu, en tant qu'organisateur de la compétition et des matchs et afin de garantir la sécurité de cette rencontre, ordonner la fermeture complète de l'espace visiteurs, sans excéder son champ de compétence, ni faire une inexacte application des dispositions précitées de l'article 125 du règlement administratif de la Ligue de football professionnel.

8. L'association Tigers reprend en appel, sans faire état d'éléments de fait ou de droit qu'elle n'aurait pas déjà invoqués devant les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision de la commission des compétitions, prise après avis du comité stratégique stades, serait entachée d'une insuffisance de motivation, d'un défaut d'examen et d'un détournement de pouvoir. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

9. Il résulte de ce qui précède que l'association Tigers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 avril 2015 par laquelle la commission des compétitions de la Ligue de football professionnel a décidé la fermeture du parcage visiteurs du stade Saint-Symphorien à Metz aux supporters du RC Lens.

En ce qui concerne les conclusions subsidiaires tendant à l'annulation de l'article 125 du règlement :

10. Contrairement à ce que soutient l'association Tigers, l'article 125 précité du règlement administratif de la Ligue de football professionnel ne confère pas à la commission des compétitions ainsi qu'il a été dit au point 6, une compétence de police administrative. Les conclusions dirigées, à titre subsidiaire, contre ces dispositions ne peuvent dès lors, en tout état de cause, qu'être rejetées.

En ce qui concerne la décision de la commission d'appel :

11. Aux termes de l'article 424 du règlement administratif de la Ligue de football professionnel : " La commission d'appel est compétente pour connaitre des appels formés contre les décisions de la commission des compétitions (...) " et aux termes de l'article 425 du même règlement : " L'appel dirigé contre une décision de l'une des commissions de la Ligue de football professionnel mentionnées au premier alinéa de l'article 424 doit être introduit dans un délai de dix jours (...) / La commission d'appel est saisie par l'une des parties au litige, par lettre recommandée avec accusé de réception, ou par le président de la Ligue de football professionnel. / Le président de la commission convoque les parties ou leur demande de présenter leurs observations par écrit et se réunit dans les meilleurs délais pour examiner le litige. Les parties peuvent présenter devant la commission d'appel des observations écrites ou orales. Elles peuvent être représentées par toute personne ayant reçu mandat à cet effet. (...) ".

12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de la commission des compétitions de fermer pour des raisons de sécurité le parcage visiteurs du stade Saint-Symphorien à Metz aux supporters du Racing Club de Lens est une mesure d'organisation destinée à garantir le bon déroulement de la rencontre. L'association Tigers n'étant pas directement destinataire de la décision de la commission des compétitions du 10 avril 2015, ni même mentionnée dans cette décision, elle ne peut être regardée comme ayant la qualité de partie au litige au sens de l'article 424 précité, lui ouvrant la possibilité de saisir la commission d'appel. Par suite, cette dernière était tenue de rejeter sa demande. La Ligue de football professionnel est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite par laquelle la commission d'appel de la Ligue de football professionnel a rejeté le recours introduit le 13 avril 2015 par l'association Tigers.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par l'association Tigers soient mises à la charge de La Ligue de football professionnel, qui n'est pas la partie perdante à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Tigers les sommes que la Ligue de football professionnel demande au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lille du 5 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : La requête n° 18DA01852 de l'association Tigers est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 18DA01749 de la Ligue de football professionnel et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Ligue de football professionnel et à l'association Tigers.

2

N°18DA01749,18DA01852


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Contrôle du juge de l'excès de pouvoir.

Sports et jeux - Sports - Fédérations sportives - Organisation des compétitions.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY – POUPOT – VALDELIÈVRE;BARTHELEMY;SCP MATUCHANSKY – POUPOT – VALDELIÈVRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 05/10/2021
Date de l'import : 12/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18DA01749
Numéro NOR : CETATEXT000044172572 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-05;18da01749 ?
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