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30/09/2021 | FRANCE | N°20DA02023

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 30 septembre 2021, 20DA02023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 juin 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", d

ans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de cen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 juin 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de cent euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2002413 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. A... B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... B... D... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mathieu Sauveplane, président assesseur, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., de nationalité péruvienne, né le 1er juillet 1991 à Piura (Pérou), est entré en France le 26 mars 2018, selon ses déclarations, sous couvert d'un passeport national en cours de validité. Il a sollicité, le 23 août 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, par un avis en date du 19 mars 2020, estimé que l'état de santé de M. A... B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que celui-ci peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé et qu'il peut voyager sans risque vers son pays. Sur la base de cet avis, le préfet de la Seine-Maritime a, par un arrêté du 4 juin 2020, refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. A... B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... B... D... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet de la Seine-Maritime relève régulièrement appel de ce jugement.

2. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a estimé que le traitement antirétroviral prescrit à M. A... B... n'est pas substituable par un autre traitement antirétroviral dès lors que la compatibilité des molécules disponibles au Pérou pour traiter le VIH avec le traitement antiépileptique dont il bénéficie également, n'était pas démontrée par le préfet. Le tribunal a également estimé qu'à supposer même que d'autres médicaments disponibles au Pérou puissent être substitués sans risque au traitement prescrit à M. A... B..., ce dernier établissait par des éléments suffisamment précis et concordants que, dans le contexte de l'épidémie de covid-19, la crise hospitalière liée à cette pandémie occasionnait des difficultés d'accès aux soins importantes pour les patients atteints de maladie chronique. Le préfet de la Seine-Maritime soutient, à l'appui de sa requête, que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a considéré que l'intéressé ne pouvait pas bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée dans son pays d'origine.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

4. Il n'est pas contesté que le traitement Odefsey, utilisé pour soigner le VIH et prescrit à M. A... B..., n'est pas disponible au Pérou. De surcroit, les traitements de substitution par Truvada, Prezista et Norvir n'apparaissent pas compatibles, au vu des pièces du dossier, avec son traitement contre l'épilepsie, ainsi que l'atteste notamment un certificat établi le 12 juin 2020 par un praticien hospitalier en charge des soins de M. A... B.... Il en va de même du traitement par Atripla qui n'est pas davantage compatible avec son traitement. Dès lors, aucun traitement contre le VIH compatible avec l'épilepsie dont souffre M. A... B... n'étant disponible au Pérou, ce dernier ne peut donc pas bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée dans son pays d'origine. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... B... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché sa décision d'une erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Rouen. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au conseil de M. A... B... sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros au conseil de M. B... sur le fondement de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... A... B... et à Me Madeline.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°20DA02023 4


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 30/09/2021
Date de l'import : 12/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20DA02023
Numéro NOR : CETATEXT000044176710 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-09-30;20da02023 ?
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