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23/09/2021 | FRANCE | N°21DA00373

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 23 septembre 2021, 21DA00373


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 15 avril 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Elle avait également demandé d'enjoindre sous astreinte à l'autorité préfectorale de lui délivrer un tit

re de séjour d'un an, portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 15 avril 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Elle avait également demandé d'enjoindre sous astreinte à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour d'un an, portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, ou au cas où ne serait retenue qu'une illégalité externe, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 2003432 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 15 avril 2020 et a enjoint à l'autorité préfectorale de lui délivrer le titre de séjour sollicité, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 16 février 2021 sous le n° 21DA00373, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A....

II. Par une requête enregistrée sous le n° 21DA00374, le 16 février 2021, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour qu'il soit ordonné le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 janvier 2021.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité algérienne, est entrée en France le 28 août 2014 et a bénéficié d'un certificat de résidence en qualité de conjointe d'un ressortissant français du 11 février 2015 au 10 février 2016. Le 27 juin 2016, elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, qui a été confirmé par jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 février 2017. Elle s'est alors maintenue irrégulièrement sur le territoire français puis a demandé son admission au séjour par courrier du 31 octobre 2018. Le préfet de la Seine-Maritime a rejeté cette demande par arrêté du 15 avril 2020, portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de soixante jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Saisi par Mme A..., le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint à l'autorité préfectorale de lui délivrer le titre sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par une première requête, le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement du 25 janvier 2021. Par une seconde requête, il demande que soit ordonné le sursis à exécution de ce même jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes, enregistrées sous les nos 21DA00373 et 21DA00374, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7°) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". En application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet délivre un titre de séjour en raison de l'état de santé, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ces dispositions s'appliquant également pour la délivrance d'un certificat de résidence franco-algérien sur le fondement de l'article 6-7° précité. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. En l'espèce, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré dans son avis du 7 octobre 2019 que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, l'intéressée a produit, en première instance, l'intégralité de son dossier médical à la date de l'avis du collège de médecins. Il en ressort que Mme A... était atteinte d'une infection par le virus de l'immunodéficience humaine et bénéficiait d'un traitement sous forme de trithérapie, à l'époque par le biais d'un médicament dénommé Odefsey. Elle a également produit des pièces postérieures à la décision contestée mais attestant de la situation antérieure. En particulier, un certificat médical du 19 mai 2020 d'un médecin hospitalier spécialisé en maladies infectieuses atteste que la prise en charge de la pathologie de Mme A... n'est pas envisageable dans son pays tant du fait de la spécificité du traitement que de l'accès aux soins. Un autre certificat du 27 avril 2021 du même médecin atteste que le traitement, identique à celui suivi à la date de la décision, doit impérativement comprendre trois molécules : emtricitabine, ténofovir disoproxil et rilpivirine. Il précise que le traitement est dispensé en un seul comprimé, ce qui optimise l'observance thérapeutique et facilite la prise de traitement. Par ailleurs elle a aussi produit deux courriers électroniques émanant du laboratoire produisant l'Odefsey et l'Eviplera, prescrit en lieu et place de l'Odefsey depuis juin 2020, qui indiquent que ces produits ne sont pas disponibles en Algérie. Le préfet a fait valoir en s'appuyant sur la nomenclature des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine en Algérie au 31 décembre 2019 que le ténofovir, base de l'Odefsey et de l'Eviplera est disponible en Algérie. Toutefois, l'Odefsey constitue l'association de trois anti rétroviraux : l'emtricitabine, la rilpivirine et le ténofovir alafénamide. L'Eviplera est également une association des deux premiers antirétroviraux avec un troisième le ténofovir disoproxil. Il ressort également de la pièce produite par le préfet en première instance que le tenofem disponible en Algérie contient uniquement de l'emtricitabine et du ténofovir disoproxil fumarate. Toutefois, le préfet fait valoir pour la première fois en appel que la rilpivirine est également disponible en Algérie associée aux deux autres anti rétroviraux selon la pharmacie centrale des hôpitaux d'Algérie. Néanmoins, comme l'oppose l'appelante, sans que cela soit contesté, il ressort de ce document que ce médicament n'est disponible qu'en hôpital et que l'approvisionnement est sujet à ruptures. L'appelante soutient également, sans qu'il y soit répliqué, que la liste fournie par le préfet est celle des médicaments qui peuvent être importés et non ceux immédiatement disponibles. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un traitement approprié soit effectivement disponible dans le pays d'origine. Par suite le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé pour ce motif l'arrêté du 15 avril 2020 refusant l'admission au séjour de Mme A....

Sur la demande de sursis à exécution :

5. La cour rejetant par le présent arrêt les conclusions du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 janvier 2021, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont donc privées d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Marie Vérilhac, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Vérilhac de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime n° 21DA00373 est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Marie Verilhac, la somme de 1 000 euros, au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis présentées par le préfet de la Seine-Maritime.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B... A... et à Me Vérilhac.

Copie sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

N° 21DA00373, 21DA00374 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00373
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS;SELARL EDEN AVOCATS;

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-09-23;21da00373 ?
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