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05/08/2021 | FRANCE | N°21DA00476

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 05 août 2021, 21DA00476


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2004584 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet territo

rialement compétent de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2004584 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. B... en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2021, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... A..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né le 13 novembre 2001, serait selon ses déclarations entré en France le 27 février 2018. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 2 mars 2018 et, par jugement du 20 juin 2018, a été placé sous la tutelle du président du conseil départemental de la Seine-Maritime. Le 6 novembre 2019, M. B... a sollicité un titre de séjour. Par un arrêté du 16 septembre 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 9 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Pour annuler le refus de titre de séjour en litige, le tribunal administratif de Rouen, après avoir considéré que le préfet n'apportait pas d'éléments probants quant à la mise en cause de l'identité de M. B..., a estimé qu'il avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation globale portée sur la situation de M. B... au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un extrait d'acte de naissance établi le 1er novembre 2017, un jugement supplétif rendu le 30 octobre 2017 et une carte consulaire du 17 septembre 2019. Il ressort du rapport d'analyse documentaire du 5 avril 2020 des services de police, que le jugement supplétif a été rendu le jour même où la requête a été déposée. Les documents ne comportent aucune mention quant à l'âge, la profession et le domicile des parents en méconnaissance des dispositions du code civil guinéen. Il souligne également que la requête a été présentée par le père de M. B..., qui serait décédé en 2006 selon les déclarations de M. B.... Sur ce point, M. B... n'apporte aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle la requête aurait été déposée non par son père mais par son grand-père. En outre, la carte consulaire obtenue par M. B..., le 17 septembre 2019, auprès de l'ambassade de Guinée à Paris ne constitue pas un acte d'état-civil et sa force probante peut être remise en cause dès lors qu'elle a pu être obtenue sur la base des documents précités. Au surplus, l'intéressé ne justifie pas de la légalisation de son acte de naissance alors qu'il prétend avoir entamé des démarches en ce sens. Enfin, la circonstance que le juge des enfants du tribunal de grande instance de Rouen ait confié l'intéressé à l'aide sociale à l'enfance par un jugement du 20 juin 2018 n'est pas de nature à établir la minorité de l'appelant. Compte tenu de ces éléments, le préfet de la Seine-Maritime a pu considérer que M. B... ne justifiait pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans. L'intéressé ne remplit donc pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté pour erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que M. B... ne justifie pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, ce seul motif pouvant justifier le refus de titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif et la cour.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

7. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

8. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier et des motifs de la décision en litige que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. B....

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

10. M. B... est entré récemment en France. Il est célibataire et sans enfant à charge. S'il fait valoir être isolé en cas de retour dans son pays d'origine, il ne l'établit pas, sa mère y résidant toujours. S'il a conclu un contrat d'apprentissage en tant que cuisinier et qu'il dispose d'une promesse d'embauche à la fin de ses études, il ne produit aucun autre élément attestant de l'intensité de son insertion dans la société française. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée de séjour en France, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts en vue desquels la décision de refus de titre a été prise, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision de refus de titre sur la situation personnelle de l'intéressé, doit être écarté.

11. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

12. M. B... fait valoir résider en France depuis février 2018 et suivre une formation qualifiante pour devenir cuisinier. Toutefois, ces éléments ne constituent pas des circonstances humanitaires ou, à eux-seuls, des motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 12 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'illégalité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

14. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

15. Il résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement applicable, elle n'a pas à motiver spécifiquement sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que le délai de trente jours accordé n'a pas été motivé doit être écarté.

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru, à tort, tenu d'accorder un délai de départ de trente jours, ni qu'un tel délai, qui est le délai de droit commun prévu par le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait été insuffisant. A cet égard, la fermeture des frontières entre l'Union européenne et la Guinée en raison du contexte sanitaire, qui concerne les conditions d'exécution de la mesure d'éloignement, demeure sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

17. Il résulte de ce qui a été dit au point 13 que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

18. Pour les mêmes motifs exposés au point 10, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.

19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 à 18 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

Sur la décision fixant le pays de destination :

20. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.

21. La décision contestée fixe, comme pays de destination, la Guinée, pays dont M. B... a la nationalité. Elle vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention. Cette décision est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté, lui a enjoint de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. C... en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le conseil de M. B... au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 9 février 2021 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le conseil de M. B... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... B... et à Me Marie Verilhac.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°21DA00476

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N°"Numéro"


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 05/08/2021
Date de l'import : 15/09/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21DA00476
Numéro NOR : CETATEXT000043949876 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-08-05;21da00476 ?
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