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08/06/2021 | FRANCE | N°20DA01589

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 08 juin 2021, 20DA01589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2020 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001526 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2020, Mme B... représent

ée par Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2020 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001526 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2020, Mme B... représentée par Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure du 15 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour , dans l'attente du réexamen de sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au profit de la Selarl Eden Avocats, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 7 juillet 1986, déclare être entrée en France le 24 juin 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision en date du 20 février 2019. Mme B... a sollicité le 15 avril 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 15 janvier 2020, le préfet de l'Eure lui a refusé l'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination. Mme B... relève appel du jugement rendu le 24 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. " Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement (le demandeur) ou par un médecin praticien hospitalier inscrit au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêt mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. " Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

3. D'une part, il est constant que l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 5 août 2019, produit au dossier par le préfet de l'Eure, est revêtu de la mention " après en avoir délibéré ", qui fait foi quant au caractère collégial de cette délibération. Par suite, et en l'absence de tout argument de nature à établir que l'avis en cause n'aurait pas été précédé d'une telle délibération, le moyen tiré de l'irrégularité des conditions de son élaboration ne peut qu'être écarté.

4. D'autre part, dans son avis du 5 août 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé. Mme B... fait valoir qu'elle souffre d'un kératocône bilatéral asymétrique du côté droit, pour lequel elle a bénéficié d'une greffe de cornée le 25 avril 2019, ainsi que du côté gauche. Si Mme B... soutient qu'elle doit subir une intervention chirurgicale à type de " Crosslinking " sur son oeil gauche, elle n'établit, ni même ne soutient que cette pathologie qui, contrairement à ce qu'elle affirme, n'est nullement systématiquement suivie d'une greffe de la cornée mais a au contraire pour objet d'éviter le recours à celle-ci, ne pourrait être prise en charge dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et ainsi que le soutient le préfet de l'Eure, la circonstance, qui au demeurant ne ressort pas des pièces du dossier, qu'une greffe de la cornée ne serait pas possible en Algérie est inopérante. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle Mme B... serait originaire d'un petit village situé à deux cents kilomètres d'Alger n'est pas de nature, à elle seule, à établir l'impossibilité de bénéficier d'une intervention à type de " Crosslinking " dans son pays d'origine. Mme B... ne produit ainsi aucun élément permettant de remettre en cause le bien-fondé de l'appréciation à laquelle s'est livré le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en ce qui concerne la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet de l'Eure a estimé qu'elle ne remplissait pas toutes les conditions posées par les stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

6. Si Mme B... déclare être présente sur le territoire français depuis le 24 juin 2018, elle est célibataire et sans charge de famille et n'établit pas qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans et où résident sa mère et ses frères et soeurs. En outre, elle ne démontre aucune insertion particulière en France et ne dispose pas de revenus lui permettant d'assurer sa subsistance sur le territoire. Dès lors, et nonobstant l'intensité des liens qu'elle aurait noués avec son oncle et sa tante qui l'hébergent, le préfet de l'Eure n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Il en résulte que Mme B... n'établit pas la méconnaissance par le préfet de l'Eure des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations précitées du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes raisons, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 6, les moyens tirés de l'irrégularité de l'avis du collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de l'erreur de fait quant à la possibilité de bénéficier effectivement de la technique de " Crosslinking " en Algérie et, partant, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.

8. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit aux points 4 à 12, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

9. La seule circonstance que Mme B... fasse l'objet d'un suivi ophtalmologique régulier n'est pas de nature à établir l'illégalité du délai de trente jours accordé par le préfet de l'Eure, dès lors qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle ne pourrait faire l'objet d'un tel suivi dans son pays d'origine et que, ainsi qu'il a été dit, il n'est pas établi qu'elle ne pourrait y suivre un traitement approprié à son état de santé.

10. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs exposés au point 9.

11. La circonstance, à la supposer établie, selon laquelle la situation sanitaire internationale, à l'origine d'une limitation des possibilités de déplacements des personnes, interdirait un retour en Algérie, est en outre sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, s'agissant d'une circonstance relative à sa seule exécution.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. La décision fixant le pays de destination vise notamment les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise la nationalité de Mme B... et indique que celle-ci n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à ces dispositions, ni aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, la décision fixant le pays de destination répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait.

13. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

14. Enfin, dès lors, ainsi qu'il a été dit, que Mme B... n'établit pas ne pouvoir suivre un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, le moyen tiré des risques d'y être exposée, en raison de cet état, à des traitements inhumains ou dégradants ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée, ensemble les conclusions à fin d'injonction, d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont elle est assortie.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me A... D....

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

N°20DA01589 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01589
Date de la décision : 08/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-08;20da01589 ?
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