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12/05/2021 | FRANCE | N°20DA01879

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 12 mai 2021, 20DA01879


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Il a également demandé qu'il soit enjoint sous astreinte à l'autorité préfectorale de lui délivrer une carte de résident de dix ans, ou subsidia

irement une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familia...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Il a également demandé qu'il soit enjoint sous astreinte à l'autorité préfectorale de lui délivrer une carte de résident de dix ans, ou subsidiairement une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2000803 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2020, M. D..., représenté par Me B... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 janvier 2020 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant nigérian, né le 20 octobre 1975, est entré en France le 21 novembre 2010, selon ses déclarations. Il y a demandé l'asile. Cette demande a été rejetée par décision du 11 juillet 2011 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 16 février 2012. Il a alors bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé, à compter du 7 juillet 2014, régulièrement renouvelé jusqu'au 4 novembre 2018. Il a demandé, le 29 septembre 2018, le renouvellement de ce titre qui lui a été refusé par arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 14 janvier 2020, portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que cet arrêté soit annulé et à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut une autorisation provisoire de séjour.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :/ (...) / 11°) A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour en application des dispositions citées au point 2. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, rendu le 11 juin 2019, considère que M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, M. D... produit plusieurs certificats de psychiatres hospitaliers qui attestent qu'il souffre d'une affection sévère et invalidante et bénéficie d'un traitement médicamenteux qu'il ne pourrait poursuivre dans son pays d'origine. Toutefois, ces éléments peu circonstanciés ne suffisent pas à démontrer que son traitement, dont les caractéristiques ne sont pas précisées, ne serait pas disponible dans son pays. Si M. D... se prévaut d'une instruction du ministre de la santé du 10 novembre 2011 dont il ne précise pas les références, il n'appartient pas au préfet d'apprécier si l'avis rendu par le collège de médecins respecte les orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, qui est seule applicable en l'espèce. Par ailleurs, l'appelant se fonde sur un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés qui note le manque de personnel qualifié en psychiatrie et le taux de couverture sociale de la population qui n'est que de trois pour cent. Toutefois, ce rapport date de janvier 2014 et indique également que de nombreux médicaments psychiatriques sont disponibles en pharmacie. Ce rapport indique également, contrairement à ce qu'allègue l'appelant, qu'un système de sécurité sociale a été mis en place au Nigéria depuis 1999 et s'étend progressivement. Si ce rapport indique également que ce système ne concerne que les personnes travaillant dans le secteur de l'économie formelle, l'appelant qui travaille de manière déclarée en France, n'apporte aucun élément justifiant comme il l'allègue qu'il ne pourrait bénéficier dans son pays d'aucune situation professionnelle lui permettant de payer ses traitements. Compte tenu de ces éléments, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 2 ne peut qu'être écarté.

5. M. D... se prévaut également de la présence en France de son frère de nationalité française mais ne démontre pas l'intensité de ses liens avec celui-ci. Il fait aussi valoir qu'il a régulièrement travaillé dans le bâtiment depuis novembre 2014, bénéficiant d'un contrat à durée déterminée d'un an à compter de mars 2019. Toutefois, le contrat de travail à durée indéterminée à temps plein qu'il produit est postérieur au refus de titre contesté et il n'avait pas demandé son admission au séjour en tant que salarié. M. D... ne fait valoir aucune autre attache en France, où il n'est arrivé qu'à l'âge de trente-cinq ans et où la durée de son séjour résulte pour partie des démarches engagées pour demander l'asile. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre prononcé par le préfet de la Seine-Maritime porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent donc être écartés. Pour le même motif, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ne peut qu'être écarté.

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que le moyen tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour, base légale de l'obligation de quitter le territoire, ne peut qu'être écarté.

7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, le moyen tiré de la violation du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

8. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 7, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. D... ne peut également qu'être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, base légale de la décision fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... A... pour M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

N° 20DA01879 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01879
Date de la décision : 12/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-12;20da01879 ?
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