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15/04/2021 | FRANCE | N°19DA00109

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 15 avril 2021, 19DA00109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1603827 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 janvier 2019 et le 19 juin 2019, M. B..., représent

par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1603827 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 janvier 2019 et le 19 juin 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige et de prescrire la restitution, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, des sommes acquittées par lui à ce titre.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) PROBATP, qui a son siège au Cateau-Cambrésis (Nord), a pour activité l'exécution de travaux relevant de la maçonnerie générale et du gros-oeuvre en bâtiment. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé, notamment, que la SARL PROBATP avait procédé, au cours de l'exercice clos en 2010, à des distributions de revenus au profit de M. B..., que l'administration a regardé comme étant le seul maître de l'affaire, alors même qu'il n'était ni gérant de droit, ni même associé de cette société. La SARL PROBATP a été informée des rectifications envisagées, en conséquence de ces constats, en ce qui concerne son bénéfice imposable de l'exercice clos en 2010, par une proposition de rectification qui lui a été adressée le 16 mai 2013. Par une proposition de rectification, adressée le 5 juillet 2013 à M. B..., l'administration a fait connaître à celui-ci les rehaussements qu'elle entendait opérer sur ses revenus imposables de l'année 2010 en conséquence de la prise en compte, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de ces revenus distribués, ainsi que l'incidence de ces rectifications sur l'impôt sur le revenu et sur les contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de cette année. M. B... n'ayant pas présenté d'observations, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant, au titre de l'année 2010, de ces rectifications ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2013. Sa réclamation ayant été rejetée, M. B..., qui demeure dans le département de l'Aisne, a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010. Il relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. (...) ".

3. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification adressée le 5 juillet 2013 à M. B... que les impositions en litige ont été établies d'office en application du 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et de l'article L. 67 de ce livre, dès lors que l'intéressé n'a déposé sa déclaration de revenus au titre de l'année 2010 que le 15 décembre 2011, soit après l'expiration du délai de trente jours qui lui avait été imparti par la mise en demeure qui lui avait été envoyée à cette fin le 19 octobre 2011 et qu'il avait reçue le 21 octobre 2011. M. B... ne conteste d'ailleurs pas qu'il était en situation de se voir imposer d'office au titre de l'année 2010. Dans ces conditions, le caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification qui lui a été adressée le 5 juillet 2013 doit être apprécié au regard des dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales et non de celles, plus exigeantes, des articles L. 57 et R. 57-1 du même livre, qui ne sont applicables que dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure de rectification contradictoire. M. B... ne peut, par suite, utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales pour critiquer la motivation de la proposition de rectification qui lui a été adressée. Par ailleurs, il ressort des énonciations de ce document, versé à l'instruction, que celui-ci mentionne, notamment, les raisons pour lesquelles M. B... a été regardé par l'administration comme étant, à l'égard de la SARL PROBATP, le seul maître de l'affaire. Ce même document énonce, en outre, que, dans ces conditions, M. B... est présumé avoir appréhendé, à la clôture de l'exercice 2010 en cause, les sommes correspondant à la part, non investie et ni mise en réserve, du bénéfice réalisé par la SARL PROBATP, lesquelles sommes sont, dès lors, imposables entre les mains de M. B... sur le fondement du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. Enfin, cette proposition de rectification précise que la somme ainsi réputée distribuée s'élève, après cascade de taxe sur la valeur ajoutée, à 62 528 euros et renvoie, pour ce qui concerne les modalités de détermination de ce montant, qui correspond au résultat avant impôt, déterminé après application des chefs de rehaussements notifiés à la SARL PROBATP, à la proposition de rectification qui avait été adressée à cette dernière le 16 mai 2013, dont une copie était jointe en annexe, et qui comporte le détail des modalités de calcul de chacun de ces chefs de rehaussement. Ainsi, la proposition de rectification adressée à M. B... le 5 juillet 2013 doit être regardée comme exposant, avec une précision suffisante au regard de l'exigence énoncée par les dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, les bases servant au calcul des impositions établies d'office, ainsi que les modalités de détermination de celles-ci. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de précision des énonciations de la proposition de rectification ne peut qu'être écarté. A cet égard, M. B... n'est pas fondé à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, une doctrine administrative qui aurait été publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-CF-10-40 et qui énoncerait que la motivation de la proposition de rectification doit être claire, cet extrait de doctrine ne pouvant, s'agissant d'une question intéressant la régularité de la procédure d'imposition, être regardé, en tout état de cause, comme comportant, au sens de ces dispositions, une interprétation formelle de la loi fiscale opposable à l'administration.

4. D'autre part, les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige résultent de la réintégration d'office, dans les revenus imposables de M. B... au titre de l'année 2010, sur le fondement du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, de sommes qui ont été regardées par l'administration, ainsi qu'il a été dit au point précédent, comme distribuées entre ses mains par la SARL PROBATP. Ces suppléments d'impôt ne résultent ainsi aucunement de ce que l'administration aurait regardé M. B... comme débiteur solidaire des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL PROBATP. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas justifié, avant de mettre en recouvrement les suppléments d'impôt et de contributions sociales auxquels M. B... a été assujetti, de la mise en recouvrement des cotisations supplémentaires et rappels de taxe mis à la charge de cette société doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Il incombe, en principe, à l'administration d'apporter la preuve que le contribuable a effectivement disposé des sommes regardées par elle comme distribuées par une société. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. Cependant, l'invocation de cette présomption pour établir l'appréhension des sommes en cause ne dispense pas l'administration d'apporter, au préalable, la preuve que ces sommes correspondent, pour la société versante, à un désinvestissement.

6. Les impositions en litige procèdent, ainsi qu'il a été dit au point 4, de l'inclusion dans les revenus imposables entre les mains de M. B..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de la SARL PROBATP au titre de l'exercice clos en 2010 et regardées comme des revenus distribués par cette société à l'intéressé, que l'administration a considéré comme maître de l'affaire.

7. D'une part, dans une situation dans laquelle la comptabilité de la SARL PROBATP a été écartée par le vérificateur comme présentant de graves irrégularités de nature à en entacher le caractère sincère et probant, ainsi que le relève la proposition de rectification adressée à cette société le 16 mai 2013, l'administration était fondée à retenir, en l'absence d'allégations précises ou de tous éléments contraires, tel une délibération des associés décidant de la mise en réserve ou de l'incorporation au capital des bénéfices reconstitués, que le bénéfice réalisé par cette société au titre de l'exercice clos en 2010 n'avait pas, fût-ce pour partie, été gardé en réserve ou investi.

8. D'autre part, l'administration a entendu, en ce qui concerne le bénéfice reconstitué, au titre de l'exercice clos en 2010, de la SARL PROBATP, se prévaloir de la présomption d'appréhension attachée à la qualité de maître de l'affaire, après avoir estimé, à partir d'un faisceau d'indices, que cette qualité devait être attribuée exclusivement à M. B.... Au nombre de ces indices, figure le fait que M. B... était le gérant, au cours de l'année d'imposition en litige, de la société civile immobilière (SCI) Logement Français, qui a constitué, au titre de cette même année, l'unique client de la SARL PROBATP, à laquelle elle adressait l'ensemble de ses paiements en espèces, cette pratique faisant obstacle à un suivi rigoureux de ces règlements et des encaissements correspondants et impliquant une certaine proximité entre ces deux sociétés. La proposition de rectification adressée le 5 juillet 2013 à M. B... précise, en ce qui concerne les relations entre ces deux sociétés, que la SCI Logement Français donnait en location, à la SARL PROBATP, les locaux situés au Cateau-Cambrésis, dans lequel était fixé son siège social, ainsi qu'un hangar situé à Saint-Quentin et un fourgon. L'administration a retenu, en outre, dans un contexte dans lequel le frère de M. B... est l'un des deux associés de la SARL PROBATP, le fait que le requérant, usurpant l'identité de son frère, s'est rendu, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL PROBATP, au premier entretien organisé par le vérificateur, en compagnie du second associé, gérant statutaire, et d'une comptable bénévole récemment investie de la tenue de la comptabilité de la SARL PROBATP, et qu'il a montré, lors de cet entretien, à la différence du gérant statutaire, une complète connaissance des conditions de fonctionnement et des modalités de gestion de la société, répondant, dans ces domaines, aux questions du vérificateur et étant le seul à même de produire les pièces faisant défaut. La comptable a d'ailleurs confirmé s'être précédemment rendue à Saint-Quentin, à l'adresse du local donné en location à la SARL PROBATP par la SCI Logement Français et où M. B... disposait d'une ligne téléphonique ouverte à son nom, afin de se procurer auprès de ce dernier les pièces nécessaires à l'accomplissement de la mission qui lui avait été confiée par la SARL PROBATP. L'administration a également fait valoir que plusieurs salariés, interrogés au cours de l'enquête judiciaire pour des faits de travail dissimulé dont la SARL PROBATP a fait l'objet au cours de l'année 2011, ont confirmé avoir eu M. B... comme interlocuteur lors de leur embauche, puis, ensuite, en tant que donneur d'ordres. Dans une situation dans laquelle, d'une part, le gérant statutaire de la SARL PROBATP s'est montré incapable de répondre aux questions du vérificateur en ce qui concerne la gestion de cette société et de fournir toute pièce s'y rapportant, d'autre part, l'intégralité des recettes de la SARL PROBATP a été réalisée, au cours de l'année d'imposition en litige, en espèces et provient d'une société dont M. B... était le gérant, les indices ainsi avancés par l'administration, et non contestés par le requérant, doivent être regardés comme établissant que ce dernier était le seul maître de l'affaire au cours de l'année d'imposition en litige, alors même qu'il ne détenait aucune part dans le capital de la SARL PROBATP et qu'il n'est pas établi qu'il aurait eu le pouvoir de mouvementer le compte bancaire de la société. M. B... ne peut, à cet égard, utilement faire état de ce que la signature ou le nom du gérant statutaire de la SARL PROBATP a pu figurer sur certains actes afférents à la gestion courante de cette société, tels un bail de location, une fiche d'intervention d'un opérateur de téléphonie, deux correspondances afférentes à l'accès à l'internet, à la distribution du courrier ou encore deux bordereaux de remise de chèques ou, enfin, une correspondance adressée par un organisme de placement de demandeurs d'emploi, lesquelles pièces se rapportent d'ailleurs toutes à des années antérieures à l'année d'imposition en litige. Enfin, dès lors que la qualité de seul maître de l'affaire suffit à regarder, en application des dispositions précitées du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, M. B... comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société et correspondant à un rehaussement des bénéfices de celle-ci, les circonstances, à les supposer même établies, qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'il n'existerait pas une véritable confusion entre son patrimoine et celui de cette société, sont sans incidence à cet égard. M. B..., qui supporte, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge au titre de l'année 2010, dès lors que ces suppléments ont été établis d'office, n'apporte aucun élément de nature à administrer cette preuve, ni ne critique, dans ces conditions, utilement le bien-fondé des impositions en litige

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente aux fins de remboursement des sommes qu'il indique avoir versées en paiement des impositions en litige, ce remboursement étant assorti des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, doivent, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir qui leur est opposée par le ministre, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA00109


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP BEJIN CAMUS BELOT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 15/04/2021
Date de l'import : 04/05/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19DA00109
Numéro NOR : CETATEXT000043400286 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-04-15;19da00109 ?
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