La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2021 | FRANCE | N°19DA00269

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 18 mars 2021, 19DA00269


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de la période allant du 8 juillet au 31 décembre 2008 et au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement nos 1601692, 1602300 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :
<

br>Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, et par un mémoire, enregistré le 25 février...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de la période allant du 8 juillet au 31 décembre 2008 et au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement nos 1601692, 1602300 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, et par un mémoire, enregistré le 25 février 2021 et qui n'a pas été communiqué, M. E... et Mme D..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme D..., sa compagne, avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 8 juillet 2008, ont fait l'objet de deux contrôles sur pièces, le premier portant, en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, sur la période allant du 8 juillet au 31 décembre 2008 et le second portant, en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, sur les années 2007 à 2009. Ils ont, en outre, fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2009 et 2010. A l'issue de ces contrôles, l'administration a estimé que M. E... et Mme D... avaient omis, en méconnaissance de l'obligation, prévue à l'article 1649 A du code général des impôts, de déclarer des comptes détenus par eux à l'étranger, notamment en Suisse, au Luxembourg et en Uruguay, ainsi que les avoirs correspondants. Le vérificateur a reconstitué, en faisant application des dispositions de l'article 151 du code général des impôts, le montant des revenus de M. E... et Mme D... issus des avoirs à l'étranger non déclarés au titre de la période allant du 8 juillet au 31 décembre 2008, ainsi que des années 2009 et 2010, qui ont dès lors fait l'objet d'une taxation d'office en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Ces rehaussements ont été portés à la connaissance de M. E... et Mme D... par une proposition de rectification qui leur a été adressée le 17 février 2014. Ces rectifications, qui ont été intégralement maintenues malgré les observations présentées par M. E... et Mme D..., ont été assorties, d'une part, de la majoration pour manquement délibéré au taux de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts en tant qu'elles concernent les avoirs détenus au Luxembourg et en Uruguay, et, d'autre part, de la majoration pour manoeuvres frauduleuses au taux de 80 % prévue au c. du même article s'agissant des avoirs détenus en Suisse. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu correspondantes au titre de la période allant du 8 juillet au 31 décembre 2008 et au titre des années 2009 et 2010 ont été mises en recouvrement les 31 mars et 30 septembre 2015, et les cotisations supplémentaires de contributions sociales l'ont été les 30 juin et 30 septembre 2015. Leurs réclamations n'ayant fait l'objet que d'une admission très partielle, M. E... et Mme D... ont porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions maintenues à leur charge. Ils relèvent appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la régularité de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des intéressés :

2. En premier lieu, en vertu de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification.

3. M. E... et Mme D... soutiennent qu'un agent des impôts, avec lequel M. E... avait eu l'occasion de travailler dans le cadre de précédentes fonctions et avec lequel il avait un temps noué, de même qu'avec l'épouse de celui-ci, également agent des impôts, des relations d'ordre personnel, aurait repris contact avec lui quinze années plus tard, par le moyen de messages électroniques postés sur un réseau social, en février 2012, et qu'il lui aurait, par ces messages, posé des questions sur ses allées et venues. M. E... et Mme D... estiment que ces questions caractérisent l'engagement, avant même la réception de l'avis de vérification qui leur a été adressé le 16 mai 2012, de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet en ce qui concerne les années 2009 et 2010. Toutefois, il ne résulte pas de l'examen des copies d'écran effectuées par un huissier de justice le 21 janvier 2013, qui ont été versées à l'instruction en annexe au procès-verbal de constat que celui-ci a dressé, que ces échanges de dix-huit messages, qui ont d'ailleurs eu lieu non à compter de février 2012, mais sur une période de près de trois ans allant du 1er mai 2009 au 12 février 2012, et dont le contenu révèle qu'ils présentent uniquement le caractère de conversations d'ordre privé, caractériseraient l'engagement par l'administration d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des appelants. Par suite, le moyen tiré par M. E... et Mme D... de ce que ce contrôle aurait débuté de manière anticipée et dans des conditions qui les auraient privés de la garantie liée à l'assistance par un conseil de leur choix, doit être écarté.

4. En deuxième lieu, si l'administration a l'obligation d'informer le contribuable qu'il a la possibilité, au cours de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont il s'apprête à faire l'objet, de bénéficier de l'assistance d'un conseil de son choix, il n'incombe, en revanche, pas à l'administration de s'assurer, de sa propre initiative, avant chaque entretien, que le conseil choisi par le contribuable pourra effectivement être présent. Ainsi, s'il est constant que, dûment informés de cette garantie par l'avis de vérification qui leur a été adressé le 16 mai 2012, M. E... et Mme D... ont entendu se faire assister par un conseil au cours du contrôle et que, retenu par des obligations professionnelles, celui-ci n'a pu être présent à l'occasion du premier entretien convenu avec le vérificateur, cette absence, dont le vérificateur n'a été informé qu'au début de l'entretien, qui, initialement prévu le 12 septembre 2012, avait d'ailleurs été reporté, à la demande des intéressés, au 18 septembre 2012, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher la régularité du contrôle, dès lors qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que trois autres entretiens se sont tenus avec le vérificateur en présence du conseil choisi par M. E... et Mme D.... En outre, à supposer même que l'absence du conseil lors du premier entretien ait été de nature, par elle-même, à entacher d'irrégularité ce contrôle, et en tout état de cause, il n'est pas établi, eu égard aux trois autres entretiens dont ils ont bénéficié avec l'assistance de leur conseil, que les appelants, qui contestent au demeurant des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui ont été établies d'office pour un motif ne trouvant pas son origine dans l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet, auraient été irrégulièrement privés, à l'occasion de ce contrôle, de la garantie tenant à l'assistance d'un conseil de leur choix. Par ailleurs, M. E... et Mme D... ne sont pas fondés à se prévaloir à cet égard, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-30-10-20120912, qui, s'agissant d'une question intéressant la régularité de la procédure d'imposition, ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale susceptible d'être opposée à l'administration.

5. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre, sous peine de nullité de l'imposition, sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. Cependant, en vertu de l'avant dernier alinéa de cet article, cette période est prorogée des délais nécessaires à l'administration pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères. En outre, le dernier alinéa du même article dispose que la période d'un an est portée à deux ans lorsque, dans le délai initial d'un an, les articles L. 82 C ou L. 101 du même livre ont été mis en oeuvre.

6. Il résulte de l'instruction que l'administration a mis en oeuvre, à compter du 9 octobre 2012, au cours du délai d'un an qui avait commencé à courir à compter de la réception par les contribuables, le 19 mai 2012, de l'avis de vérification qui leur avait été adressé le 16 mai 2012, le droit de communication à l'égard de l'autorité judiciaire qui lui est conféré par les articles L. 81, L. 82 C et L. 101 et R. 81-4 du livre des procédures fiscales. L'exercice de ce droit de communication, dans le délai d'un an prévu par les dispositions, rappelées au point précédent, de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, a eu pour effet de proroger de plein droit d'une année, en application des mêmes dispositions, la durée de l'examen contradictoire de situation fiscale dont ont fait l'objet M. E... et Mme D... en ce qui concerne les années 2009 et 2010. En outre, il ne résulte pas de l'instruction et, notamment, des mentions de la proposition de rectification adressée aux intéressés le 17 février 2014, ni de celles de la réponse apportée à leurs observations, que l'administration aurait entendu justifier, par un autre motif que cet exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, la prolongation de la durée de ce contrôle. Il suit de là qu'à supposer même que l'administration aurait, par ailleurs, demandé, dans des conditions irrégulières, l'assistance des autorités espagnoles, cette irrégularité, à la supposer avérée, serait sans incidence sur la régularité de la prorogation de la durée du contrôle.

7. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que M. E..., sur sa demande, a été reçu, en compagnie de son conseil, par le supérieur hiérarchique du vérificateur, s'agissant de la conduite de l'examen contradictoire de situation fiscale dont il avait fait l'objet, ainsi que sa compagne, en ce qui concerne les années 2009 et 2010, le 8 décembre 2014, soit après la clôture de ce contrôle, matérialisée par l'envoi, le 17 février 2014, de la proposition de rectification, puis, s'agissant du même contrôle, par l'interlocuteur départemental le 19 décembre 2014, également après la clôture de ce contrôle. Par suite et quand bien même l'administration a ensuite refusé de faire droit à une nouvelle demande de recours hiérarchique formulée par leur conseil, le moyen tiré par M. E... et Mme D... de ce qu'ils auraient été privés de la garantie tenant à l'exercice, après la clôture de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, d'un recours hiérarchique et d'un entretien avec l'interlocuteur départemental ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la régularité de l'exercice par l'administration de son droit de communication :

8. En vertu de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu. En outre, l'article L. 82 C de ce livre dispose qu'à l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances. Les articles L. 81 et R. 81-4 du même livre précisent que ce droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements concernés, ainsi que d'en prendre une copie.

9. Eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ces dispositions ne permettent pas à l'administration de se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge.

10. A la suite d'une demande d'entraide judiciaire en matière pénale présentée par les autorités suisses, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice a fait procéder le 20 janvier 2009, dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, à une perquisition dans un logement occupé par un informaticien, ancien salarié de la filiale suisse de l'établissement britannique HSBC Private Bank, sise à Genève, qui était soupçonné d'avoir dérobé des données de la base clients de cet établissement bancaire. Cette perquisition a eu lieu en présence d'un magistrat suisse et de deux enquêteurs de la police judiciaire de Berne. Estimant que les informations recueillies lors de cette perquisition étaient de nature à laisser présumer une fraude fiscale, le procureur de la République a fait connaître à l'administration des finances, le 9 juillet 2009, conformément à l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, qu'elle avait la possibilité de prendre connaissance de ces informations. L'administration a donné suite à cette information en demandant d'avoir accès aux renseignements en cause. Elle a regardé les fichiers ainsi transmis comme de nature à établir que M. E... était titulaire, en tant que " beneficial owner ", de deux profils clients auxquels étaient rattachés huit comptes bancaires ouverts en Suisse auprès de la banque HSBC, à savoir, d'une part, un profil Heron Trade Ltd, créé le 29 juillet 2005 et détenu par une société éponyme dont le siège est situé aux Îles Vierges Britanniques, auquel étaient associés quatre comptes bancaires représentant un solde créditeur total en février 2007 de 1 134 dollars américains, d'autre part, un profil Fortham Business Corp, créé le 14 mars 2006, détenu par une société éponyme sise au Panama, auquel étaient associés quatre comptes bancaires représentant un solde créditeur total en février 2007 de 2 968 893 dollars américains. En outre, il est également apparu que Mme D... était aussi attachée à ces deux profils clients comme bénéficiant d'une procuration sur les comptes en cause, en tant qu'" attorney ". Enfin, il est apparu que M. E... et Mme D... n'avaient pas souscrit de déclaration spécifique concernant des revenus encaissés à l'étranger au titre de la période allant du 7 juillet au 31 décembre 2008 et des années 2009 et 2010 et qu'ils n'avaient mentionné aucun revenu d'avoirs détenus à l'étranger dans les déclarations des revenus déposées au titre de la même période et des mêmes années.

11. Compte tenu de ces éléments, et sur avis conforme de la commission des infractions fiscales du 25 novembre 2010, l'administration a déposé plainte, le 9 décembre 2010, contre M. E... et Mme D... auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Beauvais, pour s'être volontairement et frauduleusement soustraits à l'établissement et au paiement d'une partie de l'impôt sur le revenu dû au titre de la période du 7 juillet au 31 décembre 2008 et des années 2009 et 2010, et de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2007 à 2009. La procédure pénale ayant été transmise à la juridiction interrégionale spécialisée de Lille le 6 octobre 2011, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lille a, le 19 juin 2012, autorisé l'administration à exercer son droit de communication en application des dispositions des articles L. 81, L. 82 C et L. 101 et R. 81-4 du livre des procédures fiscales, auprès de l'autorité judiciaire, ce qu'elle a fait les 9 octobre et 16 novembre 2012, ainsi que les 23 mai, 10 juin et 10 octobre 2013. Dans ce cadre, l'administration a consulté et pris copie des pièces de la procédure judiciaire.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 11 que l'administration a eu régulièrement accès, sur autorisation du parquet, aux pièces de la procédure pénale diligentée à l'égard de M. E... et Mme D..., lesquelles comprenaient notamment les fichiers obtenus par l'autorité judiciaire dans le cadre de la perquisition effectuée dans le logement occupé par l'ancien salarié de l'établissement bancaire détenteur, en Suisse, des comptes mentionnés au point 10. Ainsi et en admettant même que l'administration ait eu accès à ces fichiers antérieurement auprès de l'autorité judiciaire ou par d'autres voies, une telle circonstance demeurerait sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition mise en oeuvre à l'égard de M. E... et Mme D..., dès lors qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les conditions dans lesquelles l'administration s'est procurée ces informations auraient été déclarées illégales par une décision définitive de la juridiction compétente pour en connaître. Dans ces conditions, en tenant même pour établi que l'administration fiscale aurait disposé, antérieurement à l'exercice de son droit de communication, des informations contenues dans les fichiers saisis par l'autorité judiciaire, les seuls faits qu'elle ait exploité ces données afin d'établir des fiches de synthèse par contribuable concerné et qu'elle ait ensuite introduit une plainte pénale à l'encontre de M. E... et Mme D... puis demandé à exercer son droit de communication à l'égard, notamment, de ces éléments d'information ne peuvent suffire à caractériser un détournement de procédure au détriment des intéressés, ni un manquement de l'administration à son devoir de loyauté à l'égard des contribuables figurant dans ces données. Enfin, compte-tenu de ce qui vient d'être dit et alors que l'administration a informé M. E... et Mme D..., dans la proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 17 février 2014, de la teneur et de l'origine des procès-verbaux de l'enquête pénale qui exposent les données extraites des fichiers en cause sur lesquelles le service a fondé les rectifications contestées, et que ces procès-verbaux étaient joints en annexe à cette proposition de rectification, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne la régularité de la procédure de taxation d'office :

13. En vertu de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Le même article ajoute qu'elle peut aussi lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 euros.

14. Il résulte de l'instruction, en particulier des procès-verbaux de police judiciaire joints à la proposition de rectification adressée à M. E... et Mme D... le 17 février 2014, en particulier de celui établi le 18 janvier 2011, qu'un examen des fichiers saisis au cours des perquisitions conduites par le parquet de Nice a permis d'établir un lien entre, d'une part, les deux profils clients mentionnés au point 10, rattachés aux huit comptes bancaires ouverts en Suisse, et, d'autre part, M. E..., dont les données personnelles apparaissent sur ces profils avec une mention selon laquelle il est le propriétaire des avoirs qui y sont inscrits, ainsi que Mme D..., dont les données personnelles apparaissent également sur ces profils en tant que bénéficiaire d'une procuration sur les comptes qui y sont rattachés. Ce même procès-verbal ajoute que l'examen des scripts retraçant les relations entre, d'une part, cet établissement bancaire implanté à Genève et, d'autre part, M. E... et Mme D... fait mention de deux visites de M. E... sur place, l'une le 6 octobre 2005, au cours de laquelle l'intéressé a retiré du courrier, complété des documents et discuté d'opportunités de placement, et l'autre le 13 octobre 2005, dans un hôtel de Genève, à l'occasion de laquelle celui-ci s'est entretenu avec un conseiller financier de la banque au sujet de propositions de placements et lui a confié un dépôt en espèces. Un autre procès-verbal de police judiciaire, établi le 9 mars 2011 et joint à la proposition de rectification, précise qu'une réquisition adressée à une compagnie de transport aérien, dont la réponse est jointe à ce procès-verbal, a permis d'établir que M. E... avait été enregistré à seize reprises, au cours d'une période couvrant les années 2005 à 2009, sur des vols entre Paris et Genève, en particulier le 5 octobre 2005, pour un voyage de Paris à Genève, et le 6 octobre 2005, pour le trajet inverse, cette seconde date coïncidant avec celle du rendez-vous accordé le même jour à Genève par un conseiller financier de l'établissement bancaire. Enfin, le dernier procès-verbal de police judiciaire, établi le 11 mars 2011, qui était également joint à la proposition de rectification, comporte un tableau mentionnant le détail des soldes présentés par les comptes bancaires en cause au cours d'une période couvrant les mois de novembre 2006 à février 2007 et indique, en particulier que, comme il a été dit au point 10, quatre de ces comptes présentaient, au terme de ce dernier mois, un solde créditeur total de 1 134 dollars américains, tandis que les quatre autres présentaient, à la même date, un solde créditeur total de 2 968 893 dollars américains. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant disposé d'éléments d'information suffisants pour permettre d'établir que M. E... et Mme D... étaient susceptibles de bénéficier de revenus très notablement supérieurs, de 150 000 euros à tout le moins, à ceux déclarés par eux au titre des années en cause, lesquels sont détaillés par le premier des procès-verbaux susmentionnés. Les intéressés ne contestent pas sérieusement ces éléments en faisant observer que la réponse de la compagnie aérienne n'est pas signée et ne comporte pas la mention de son auteur, en fournissant une attestation selon laquelle M. E... n'est pas enregistré comme client de l'hôtel dans lequel a eu lieu le rendez-vous du 13 octobre 2005 et en affirmant que celui-ci se trouvait à Paris le 6 octobre 2005. Par suite, l'administration a pu légalement adresser, le 26 juillet 2013, à M. E... et Mme D..., en application des dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, une demande non seulement d'éclaircissements mais aussi de justifications en ce qui concerne les avoirs détenus par eux sur ces comptes non déclarés. Dès lors que M. E... et Mme D... se sont bornés, dans la réponse qu'ils ont apportée le 26 septembre 2013 à cette demande, à nier détenir des avoirs à l'étranger, sans toutefois fournir aucun élément au soutien de cette assertion, cette réponse lacunaire a pu à bon droit être assimilée par l'administration à une absence de réponse. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a établi d'office, en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les impositions et contributions en litige.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

En ce qui concerne la prescription :

15. En vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, pour l'impôt sur le revenu, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Cependant, l'article L. 188 B du même livre dispose que, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale, en ce qui concerne notamment le cas, visé au 1° de l'article L. 228 de ce livre, de l'utilisation, aux fins de se soustraire à l'impôt, de comptes ouverts auprès d'organismes établis à l'étranger, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.

16. Il résulte de l'instruction que, comme il a été dit au point 11, l'administration a déposé, le 9 décembre 2010, soit dans le délai de reprise en ce qui concerne les impositions dues au titre des années 2009 et 2010, une plainte pénale contre M. E... et Mme D... auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Beauvais, pour s'être volontairement et frauduleusement soustraits, en utilisant des comptes ouverts auprès d'établissements bancaires implantés à l'étranger, à l'établissement et au paiement notamment d'une partie de l'impôt sur le revenu dû au titre de la période du 7 juillet au 31 décembre 2008 et des années 2009 et 2010. Il n'est pas contesté que cette plainte a donné lieu à l'ouverture d'une enquête judiciaire. Dès lors, l'administration a pu se prévaloir à bon droit, dans la proposition de rectification qu'elle a adressée, le 17 février 2014, à M. E... et Mme D..., du délai de reprise allongé prévu par les dispositions, rappelées au point précédent, de l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les impositions dues par eux au titre des années 2009 et 2010. Par suite, le moyen tiré de ce que ces impositions seraient atteintes par la prescription doit être écarté.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

17. Ainsi qu'il a été dit au point 14, les rehaussements en litige ont été notifiés à bon droit à M. E... et Mme D... selon la procédure de taxation d'office. Il s'ensuit que M. E... et Mme D..., supportent, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve et qu'il leur appartient, en vertu de l'article R. 193-1 de ce livre, d'établir que les impositions et contributions mises à leur charge présentent un caractère exagéré.

En ce qui concerne l'évaluation des revenus imposables générés par les avoirs en cause :

18. Aux termes de l'article 151 du code général des impôts : " Pour l'application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'impôt sur les revenus des avoirs à l'étranger est établi sur le produit du montant de ces avoirs par la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées. ". En outre, aux termes de l'article 1649 A de ce code, dans sa rédaction applicable : " (...) / Les personnes physiques (...) domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus (...), les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. (...) / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés (...) constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. ".

19. Ainsi qu'il a été dit aux points 10 et 14, l'administration a eu régulièrement accès à des documents ainsi qu'à des données informatiques de nature à établir que M. E... et Mme D... avaient la libre disposition de huit comptes bancaires ouverts, par l'entremise de sociétés écran non résidentes, auprès d'un établissement bancaire sis à Genève, en Suisse, qu'ils étaient les véritables détenteurs des avoirs inscrits sur ces comptes, réputés utilisés par eux au cours des années d'imposition en litige et qu'ils n'ont pas déclaré ceux-ci à l'administration en dépit de l'obligation posée par les dispositions précitées de l'article 1649 A du code général des impôts. Contrairement à ce que soutiennent M. E... et Mme D..., ces documents ne se limitent pas à un unique procès-verbal de police judiciaire, mais, comme il a été dit au point 14, à trois procès-verbaux d'enquête judiciaire, qui ne s'appuient pas exclusivement sur les griefs énoncés dans la plainte pénale déposée par l'administration fiscale, mais rendent compte, dans des termes circonstanciés, des éléments d'information résultant de l'analyse des fichiers informatiques saisis au cours de la perquisition effectuée le 20 janvier 2009 ainsi que de la situation fiscale et patrimoniale de M. E... et Mme D.... Le seul fait, à le supposer même avéré, que M. E... n'ait pu effectivement se rendre à Genève le 13 octobre 2005, date à laquelle, selon ces documents, il aurait eu un entretien avec un conseiller financier dans les locaux d'un hôtel, ne suffit pas à disqualifier ces documents et éléments d'information sur lesquels l'administration a fondé les rectifications contestées, alors, en particulier, que Mme D... et M. E... ne contestent pas sérieusement que ce dernier s'est rendu dans les locaux de cet établissement bancaire de Genève le 6 octobre 2005 afin d'effectuer des actes de gestion des avoirs inscrits sur les huit comptes bancaires correspondants aux deux profils clients auxquels l'enquête a permis d'établir qu'ils étaient liés. Face aux éléments concordants sur lesquels l'administration a établi les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige, M. E... et Mme D..., à qui il incombe d'établir, en application des dispositions précitées de l'article 1649 A du code général des impôts, qu'ils ne seraient pas les bénéficiaires de ces avoirs ou que ceux-ci ne produiraient pas des revenus imposables entre leurs mains, n'apportent aucun élément de nature à constituer une telle preuve, alors que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, l'administration de celle-ci ne leur est pas impossible. Par suite, l'administration était fondée à soumettre à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales les revenus procurés à M. E... et Mme D... par ces avoirs. Enfin, dans le cadre de la procédure d'établissement d'office des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant, l'administration était également fondée, en application des dispositions précitées de l'article 151 du code général des impôts, à évaluer le produit du montant de ces avoirs, par référence à la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées, et à procéder à une extrapolation, y compris pour l'avenir, des revenus imposables générés par ces avoirs au cours des années d'imposition en litige, sans que cette projection ne puisse être regardée, en elle-même, comme portant atteinte au principe de l'annualité de l'impôt. En contestant le principe même d'une telle extrapolation pour l'avenir, M. E... et Mme D... n'apportent pas la preuve, qui leur incombe ainsi qu'il a été dit au point 17, du caractère exagéré des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige.

Sur les pénalités :

20. Dès lors que, comme il a été dit aux points 2 à 14, les impositions et contributions en litige n'ont pas été établies à l'issue d'une procédure irrégulière et que, ainsi qu'il a été dit aux points 15 à 19, ces suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales sont légalement fondés, les conclusions de M. E... et Mme D... tendant, par voie de conséquence de la décharge de ces suppléments d'imposition, à la décharge des pénalités dont ceux-ci ont été assortis ne peuvent qu'être rejetées.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. E... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. E... et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et Mme C... D... et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

1

7

N°19DA00269


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award