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11/02/2021 | FRANCE | N°18DA01057

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 11 février 2021, 18DA01057


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Dugrand Logistique a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer le différé de l'obligation de payer la taxe d'aménagement ainsi que la redevance d'archéologie préventive mises à sa charge, pour les sommes respectives de 97 853 euros et de 6 669 euros, à la suite de l'obtention, le 7 octobre 2013, d'un permis de construire portant sur l'édification d'un bâtiment industriel sur le territoire de la commune du Havre.

Par un jugement n° 1601341 du

22 mars 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Dugrand Logistique a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer le différé de l'obligation de payer la taxe d'aménagement ainsi que la redevance d'archéologie préventive mises à sa charge, pour les sommes respectives de 97 853 euros et de 6 669 euros, à la suite de l'obtention, le 7 octobre 2013, d'un permis de construire portant sur l'édification d'un bâtiment industriel sur le territoire de la commune du Havre.

Par un jugement n° 1601341 du 22 mars 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2018, la SAS Dugrand Logistique, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le différé de paiement jusqu'à la levée de l'ensemble des conditions suspensives prescrites par le permis de construire qui lui a été délivré le 7 octobre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 octobre 2013, le maire du Havre a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Dugrand Logistique un permis de construire un bâtiment à usage d'entrepôt frigorifique d'une surface de plancher créée de 4 355 m². Dès lors qu'il avait été confirmé, au cours de l'instruction de la demande de permis de construire, que le terrain d'assiette de ce projet, qui appartenait à Réseau Ferré de France, accueillait plusieurs espèces protégées d'amphibiens, de reptiles et d'oiseaux, le permis de construire délivré à la SAS Dugrand Logistique lui a prescrit de mettre en oeuvre les travaux dans le respect des mesures compensatoires édictées, au vu du dossier de demande que Réseau Ferré de France avait été invité à constituer, par l'arrêté préfectoral autorisant la perturbation ainsi que la destruction d'espèces animales protégées et de leurs milieux particuliers en vue de l'aménagement de la parcelle en cause. Cet arrêté du préfet de la région Haute-Normandie est intervenu le 11 mars 2014. Une association locale de protection de l'environnement a cependant contesté devant le tribunal administratif de Rouen la légalité du permis de construire délivré à la société Dugrand Logistique et de l'arrêté préfectoral du 11 mars 2014. Par un jugement du 6 janvier 2015, devenu définitif, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le premier de ces recours, tandis que, par un arrêt du 15 octobre 2015 qui a fait l'objet d'un pourvoi en cassation non admis, la cour administrative d'appel de Douai, annulant un autre jugement du 4 novembre 2014 du tribunal administratif de Rouen, a rejeté le second de ces recours. Le 24 octobre 2014, un titre de perception a été émis pour obtenir de la SAS Dugrand Logistique le versement d'une somme de 6 669 euros au titre de la redevance d'archéologie préventive prévue aux articles L. 524-2 et suivants du code du patrimoine. Un autre titre de perception a été émis le même jour afin d'obtenir de la SAS Dugrand Logistique le paiement d'une somme de 48 927 euros au titre de la taxe d'aménagement prévue aux articles L. 331-1 et suivants du code de l'urbanisme. La SAS Dugrand Logistique, qui précise avoir été rendue destinataire d'un troisième titre de perception lui réclamant le paiement, pour le 15 décembre 2015, de la seconde part de la taxe d'aménagement, soit la somme de 48 926 euros, relève appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant au différé de l'obligation de payer la taxe d'aménagement et la redevance d'archéologie préventive ainsi mises à sa charge. Par une ordonnance du 2 avril 2019, le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, les conclusions de sa requête tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il s'est prononcé, en premier et dernier ressort, sur sa demande tendant au différé de paiement de la taxe d'aménagement, qui a la nature d'une imposition locale. La cour demeure donc saisie des seules conclusions de la requête de la SAS Dugrand Logistique tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il a statué sur sa demande de différé de paiement de la redevance d'archéologie préventive mise à sa charge.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 524-2 du code du patrimoine : " Il est institué une redevance d'archéologie préventive due par les personnes (...) projetant d'exécuter des travaux affectant le sous-sol et qui : / a) Sont soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l'urbanisme ; / (...) ". En vertu du a) de l'article L. 524-4 de ce code, le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive est, pour les travaux soumis à autorisation préalable en application du code de l'urbanisme, la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 278 du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation par un tiers auprès du tribunal administratif du permis de construire (...), le paiement des impositions afférentes à cette autorisation est différé, sur demande expresse de son bénéficiaire, jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle devenue définitive. A l'appui de sa demande, le bénéficiaire de cette autorisation doit constituer auprès du comptable les garanties prévues à l'article L. 277. La prescription de l'action en recouvrement est suspendue jusqu'au prononcé de la décision définitive. ".

4. Les dispositions précitées de l'article L. 278 du livre des procédures fiscales, dont la SAS Dugrand Logistique invoque le bénéfice, permettent, au bénéficiaire d'un permis de construire qui fait l'objet d'un recours introduit par un tiers devant le juge administratif, d'obtenir, moyennant la constitution de garanties, que le paiement des impositions, notamment de la redevance d'archéologie préventive prévue par l'article L. 524-2 du code du patrimoine, mises à sa charge en conséquence de l'obtention d'un permis soit différé jusqu'à l'intervention d'une décision juridictionnelle devenue définitive. Or, si le permis de construire délivré le 7 octobre 2013 à la SAS Dugrand Logistique a, comme il a été dit au point 1, fait l'objet d'un recours introduit par un tiers devant le tribunal administratif de Rouen, ce recours a, ainsi qu'il a été dit au même point 1, été rejeté par un jugement du 6 janvier 2015 devenu définitif. Il en est d'ailleurs de même du recours introduit par ce même tiers contre l'arrêté préfectoral du 11 mars 2014 autorisant, moyennant la mise en oeuvre de mesures compensatoires, la perturbation ainsi que la destruction d'espèces animales protégées et de leurs milieux particuliers présentes sur le site du projet. En raison de l'intervention de ces décisions devenues définitives de la juridiction administrative, la SAS Dugrand Logistique ne peut plus, depuis lors, bénéficier des dispositions précitées de l'article L. 278 du livre des procédures fiscales, qui ne prévoient pas d'autre cause de différé de paiement que l'introduction d'un recours contentieux par un tiers contre le permis de construire ou d'aménager.

5. La SAS Dugrand Logistique invoque cependant la péremption de l'arrêté préfectoral du 11 mars 2014 autorisant le propriétaire du terrain d'assiette de son projet à déroger, moyennant la mise en oeuvre de mesures compensatoires, aux règles de conservation des espèces protégées identifiées sur le site et de leurs habitats, en soutenant, sans être contredite, ni démentie par les pièces versées à l'instruction, que cet arrêté n'a reçu aucun commencement d'exécution dans le délai de douze mois prévu à son article 3, à l'expiration duquel la dérogation ainsi délivrée est caduque, et que ce délai a recommencé à courir à compter de l'intervention de l'arrêt du 15 octobre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté le recours dirigé contre cet arrêté préfectoral. Elle ajoute que la caducité de cet arrêté fait obstacle à ce qu'elle puisse mettre en oeuvre l'autorisation de construire qui lui a été délivrée moyennant une prescription de respect des mesures conservatoires autorisées par cet arrêté. Toutefois, les circonstances ainsi invoquées, qui ne peuvent être assimilées à l'introduction d'un recours juridictionnel par un tiers, ne peuvent justifier qu'il soit fait droit, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 278 du livre des procédures fiscales, aux conclusions à fin de différé de paiement présentées par la SAS Dugrand Logistique. Cette dernière ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer, à titre subsidiaire, le bénéfice des dispositions de l'article L. 331-30 du code de l'urbanisme, en vertu desquelles le bénéficiaire d'un permis de construire qui justifie qu'il n'a donné aucune suite à cette autorisation peut prétendre à une décharge, dès lors que ces dispositions n'instaurent pas de possibilité d'obtenir un différé du paiement de la redevance d'archéologie préventive seule en litige dans la présente instance.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Dugrand Logistique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant au différé de paiement de la redevance d'archéologie préventive. Les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la SAS Dugrand Logistique tendant à l'annulation du jugement du 22 mars 2018 en tant que le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande de différé de paiement de la redevance d'archéologie préventive mise à sa charge, et au bénéfice de ce différé de paiement, sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SAS Dugrand Logistique sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Dugrand Logistique et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera transmise au préfet de la région Normandie.

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N°18DA01057


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 11/02/2021
Date de l'import : 25/02/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18DA01057
Numéro NOR : CETATEXT000043147862 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-11;18da01057 ?
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