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17/12/2020 | FRANCE | N°19DA00030

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 décembre 2020, 19DA00030


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été soumis au titre de l'année 2007 à hauteur des sommes respectives de 48 918 euros et de 13 319 euros.

Par un jugement n° 1300850 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Par un arrêt no 15DA01931 du 20 juillet 2017, la cour administra

tive d'appel de Douai, après avoir prononcé, par l'article 1er de cet arrêt, un non-lieu ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été soumis au titre de l'année 2007 à hauteur des sommes respectives de 48 918 euros et de 13 319 euros.

Par un jugement n° 1300850 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Par un arrêt no 15DA01931 du 20 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir prononcé, par l'article 1er de cet arrêt, un non-lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme C... à concurrence du dégrèvement d'un montant de 2 664 euros intervenu en cours d'instance, a rejeté, par l'article 2, le surplus des conclusions de leur requête.

Par une décision n° 414433 du 19 décembre 2018, le Conseil d'Etat, saisi par M. et Mme C..., a annulé l'article 2 de cet arrêt, a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Douai dans la mesure de la cassation ainsi prononcée et a mis à la charge de l'Etat le versement aux intéressés d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, initialement enregistrée le 4 décembre 2015 sous le n° 15DA01931, et des mémoires, enregistrés le 7 avril 2016, le 15 juin 2017 et, après renvoi, le 8 mars 2019, M. et Mme C..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2015 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de prononcer la décharge des impositions demeurant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de la comptabilité de la société Netmakers portant sur les exercices clos en 2006, 2007 et 2008, l'administration a imposé au titre de l'année 2007 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, comme revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, une indemnité transactionnelle de licenciement versée à M. et Mme C... par cette société. M. et Mme C... ont relevé appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui en ont résulté pour les montants respectifs de 48 918 euros et 13 319 euros. Par un arrêt du 20 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme C... à concurrence du dégrèvement d'un montant de 2 664 euros intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leur requête. Par une décision du 19 décembre 2018, le Conseil d'Etat, saisi par M. et Mme C..., a annulé cet arrêt en tant qu'il rejetait les conclusions de leur requête d'appel et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Douai dans la mesure de la cassation ainsi prononcée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. et Mme C... n'ont contesté la régularité du jugement attaqué, en soutenant que les premiers juges avaient procédé à une substitution de motifs d'office et sans respecter le principe du contradictoire, que dans un mémoire produit le 8 mars 2019, après l'expiration du délai d'appel. La contestation qu'ils élèvent sur ce point présente donc le caractère d'une demande nouvelle en appel et, comme telle, irrecevable. Par suite, ce moyen ne peut être qu'écarté.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. D'une part, la proposition de rectification du 30 juillet 2009 adressée à M. et Mme C... indique la nature et le montant des rectifications envisagées, distinctement par catégorie de revenus, ainsi que l'impôt et l'année d'imposition. Elle rappelle, en préalable, les principaux éléments de droit et de fait relatifs à la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société Netmakers et qui fondent, par voie de conséquence, le rehaussement de l'impôt sur le revenu de M. et Mme C.... Ainsi, ce document mentionne que l'indemnité transactionnelle versée aux contribuables ne pouvait être regardée comme une charge déductible du résultat de la société Netmakers, faute d'avoir été engagée dans l'intérêt de l'entreprise, mais comme un revenu distribué au sens des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, que ce revenu avait été appréhendé par les contribuables et qu'il devait, dès lors, être imposé dans la catégorie des revenus mobiliers. Ces éléments, notifiés aux contribuables, étaient suffisamment précis pour leur permettre d'engager une discussion contradictoire avec l'administration, ce qu'ils ont d'ailleurs fait en apportant, à l'occasion de leurs observations à la suite de cette proposition de rectification et devant le conciliateur, des éléments de nature à établir, selon eux, au regard des circonstances de l'espèce, le caractère indemnitaire des sommes versées par la société Netmakers et les contreparties que celle-ci en a retirées.

5. D'autre part, en raison de l'indépendance des procédures d'imposition, les irrégularités dont la procédure d'établissement du supplément d'impôt sur les sociétés assigné à la société Netmakers serait entachée sont, en tout état de cause, sans incidence sur le rehaussement d'impôt sur le revenu auquel M. et Mme C... ont été soumis personnellement. En particulier, la circonstance que l'administration n'aurait pas indiqué à la société Netmakers, dans des termes suffisamment détaillés, les éléments de comparaison sur lesquels elle s'est fondée pour ramener, en suivant l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, les bases des rectifications d'impôt sur les sociétés mises à la charge de cette société à la moitié du montant des indemnités transactionnelles versées à M. et Mme C..., n'est pas de nature à entacher d'irrégularité les rectifications d'impôt sur le revenu qui ont été assignées personnellement à ces derniers à l'issue de la conciliation fiscale intervenue à leur demande.

6. En second lieu, les appelants soutiennent que l'administration, qui s'était fondée initialement sur l'absence d'intérêt pour la société Netmakers à leur verser une indemnité transactionnelle à la suite de leur licenciement, ne pouvait substituer à ce motif, avant la mise en recouvrement des redressements, celui tiré du caractère exagéré de ces indemnités au regard de la contrepartie qu'en retirait cette société, sans leur adresser une nouvelle proposition de rectification les invitant à présenter leurs observations dans un délai de trente jours. Toutefois, en procédant de la sorte, l'administration n'a pas modifié le principe même du redressement fondé sur l'existence d'un acte ne se rapportant pas à la gestion normale de la société. Par suite, elle n'était pas tenue de procéder à une nouvelle notification du redressement. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions demeurant en litige :

7. L'administration a estimé que le versement par la société Netmakers des indemnités transactionnelles à M. et à Mme C..., à l'occasion de leur licenciement pour faute lourde, ne se rattachait pas à la gestion normale de l'entreprise pour la fraction excédant, pour chacun d'eux, la somme de 46 038 euros, et a regardé en conséquence ces sommes comme des revenus distribués aux intéressés, pour un montant total de 92 076 euros, qu'elle a imposés entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Pour établir l'absence de contrepartie suffisante, l'administration, à qui il incombe d'établir qu'un acte ne se rattache pas à la gestion normale de l'entreprise, fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, que la société Netmakers n'aurait pas été exposée au risque de subir une condamnation par la juridiction prud'homale supérieure à ce montant, au regard de la faible ancienneté des intéressés dans l'entreprise, s'élevant à trois mois seulement, et du motif du licenciement, tenant au manquement à l'obligation de loyauté envers l'employeur. Elle ajoute que cette société n'était pas davantage exposée au risque de subir, dans ces circonstances, une atteinte particulière à sa réputation.

8. Toutefois, il résulte de l'instruction que le 30 avril 2007, M. et Mme C... ont fait part par écrit à leur employeur de leur intention de contester devant la juridiction prud'homale leur licenciement comme étant abusif et sans cause réelle et sérieuse. Si, ainsi que le fait valoir le ministre de l'action et des comptes publics, la faible ancienneté des intéressés ne laissait pas présager, à supposer que leur action aboutisse, le prononcé d'une condamnation lourde s'agissant de l'indemnité légale de licenciement ou de dommages-intérêts, ni même d'ailleurs, une atteinte grave à la réputation de l'entreprise auprès de la clientèle ou de ses partenaires commerciaux, il est constant que les contrats de travail de M. et de Mme C... stipulaient le versement à chacun d'une indemnité de 100 000 euros, avant prélèvements sociaux, en cas de rupture à l'initiative de l'employeur au cours de la première année d'exécution du contrat, et ce quel qu'en soit le motif. L'administration n'a fait état devant les premiers juges, et ne le fait davantage devant la cour, d'aucun élément de nature à établir que la mise en oeuvre de ces clauses indemnitaires était susceptible d'être écartée, avec une probabilité suffisante, par le juge des prud'hommes. Elle ne conteste pas les assertions des appelants, qui corroborent les déclarations de la société Netmakers devant la commission départementale des impôts, selon lesquelles leur employeur ne disposait pas, en l'état, de preuves suffisantes des manquements constitutifs de faute lourde sur lesquels les licenciements étaient fondés. Ainsi, compte tenu de ces stipulations, la société Netmakers était exposée au risque non négligeable de supporter une condamnation au moins égale à l'indemnité transactionnelle d'un montant, net de charges sociales, de 92 076 euros qu'elle a servie à chacun des intéressés. Elle avait, de la sorte, un intérêt suffisant à éviter d'être attraite devant la juridiction prud'homale à raison de la contestation de ces licenciements. Dès lors que les redressements mis en recouvrement ne sont pas fondés sur le caractère anormal des conditions d'engagement des intéressés telles que stipulées à leur contrat de travail, l'administration n'apporte pas la preuve, qui, ainsi qu'il a été dit, lui incombe, que les indemnités transactionnelles servies aux contribuables présenteraient un caractère exagéré pour la fraction excédant leur moitié et seraient, comme telles, dépourvues d'intérêt pour la société versante. Par suite, les appelants sont fondés à soutenir que les sommes versées à ce titre ne peuvent être regardées comme des distributions au sens des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts sur lesquelles l'administration s'est fondée pour assigner les suppléments d'imposition en litige.

9. Toutefois, l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de faire valoir tout moyen nouveau de nature à justifier les impositions en litige ainsi, aux mêmes fins, que de demander qu'une nouvelle base légale, substituée à celle qu'elle avait primitivement retenue, soit donnée à ces impositions, pourvu que cette substitution ne prive le contribuable d'aucune des garanties qui lui sont conférées par la loi. La circonstance que les modalités de détermination des bases sur lesquelles elle entend, pour de nouveau motifs, justifier les impositions contestées n'ont pas été notifiées au contribuable avant la fin des opérations de contrôle ni même avant la mise en recouvrement des impositions, ne prive pas, par elle-même, le contribuable d'une garantie dès lors qu'il lui est loisible de les contester, dans le cadre de la procédure contradictoire devant le juge de l'impôt, qui présente à cet égard des garanties équivalentes à celles issues de la procédure de rectification contradictoire.

10. Le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que les suppléments d'imposition contestés sont susceptibles de trouver leur fondement légal dans les dispositions du a) du 3° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts dont il résulte que les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail, en dehors d'une convention collective et du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du code du travail, constituent une rémunération imposable, pour la fraction qui excède 50 % du montant de l'indemnité lorsque cette indemnité, comme en l'espèce, est supérieure au double du montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail et qu'elle demeure dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de son versement. Pour s'opposer à cette substitution de base légale, M. et Mme C... ne peuvent utilement soutenir, en tout état de cause, qu'elle n'a été demandée par l'administration qu'après l'expiration du délai de reprise, dès lors qu'il est constant que les redressements ont été notifiés dans ce délai. Ils ne peuvent davantage exciper, compte tenu de la base légale fondant désormais la rectification, de ce que les conditions de leur engagement, stipulées à leur contrat de travail, ne présentent aucun caractère d'anormalité compte tenu de la cession à la société Netmakers de l'entreprise que M. C... avait précédemment créée. Il s'ensuit que l'administration était fondée, en application des dispositions susmentionnées de l'article 80 duodecies du code général des impôts, qu'il convient de substituer au fondement légal initialement retenu, à imposer, entre les mains de M. et Mme C..., dans la catégorie des traitements et salaires, la somme totale de 92 476 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement du 15 octobre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été soumis au titre de l'année 2007. Il s'ensuit que les conclusions de la requête de M. et Mme C... tendant à la décharge des impositions restant en litige doivent être rejetées, y compris les conclusions présentées au titre de l'article de L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de M. et Mme C... tendant à la décharge des impositions restant en litige et leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

5

N°19DA00030


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00030
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.

Procédure - Voies de recours - Appel - Moyens recevables en appel - Ne présentent pas ce caractère - Cause juridique distincte.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL OBADIA et ASSOCIE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-17;19da00030 ?
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