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30/07/2020 | FRANCE | N°19DA00297

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 30 juillet 2020, 19DA00297


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E..., a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir pour la décision du 8 février 2016 par laquelle le président de la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais a prononcé sa révocation immédiate, sans préavis ni indemnités.

Par un jugement n°1602751 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et a enjoint au président de de la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais de réintégrer Mme E... à compte de la date d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E..., a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir pour la décision du 8 février 2016 par laquelle le président de la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais a prononcé sa révocation immédiate, sans préavis ni indemnités.

Par un jugement n°1602751 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et a enjoint au président de de la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais de réintégrer Mme E... à compte de la date de sa révocation et de procéder à la reconstitution de sa carrière, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 février 2019, 4 juin 2020 et 1er juillet 2020, la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais, représentée par Me B... H... et Me C... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- le statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, homologué par arrêté du secrétaire d'État à l'agriculture en date du 20 mars 1972 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me C... A..., représentant la chambre d'agriculture du Nord-Pas-De-Calais, et Me D... F..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... a été recrutée par contrat à durée indéterminée à compter du 1er mai 2013, en tant qu'assistante en ressources humaines à l'antenne de Lille de la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de Calais, après y avoir d'abord exercé en tant qu'intérimaire à compter de novembre 2011 puis dans le cadre de deux contrats à durée déterminée successifs. Par une décision du 8 février 2016, le président de la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais a procédé à la révocation immédiate de Mme E... sans préavis ni indemnités. La chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais relève appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 24 du statut du personnel administratif des chambres d'agriculture : " Les mesures disciplinaires applicables aux agents titulaires peuvent être : a/ l'avertissement par écrit, b/ le blâme avec inscription au dossier, c/ la révocation. Ces sanctions sont prononcées par le Président de l'organisme employeur. (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'une altercation s'est produite le 15 décembre 2015, au niveau de l'entrée du bâtiment de la chambre d'agriculture, à Arras, entre Mme E... et une de ses collègues. Mme E... a tenu des propos grossiers, véhéments et menaçants à l'égard de sa collègue. En revanche, contrairement à ce que soutient la chambre d'agriculture, il n'est pas établi que Mme E... aurait bousculé physiquement sa collègue, au point que cette dernière serait tombée sur le dos sur un transpalette, comme elle l'indique dans un courrier. Cette allégation, contenue uniquement dans le courrier de cette collègue victime de l'incident, aussi circonstanciée soit-elle, n'est corroborée par aucune autre pièce du dossier, et notamment pas par le témoignage d'un tiers. Les attestations rédigées par les quelques agents qui se sont rendus sur les lieux, ou qui se trouvaient à proximité, ne font mention que de l'existence de cris. Si la chambre d'agriculture produit en cause d'appel la copie de trois arrêts de travail prescrits à cet agent, une lettre de la mutualité sociale agricole admettant la qualification d'accident de travail pour ces arrêts et le dépôt d'une main courante le jour même de l'altercation, la teneur de ces pièces ne permet toujours pas d'établir que la collègue de Mme E... aurait été victime de violences physiques et notamment la nature des séquelles. Le 17 décembre 2015, une autre altercation s'est produite dans le bureau de Mme E..., une collègue étant venue la voir pour demander des explications à propos de l'incident survenu deux jours plus tôt. Des propos virulents ont encore été échangés et Mme E..., vraisemblablement hors d'elle, a jeté le combiné de son téléphone en direction de sa collègue, sans l'atteindre. Les faits ainsi décrits constituent une faute de nature à justifier une sanction.

5. Il ressort aussi des pièces du dossier que Mme E..., qui n'a aucun antécédent disciplinaire, a toujours fait l'objet de très bonnes appréciations de la part de sa hiérarchie lors de ses évaluations. Si la chambre d'agriculture conteste la circonstance, invoquée par Mme E..., que des tensions existaient entre les agents, il ressort des pièces du dossier que ces deux altercations, très rapprochées dans le temps et véritablement inédites au regard du comportement habituel de Mme E..., s'inscrivent dans le contexte récent de déménagement de l'antenne lilloise de la chambre d'agriculture à Arras, le 7 décembre 2015. Dans ces conditions, si le comportement fautif de l'intéressée était de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire, la sanction de la révocation, qui est la mesure disciplinaire la plus sévère parmi les trois sanctions prévues à l'article 24 du statut du personnel des chambres d'agriculture, présente, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Lille, un caractère disproportionné.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la chambre d'agriculture Nord-Pas-de-Calais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision de révocation de Mme E... et a enjoint à son président de la réintégrer à compter de la date de son éviction et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame la chambre d'agriculture du Nord-Pas-Calais au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la chambre d'agriculture Nord-Pas-de Calais est rejetée.

Article 2 : La chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais versera à Mme E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais et à Mme G... E....

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N°19DA00297

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00297
Date de la décision : 30/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-30;19da00297 ?
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