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16/06/2020 | FRANCE | N°18DA01900

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 16 juin 2020, 18DA01900


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Iliac a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 136 269 euros en réparation du préjudice dont elle est victime à la suite de l'acquisition auprès de l'Etat des terrains situés 11, rue des usines et 6, rue de Gournay à Creil, pollués par des hydrocarbures.

Par un jugement n° 1603771 du 29 juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17

septembre 2018, et des mémoires, enregistrés le 25 octobre 2019 et les 20 et 26 mai 2020, les de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Iliac a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 136 269 euros en réparation du préjudice dont elle est victime à la suite de l'acquisition auprès de l'Etat des terrains situés 11, rue des usines et 6, rue de Gournay à Creil, pollués par des hydrocarbures.

Par un jugement n° 1603771 du 29 juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2018, et des mémoires, enregistrés le 25 octobre 2019 et les 20 et 26 mai 2020, les deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, la société Iliac, représentée par Me D... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 136 269 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique,

- le code général de la propriété des personnes publiques,

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me C... B..., représentant la société Iliac.

Une note en délibéré présentée par la société Iliac a été enregistrée le 4 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La Sarl Iliac a acquis, le 18 décembre 1986, par adjudication après sa désaffectation et son déclassement, un ensemble immobilier à Creil, constitué d'un ancien lycée, cadastré sous la référence AD n° 193, se situant dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté de Gournay-les-Usines à Creil. La société a divisé le bien en plusieurs lots qu'elle a donné à bail à des entreprises. Par ordonnance du juge de l'expropriation du 15 décembre 2011, la propriété des immeubles nécessaires à la zone d'aménagement concerté de Gournay-les-Usines, dont la parcelle en cause, a été transférée à la société d'économie mixte Sequano Aménagement, chargée de l'aménagement de la zone. Toutefois, par une décision du 30 janvier 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Senlis a ordonné une expertise à des fins de recherche et d'évaluation des pollutions de diverses parcelles dont celle de la société Iliac. Au vu du rapport remis par l'expert le 7 février 2014, la Sarl Iliac, considérant que les opérations de dépollution de son terrain lui occasionnaient un préjudice, en a demandé réparation à l'Etat. Elle relève appel du jugement du 29 juin 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 136 269 euros en réparation du préjudice subi.

2. Il résulte de l'instruction que la parcelle de la Sarl Iliac a été déclarée cessible par arrêté préfectoral du 12 décembre 2011. À la suite de l'annulation de cet arrêté par le tribunal administratif d'Amiens, la société Iliac a demandé au juge de l'expropriation l'annulation de l'ordonnance d'expropriation du 15 décembre 2011, ainsi que la restitution du bien dont la propriété avait été transférée à Sequano Aménagement, au motif que cette ordonnance était dépourvue de base légale. Par un jugement du 18 juillet 2014, le juge de l'expropriation a sursis à statuer sur cette demande, dans l'attente de la décision de la cour administrative d'appel de Douai qui a confirmé, par un arrêt du 15 octobre 2015, la décision d'annulation de l'arrêté de cessibilité prise par les premiers juges. Cet arrêt est devenu définitif. Par un acte de vente du 29 mai 2017, Sequano aménagement a cédé la parcelle à la communauté d'agglomération Creil Sud Oise. La concession d'aménagement de la zone d'aménagement concerté de Gournay-les-Usines accordée à Sequano Aménagement ayant expiré au 30 juin 2017, la communauté d'agglomération de Creil Sud Oise a alors repris en régie cette activité. Par un protocole transactionnel du 28 mai 2019 signé par la communauté d'agglomération de Creil Sud Oise et la société Iliac, cette dernière a été indemnisée de la dépossession de l'ensemble immobilier et des préjudices résultant de l'irrégularité de la procédure d'expropriation. La société Iliac s'est alors désistée de son action à l'encontre de l'ordonnance d'expropriation et en restitution de la parcelle, par des conclusions déposées le 12 juillet 2019 auprès du juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Beauvais. Par un jugement du 19 septembre 2019, le juge de l'expropriation, rendant son jugement contradictoire à l'égard de la société Iliac, de la communauté d'agglomération et de Sequano Aménagement, a donné acte du protocole transactionnel fixant notamment le montant de l'indemnité de dépossession de l'ensemble immobilier exproprié.

3. Le préjudice dont la société Iliac estime être victime correspond au coût de la dépollution du terrain par les hydrocarbures et de la mise en place d'un dispositif pour éviter la propagation des hydrocarbures dissous vers l'extérieur du site, évalué à 408 720 euros, au manque à gagner pendant une durée des opérations de dépollution de 14 mois, estimé à 688 275 euros, et enfin au coût du traitement des remblais pollués par des métaux lourds lors de la construction du lycée et au manque à gagner pendant la durée de ce traitement, évalué à 39 274 euros.

4. Il résulte de l'instruction qu'aucune indemnité n'a été versée par Sequano Aménagement à la suite de l'ordonnance d'expropriation du 11 décembre 2011. Par suite, Sequano Aménagement n'a pas pris possession de ce bien et la société Iliac a donc pu percevoir les produits résultant de l'occupation de son terrain par des tiers, depuis l'édiction de cette ordonnance d'expropriation jusqu'à la date de sa cession. Si elle n'a conclu aucun nouveau bail depuis cette ordonnance, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait été mise dans l'impossibilité d'en conclure de nouveaux, notamment après l'expertise du 7 février 2014 attestant de la pollution de ce terrain. La réalité du préjudice financier lié à une absence ou à une réduction de recettes, d'ailleurs non chiffrée, résultant d'une moindre occupation du terrain pour cause de pollution, n'est dès lors pas établie.

5. Il résulte de l'instruction que durant la période pendant laquelle la société Iliac est restée propriétaire du terrain, elle n'a pas procédé à la dépollution du site, et notamment à compter du 7 février 2014, date de remise du rapport d'expertise, à laquelle elle en a eu connaissance. Il n'est pas établi que l'exploitation du bien immobilier ait été interrompue du fait de travaux de dépollution qui n'ont jamais été exécutés par la société appelante. Cette dernière n'établit donc pas avoir un subi un préjudice résultant d'une opération de dépollution des terrains, et notamment des remblais anthropiques, et de la mise en place d'un dispositif pour éviter la propagation des hydrocarbures dissous vers l'extérieur du site.

6. La société Iliac soutient également qu'elle a subi un préjudice résultant de la moins-value de la valeur vénale du terrain, liée à la présence de pollutions, dès lors que l'Etat n'a pas satisfait à l'obligation de dépollution qui lui incombe. Il résulte de l'instruction que l'acte d'adjudication du 18 décembre 1986 par lequel la société Iliac a acquis ce bien immobilier mentionne le prix de 2 600 000 francs, soit 396 367,44 euros. La société appelante, professionnel de l'immobilier, a admis par ce même acte bien connaitre le bien et le prendre dans l'état trouvé à cette date, compte notamment tenu d'une pollution des sols et des bâtiments qu'elle ne pouvait par suite ignorer. Selon l'acte de vente du 29 mai 2017 passé entre Sequano Aménagement et la communauté d'agglomération de Creil-Sud-Oise, la valeur vénale du terrain a été évaluée à 1 722 000 euros par la direction départementale des finances publiques de l'Oise dans son estimation du 24 février 2017. Le protocole transactionnel du 28 mai 2019 prévoit qu'en contrepartie de la prise de possession de l'ensemble immobilier et des engagements pris par la société Iliac à son article 3, la communauté d'agglomération de Creil-Sud-Oise verse à la société appelante une indemnité de 2 millions d'euros, dont la décomposition entre la dépossession du terrain et la réparation de dommages divers n'est pas opposable à l'Etat. Si ce protocole évoque " le risque de pollution " de l'ensemble immobilier, il ne mentionne aucune moins-value attachée à ce risque. En l'absence d'un plan de gestion lié au projet d'aménagement envisagé, l'expertise rendue le 7 février 2014 fait valoir qu'il n'est pas possible d'apprécier l'incidence de la pollution sur la valeur du terrain. La société Iliac se prévaut toutefois d'un rapport d'un cabinet d'études immobilier réalisé en 2008 qui évaluait le bien à un montant de 10 874 620 euros et d'une seconde expertise de 2010 portant sur les lots 1 à 9 du bâtiment et les lots 356 à 358 du bâtiment M, estimés à une valeur vénale moyenne de 360 000 euros. Ces évaluations, anciennes, ont été réalisées à la demande de la société Iliac elle-même et, au surplus, en dehors de toute procédure contradictoire. La seconde expertise ne porte en outre que sur une partie des biens immobiliers et aucune extrapolation de cette estimation à la totalité des biens ne ressort de l'instruction. Ces montants ne sont pas corroborés par l'instruction, et notamment par l'estimation de la direction départementale des finances publiques précitée. Il résulte de ce qui précède qu'entre l'acquisition du terrain en 1986 pour un montant de 396 367,44 euros et la cession réalisée par le protocole transactionnel du 28 mai 2019 pour un montant de 2 millions d'euros, la société appelante n'établit pas avoir subi un préjudice lié à une moins-value de la valeur du terrain résultant d'une pollution du site antérieure à 1986.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Iliac n'établit pas la réalité du préjudice qu'elle prétend avoir subi. Par suite, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la qualification d'installation classée pour la protection de l'environnement du site avant 1986 ni sur la responsabilité de l'État en matière d'obligation de dépollution des biens ou de mise en oeuvre de ses pouvoirs de police du contrôle du fonctionnement du site pendant son exploitation et en vue de la dépollution du site après cette exploitation ou en matière de dommages de travaux publics, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 29 juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions de la société Iliac présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Société Iliac est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Iliac, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à la ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 18DA01900
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-007 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SELARL CLOIX et MENDES-GIL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-16;18da01900 ?
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