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26/05/2020 | FRANCE | N°18DA02457

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 26 mai 2020, 18DA02457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de condamner le centre hospitalier de Dieppe à lui verser une somme de 20 000 euros au titre du préjudice économique consécutif à son licenciement, de reconstituer sa carrière, notamment auprès des caisses de retraite et, d'autre part, de condamner cet établissement à lui verser la somme de 8 143,23 euros au titre des rappels de salaires et de 2 589,01 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement.<

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Par un jugement conjoint n° 1601968, 1602406 du 11 octobre 2018, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de condamner le centre hospitalier de Dieppe à lui verser une somme de 20 000 euros au titre du préjudice économique consécutif à son licenciement, de reconstituer sa carrière, notamment auprès des caisses de retraite et, d'autre part, de condamner cet établissement à lui verser la somme de 8 143,23 euros au titre des rappels de salaires et de 2 589,01 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement.

Par un jugement conjoint n° 1601968, 1602406 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Rouen a partiellement fait droit à sa demande et a condamné le centre hospitalier de Dieppe à verser à Mme D... la somme de 5 931,32 euros au titre des rappels de rémunérations et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 décembre 2018 et le 12 avril 2019, Mme D..., représentée par Me A... E..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions implicites de rejet des 8 avril et 6 juin 2016 du centre hospitalier de Dieppe ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Dieppe à lui verser une somme de 20 000 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de son licenciement ;

4°) de condamner cet établissement à reconstituer sa carrière en ce qui concerne ses cotisations retraite ;

5°) de condamner cet établissement à lui verser une somme de 2 305,04 euros au titre des rappels de salaires de l'année 2015 et la somme de 2 589,01 euros au titre du rappel de l'indemnité de licenciement ;

6°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge du centre hospitalier de Dieppe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a été recrutée en qualité d'assistante familiale pour assurer l'accueil familial thérapeutique permanent et continu, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 19 septembre 2001 par le centre hospitalier de Dieppe. Par une décision du 9 décembre 2015, le centre hospitalier a prononcé son licenciement au motif qu'aucun enfant n'avait pu lui être confié pendant quatre mois consécutifs. Mme D... relève appel du jugement du 11 octobre 2018 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'après avoir condamné le centre hospitalier de Dieppe à lui verser une somme de 5 931,32 euros bruts au titre des rappels de rémunération pour les années 2013 et 2014, il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le centre hospitalier de Dieppe :

2. En premier lieu, il est constant que les demandes présentées par Mme D... les 3 juin et 13 juillet 2016 devant le tribunal administratif de Rouen ne tendaient pas à la contestation d'une décision administrative individuelle mais à l'indemnisation de ses préjudices résultant de son licenciement qu'elle estime irrégulier. Ses demandes avaient ainsi le caractère d'un recours de plein contentieux. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Dieppe tenant à l'irrecevabilité des moyens de légalité interne présentés dans sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser une somme de 20 000 euros à la suite de son licenciement doit être écartée.

3. En second lieu, il y a lieu par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 3 à 5 du jugement d'écarter les autres fins de non-recevoir opposées par le centre hospitalier de Dieppe tirées de l'absence de demandes préalables d'indemnisation formulées par Mme D... de nature à lier le contentieux et de l'irrecevabilité des demandes présentées devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions implicites nées les 8 avril et 6 juin 2016 du centre hospitalier de Dieppe de rejet des demandes préalables de Mme D... :

4. Les décisions implicites nées les 8 avril et 6 juin 2016 par lesquelles le centre hospitalier de Dieppe a rejeté les demandes de Mme D... tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de son licenciement ont eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de ces demandes qui ont donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir les sommes qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de ces décisions des 8 avril et 6 juin 2016 doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires de Mme D... :

S'agissant de la responsabilité du centre hospitalier de Dieppe :

5. Aux termes de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles rendu applicable aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public en vertu de l'article L.422-1 dudit code : " L'employeur qui n'a pas d'enfant à confier à un assistant familial pendant une durée de quatre mois consécutifs est tenu de recommencer à verser la totalité du salaire à l'issue de cette période s'il ne procède pas au licenciement de l'assistant familial fondé sur cette absence d'enfants à lui confier ".

6. L'autorité administrative qui décide de licencier un assistant familial auquel elle n'a plus confié d'enfant depuis quatre mois consécutifs, doit justifier devant le juge des raisons d'intérêt général qui l'ont contrainte à ne plus confier d'enfant à la personne concernée.

7. Il résulte de l'instruction que la décision de licenciement de Mme D... est fondée sur le motif tiré de ce que le centre hospitalier de Dieppe n'avait plus d'enfant à confier à l'intéressée depuis le 1er avril 2015. Toutefois, le centre hospitalier ne produit aucun élément notamment quant au nombre d'enfants intégrés au dispositif d'accueil thérapeutique et des modalités de leur placement à la date du licenciement de Mme D..., qui serait de nature à justifier le bien-fondé du motif de ce licenciement. Il résulte, par ailleurs de l'instruction qu'un enfant a été placé le 2 novembre 2015 auprès d'un assistant familial dont la requérante affirme sans être contestée qu'il avait été recruté à cet effet. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la requérante, cette illégalité est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Dieppe.

Sur les conclusions indemnitaires de Mme D... :

8. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises.

9. Mme D... demande le versement d'une somme de 20 000 euros au titre du préjudice subi du fait de son licenciement. Compte tenu des conditions dans lesquelles l'intéressée a été licenciée, de son ancienneté, de ses revenus nets mensuels au titre des années 2013 à 2015, il sera fait une juste appréciation de son préjudice financier en lui allouant une somme de 5 000 euros à ce titre. Mme D... n'ayant pas demandé l'annulation de la décision du 9 décembre 2015 procédant à son licenciement, elle n'est en conséquence pas fondée à demander la reconstitution de sa carrière, notamment auprès des caisses de retraite.

Sur les conclusions relatives au rappel de salaires au titre de l'année 2015 :

10. Mme D... demande le versement au titre d'un rappel de salaire pour la période du 1er août 2015 au 31 décembre 2015 de la somme de 706,36 euros, d'une somme de 259,48 euros au titre de l'indemnité d'attente et d'une somme de 1 339,20 euros au titre de l'indemnité mensuelle de sujétion exceptionnelle pour la même période, soit une somme totale de 2 305,04 euros.

11. D'une part, il ressort des dispositions des articles L. 423-31 et D. 423.25 du code de l'action sociale et des familles, applicables au présent litige que, lorsque l'employeur n'a plus d'enfant à confier à un assistant familial, celui-ci ne bénéficie pas d'une rémunération, mais d'une indemnité d'attente, sous réserve de disposer d'une ancienneté de plus de trois ans. En l'espèce, il est constant que Mme D... dispose de cette ancienneté, ayant été recrutée en 2001. Conformément à l'article 10 de son contrat modifié par un avenant du 3 novembre 2008, cette indemnité d'attente est égale, à partir du 3ème jour d'absence de l'enfant, à 50 % du total du salaire de base plus une indemnité de sujétion exceptionnelle. Le taux horaire du SMIC était alors de 9,61 euros et ainsi, Mme D... aurait dû percevoir mensuellement au titre de l'indemnité d'attente la somme de 651,08 euros soit pour la période du 1er avril 2015 au 31 juillet 2015 une somme totale de 2 604,32 euros. Il ressort de l'examen des bulletins produits pour la période concernée que l'intéressée n'a perçu que la somme de 2 344,84 euros, soit une différence de 259,48 euros.

12. D'autre part, en ce qui concerne, le rappel des salaires demandé, pour la période du 1er août 2015 au 31 décembre 2015, l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles précise qu'au-delà de quatre mois consécutifs, si aucun enfant n'est confié à l'assistant familial, l'employeur est tenu soit de le licencier, soit de lui verser à nouveau la totalité de son salaire. Il résulte de ces dispositions que Mme D... aurait dû percevoir à compter du 1er août 2015 jusqu'au 31 décembre 2015 son salaire en totalité. Mme D... fait valoir que celui-ci s'élevant à la somme de 1 302,16 euros, elle aurait dû percevoir la somme de 6 510,80 euros alors qu'elle n'a perçu que la somme de 5 804,44 euros. Cependant, l'examen des bulletins de paie produits relatifs à la période concernée fait apparaître qu'à compter du 1er août 2015, le salaire de base de Mme D... s'élevait à la somme de 1 153,20 euros Le montant des salaires concernés sur une période de cinq mois s'élève ainsi à la somme de 5 766 euros. Au vu de ces bulletins de paie, Mme D... a perçu effectivement la somme de 5 208,62 euros au lieu de 5 766 euros, soit une différence de 557,38 euros.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 12, que le total des rémunérations qui auraient dû être versées à la requérante entre le 1er avril et le 31 décembre 2015 s'élève donc à la somme de 8 370,32 euros alors que sur la même période, la requérante n'a perçu qu'une somme de 7 553,46 euros. Elle est ainsi fondée à demander le versement d'une somme de 816,86 euros au titre des rappels de salaires pour la période concernée. En revanche, elle ne peut pas prétendre au versement de l'indemnité mensuelle de sujétion exceptionnelle qui, aux termes de l'article 10 de son contrat, constitue un élément de rémunération distinct du salaire de base, dès lors qu'elle n'a accueilli aucun enfant.

14. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit partiellement à la demande de rappel de rémunérations au titre de l'année 2015 de Mme D... et de porter la somme de 222,83 euros bruts allouée par les premiers juges à 816,86 euros, somme sur laquelle il reviendra au centre hospitalier de procéder au versement des cotisations salariales et patronales applicables, en vue de garantir la constitution pleine et entière des droits sociaux de la requérante.

Sur le solde de l'indemnité de licenciement :

15. Aux termes de l'article L. 423-12 du code de l'action sociale et des familles : " En cas de licenciement pour un motif autre qu'une faute grave, l'assistant maternel ou l'assistant familial relevant de la présente section justifiant d'une ancienneté d'au moins deux ans au service du même employeur a droit à une indemnité qui ne se confond pas avec l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 423-10. Le montant minimal de cette indemnité de licenciement est fixé par décret d'après la moyenne mensuelle des sommes perçues par l'intéressé au titre des six meilleurs mois consécutifs de salaire versés par l'employeur qui le licencie. Ce décret précise le montant minimal de cette indemnité de licenciement lorsque le licenciement est prononcé pour inaptitude professionnelle consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. ". L'article D. 423-4 du même code précise quant à lui que : " Le montant minimum de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 423-12 est égal, par année d'ancienneté, à deux dixièmes de la moyenne mensuelle des sommes perçues par l'intéressé au titre des six meilleurs mois consécutifs de salaire versés par l'employeur qui le licencie. ".

16. Mme D... réitère sa demande tendant à bénéficier du principe de faveur posé par l'article L. 2251-1 du code du travail qui dispose qu'une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Cette demande, qui n'est assortie d'aucune précision nouvelle en appel, a été à bon droit écartée par le tribunal administratif au point 23 du jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs.

17. L'intéressée fait valoir que les six meilleurs mois consécutifs de salaires sont ceux compris entre février et juillet 2010. Cependant, il résulte de l'examen des bulletins de paie produits pour la période considérée, que ceux-ci comportent des rappels de salaires pour la période de janvier à décembre 2007 et un rappel d'indemnité de sujétion exceptionnelle pour la période de janvier 2007 à juin 2008. Elle n'est ainsi pas fondée à inclure ces sommes qui concernent une période antérieure pour procéder au calcul de ces six meilleurs mois de salaires. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à demander la condamnation du centre hospitalier de Dieppe à lui verser la somme de 2 589,01 euros au titre de solde de l'indemnité de licenciement.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à demander à ce que la somme de 5 931,32 euros qui lui a été allouée par le tribunal administratif de Rouen, par le jugement attaqué, soit portée à la somme de 11 525,35 euros.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D... le versement au centre hospitalier de Dieppe d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier de Dieppe une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 5 931,32 euros mise à la charge du centre hospitalier de Dieppe, par l'article 1er du jugement attaqué, est portée à 11 525,35 euros.

Article 2 : Le centre hospitalier de Dieppe versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n° 1601968, 1602406 du 11 octobre 2018 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... et les conclusions présentées par le centre hospitalier de Dieppe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse D... et au centre hospitalier de Dieppe.

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 18DA02457
Date de la décision : 26/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : COBERT DELAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-05-26;18da02457 ?
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