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12/03/2020 | FRANCE | N°19DA00284

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 12 mars 2020, 19DA00284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 15 février 2016 du préfet du Nord portant demande de restitution de sa carte nationale d'identité française et de son passeport français.

Par un jugement n° 1602967 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2019, M. D..., représenté par Me C... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce

jugement ;

2°) d'annuler la décision du 15 février 2016 en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'E...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 15 février 2016 du préfet du Nord portant demande de restitution de sa carte nationale d'identité française et de son passeport français.

Par un jugement n° 1602967 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2019, M. D..., représenté par Me C... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 15 février 2016 en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 ;

- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-rapporteur,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... interjette appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant l'annulation de la décision du 15 février 2016 par laquelle le préfet du Nord lui a enjoint de restituer son passeport et sa carte d'identité française.

2. Aux termes de l'article 26-1 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Toute déclaration de nationalité doit, à peine de nullité, être enregistrée soit par le greffier en chef du tribunal d'instance, pour les déclarations souscrites en France, soit par le ministre de la justice, pour les déclarations souscrites à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article 26-4 du même code : " (...) Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites. / L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude ".

3. Aux termes de l'article 2 du décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité : " La carte nationale d'identité est délivrée sans condition d'âge par les préfets et sous-préfets à tout Français qui en fait la demande dans l'arrondissement dans lequel il est domicilié ou a sa résidence, ou, le cas échéant, dans lequel se trouve sa commune de rattachement. Elle est renouvelée dans les mêmes conditions ". Aux termes de l'article 4 du décret du 30 décembre 2005 relatif aux passeports, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Le passeport est délivré, sans condition d'âge, à tout Français qui en fait la demande. (...) ".

4. M. B... D... a acquis la nationalité française le 26 avril 2005, date à laquelle son père, M. A... D..., a souscrit une déclaration acquisitive de nationalité française à la suite de son mariage avec une ressortissante française. Cette déclaration acquisitive de nationalité française a été annulée par un jugement du tribunal de grande instance de Lille du 13 mars 2012, confirmée par la cour d'appel de Douai le 17 décembre 2012. Informé de cette décision, le préfet du Nord a demandé au père du requérant de se présenter en préfecture afin de restituer ses titres d'identité, ainsi que ceux de ses trois enfants, au nombre desquels figurent M. B... D... et ses deux soeurs alors mineures. A la suite de la restitution des passeports et des cartes nationales d'identité de M. A... D... et de ses deux filles, le préfet du Nord a, par un courrier du 12 novembre 2015, indiqué à M. B... D... qu'il ne pouvait plus se prévaloir de la nationalité française, mais l'a néanmoins invité à produire, dans un délai de deux mois, tout document attestant de ce qu'il aurait conservé cette nationalité. A la suite de la réponse de M. D... par un courrier du 8 janvier 2016, le préfet lui a enjoint, par la décision en litige, de se présenter en préfecture afin de restituer sa carte d'identité française et son passeport.

5. Cette décision fait notamment référence au courrier du 12 novembre 2015, dont M. D..., qui y a répondu, a nécessairement eu connaissance, et qui précise que, son père ayant perdu la nationalité française par l'effet du jugement du tribunal de grande instance de Lille et de l'arrêt de la cour d'appel de Douai, il lui appartenait de restituer ses titres d'identité française. Elle énonce ainsi avec une précision suffisante les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfait ainsi aux dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Elle n'avait notamment pas, contrairement à ce que soutient M. D..., à exposer les raisons pour lesquelles le préfet du Nord estimait qu'il ne présentait aucun autre droit à se voir attribuer la nationalité française.

6. M. D... soutient qu'en ne lui communiquant pas l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 17 décembre 2012, le préfet ne lui a pas permis d'exercer son droit à se défendre. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. D... résidait encore au domicile familial lorsque l'arrêt de la cour d'appel de Douai a été notifié à son père. Le préfet du Nord a, en outre, dans un courrier du 12 novembre 2015, informé M. D... de la situation de son père, des deux décisions judiciaires, et des conséquences qu'il en tirait sur sa propre nationalité, l'invitant à produire tout document lui permettant d'établir qu'il aurait conservé la nationalité française. La décision en litige est consécutive à la réponse, envoyée par M. D... le 8 janvier 2016. Ce dernier, qui ne fait, au demeurant, pas état d'éléments qu'il aurait été empêché de produire ou de faire valoir, n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière, et en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense.

7. M. D... soutient qu'étant majeur à la date à laquelle la cour d'appel de Douai a prononcé l'annulation de la déclaration acquisitive de nationalité de son père, cette annulation n'a pu avoir pour effet de le priver du bénéfice de l'effet collectif de la déclaration acquisitive de nationalité française. L'appréciation du bien-fondé de ce moyen dépend du point de savoir si lorsqu'une déclaration acquisitive de nationalité est annulée à la suite de la reconnaissance du caractère frauduleux dont le mariage à l'origine de cette déclaration est entaché, cette annulation produit un effet sur la nationalité de l'enfant qui, mineur au moment de la déclaration acquisitive de nationalité de son parent, était devenu majeur à la date à laquelle son annulation est devenue définitive, et si, dès lors, en l'espèce, M. B... D... a perdu la nationalité française par voie de conséquence de l'annulation de la déclaration de nationalité française de son père. Il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de trancher cette question.

8. L'article R. 771-2 du code de justice administrative dispose que " lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".

9. Eu égard au caractère sérieux de la contestation soulevée, il y a lieu pour la cour de surseoir à statuer sur la requête de M. D... tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2016 du préfet du Nord portant demande de restitution de sa carte nationale d'identité française et de son passeport français jusqu'à ce que la juridiction judiciaire compétente se soit prononcée sur cette question préjudicielle.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. D... dirigée contre la décision du 15 février 2016 du préfet du Nord portant demande de restitution de sa carte nationale d'identité française et de son passeport français jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Lille se soit prononcé sur la question de savoir si lorsqu'une déclaration acquisitive de nationalité est annulée à la suite de la reconnaissance du caractère frauduleux dont le mariage à l'origine de cette déclaration est entaché, cette annulation produit un effet sur la nationalité de l'enfant qui, mineur au moment de la déclaration acquisitive de nationalité de son parent, était devenu majeur à la date à laquelle son annulation est devenue définitive, et si, dès lors, en l'espèce, M. B... D... a perdu la nationalité française par voie de conséquence de l'annulation de la déclaration de nationalité française de son père.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au ministre de l'intérieur et au président du tribunal judiciaire de Lille.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

2

N°19DA00284


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-01 Droits civils et individuels. État des personnes. Nationalité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 12/03/2020
Date de l'import : 18/04/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19DA00284
Numéro NOR : CETATEXT000041722556 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-03-12;19da00284 ?
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