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12/03/2020 | FRANCE | N°18DA00521

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 12 mars 2020, 18DA00521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Quierzy-sur-Oise a rejeté sa demande du 12 septembre 2014 de procéder aux travaux nécessaires afin de faire cesser les désordres causés à sa propriété à la suite de l'aménagement de la rue Sueur et d'enjoindre à la commune d'adopter toutes mesures nécessaires afin de faire cesser lesdits désordres dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir sous astrei

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Quierzy-sur-Oise a rejeté sa demande du 12 septembre 2014 de procéder aux travaux nécessaires afin de faire cesser les désordres causés à sa propriété à la suite de l'aménagement de la rue Sueur et d'enjoindre à la commune d'adopter toutes mesures nécessaires afin de faire cesser lesdits désordres dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, de condamner la commune à lui verser une somme de 4 000 euros en indemnisation des préjudices causés par ces désordres.

Par un jugement n° 1502052 et 1502054 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la commune de Quierzy-sur-Oise à verser à M. B... une somme de 2 000 euros en indemnisation des préjudices subis, a annulé la décision implicite de rejet née à la suite de la demande du 12 septembre 2014, a enjoint à la commune de prendre toutes mesures utiles pour mettre fin aux désordres résultant d'inondations affectant sa propriété dans un délai de douze mois à compter de la notification du jugement, et a condamné solidairement les sociétés Ingessia et Terre et paysage à garantir la commune de la condamnation prononcée à son encontre.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2018, la commune de Quierzy-sur-Oise, représentée par Me E... F..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer la condamnation solidaire des sociétés Ingessia et Terre et paysage à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) de condamner ces sociétés à réaliser à leurs frais les travaux préconisés par l'expertise dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à venir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner ces sociétés à lui verser une somme de 4 531,20 euros en remboursement des frais qu'elle serait amenée à exposer pour la réalisation de travaux de réfection ;

5°) de mettre à la charge de M. B... et de ces sociétés une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à la charge de M. B... les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me E... F..., représentant la commune de Quierzy-sur-Oise, et de Me A... D..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de travaux d'aménagement de la voirie, réalisés des mois de janvier à mars 2008, consistant en un élargissement de la chaussée, sous maîtrise d'ouvrage départementale, et en l'aménagement de ses abords, sous maîtrise d'ouvrage communale, M. B..., propriétaire d'une maison d'habitation située au 9 rue Sueur sur la commune de Quierzy-sur-Oise, a constaté des débordements d'eau de pluie sur sa propriété. Les travaux de reprise, réalisés à la suite d'un accord amiable entre l'intéressé et la commune aux mois de novembre 2009 et juin 2010, se sont révélés insuffisants. Saisi par M. B..., le tribunal administratif d'Amiens a diligenté une expertise dont le rapport a été remis le 29 juillet 2011. La commune de Quierzy-sur-Oise interjette appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 2 000 euros en indemnisation des préjudices subis, a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune sur la demande du 12 septembre 2014 tendant à ce que les travaux de réfection nécessaires soient réalisés, a enjoint à la commune de prendre toutes mesures utiles pour mettre fin aux désordres résultant d'inondations affectant sa propriété dans un délai de douze mois à compter de la notification du jugement, et a condamné solidairement les sociétés Ingessia et Terre et paysage à garantir la commune de la condamnation prononcée à son encontre. Ces sociétés concluent à l'annulation du jugement attaqué et, à titre subsidiaire, à son annulation en tant qu'il les a condamnées solidairement à garantir la commune de Quierzy-sur-Oise de la condamnation prononcée à son encontre. La société Terre et paysage demande en outre, à titre infiniment subsidiaire, à ce que la société Ingessia la garantisse des condamnations prononcées à son encontre.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de certaines des conclusions de la commune de Quierzy-sur-Oise et des sociétés Ingessia et Terre et paysage :

Sur la responsabilité de la commune de Quierzy-sur-Oise :

2. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 4 et 5 du jugement attaqué, de rejeter l'exception de prescription de la créance détenue par M. B... à son encontre soulevée par la commune de Quierzy-sur-Oise, qui n'apporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau.

3. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise en date du 29 juillet 2011, que les débordements d'eau sur la propriété de M. B... en cas de fortes pluies ont pour origine les malfaçons affectant les travaux d'aménagement des abords de la rue Sueur réalisés des mois de janvier à mars 2008. L'expert, aux termes de conclusions sur ce point non sérieusement contestées par les parties, qualifie ainsi les travaux réalisés de " bricolage non conforme aux règles de l'art " à l'origine des débordements en cause, notamment " en cas de forte pluie ". Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent la commune de Quierzy-sur-Oise et les sociétés Ingessia et Terre et paysage, l'expert a suffisamment caractérisé la présence d'eau débordant sur la propriété de M. B... et le trouble ainsi occasionné, en relevant notamment que " la propriété des consorts B... est concernée par des eaux pluviales qui ont pénétré à plusieurs reprises dans le garage et dans la cour lors de pluies orageuses ". M. B... produit enfin des photographies prises à la suite d'un violent orage le 12 mai 2018 établissant la réalité des débordements d'eau de pluie, le dispositif installé à la suite des travaux de voirie étant insuffisant à canaliser cette eau en cas de forte averse. M. B... établit ainsi tant la réalité du préjudice subi, qui, contrairement à ce que soutiennent la commune et les sociétés, n'a pas à présenter un caractère spécial et anormal s'agissant d'un dommage présentant un caractère accidentel, que le lien de causalité existant entre les travaux d'aménagement des abords de la rue Sueur et les débordements constatés.

5. Les premiers juges ont procédé à une juste évaluation du préjudice subi par M. B... en condamnant la commune de Quierzy-sur-Oise à lui verser une indemnisation de 2 000 euros.

6. La commune n'apportant aucun élément de nature à établir que le dommage subi résulterait d'une faute de la victime ou d'un cas de force majeure, c'est également à bon droit que les premiers juges ont retenu sa responsabilité pleine et entière à l'égard de M. B.... Il résulte par ailleurs de l'instruction, d'une part, que les entreprises Ingessia et Terre et paysage n'apportent aucun élément de nature à établir la réalité de l'allégation selon laquelle le dommage en cause préexistait aux travaux d'aménagement litigieux, allégation qui ne résulte ni du rapport d'expertise, ni des déclarations non contestées de M. B... selon lesquelles il n'avait préalablement aux travaux en cause subi aucun dommage similaire, et, d'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 4, que ce dommage résulte des erreurs de conception affectant les travaux d'aménagement des abords de la rue Sueur dont la réalisation avait été confiée par la commune à ces sociétés. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la commune de Quierzy-sur-Oise a conclu un marché de maîtrise d'oeuvre unique avec le groupement formé par les sociétés Ingessia, anciennement Thierache ingénierie, et Terre et paysage, cette dernière société n'étant par suite, et en tout état de cause, pas fondée, par des conclusions nouvelles en appel et par suite irrecevables, à demander à ce que la société Ingessia la garantisse des condamnations prononcées à son encontre. C'est par suite à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a condamné ces sociétés à garantir la commune de Quierzy-sur-Oise de la condamnation prononcée à son encontre.

Sur les conclusions en injonction de réaliser les travaux :

7. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.

8. Pour la mise en oeuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies au point précédent, alors même que le requérant demanderait l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction à prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.

9. En l'espèce, il y a d'abord lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 15 et 16 du jugement attaqué, de rejeter l'exception de tardiveté de la requête de M. B... dirigée contre la décision implicite ayant lié le contentieux par laquelle la commune de Quierzy-sur-Oise, qui n'apporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau, a rejeté leur demande tendant à ce qu'elle réalise les travaux de nature à mettre un terme aux désordres affectant sa propriété.

10. Il résulte ensuite de ce qui précède que la réalité des malfaçons affectant les travaux d'aménagement des abords de la rue Sueur réalisés des mois de janvier à mars 2008 sous la maîtrise d'ouvrage de la commune de Quierzy-sur-Oise étant établie et les dommages provoqués par ces malfaçons perdurant à la date du présent arrêt, la commune de Quierzy-sur-Oise commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin, une faute. C'est par suite à bon droit que les premiers juges lui ont enjoint, en sa qualité de maître d'ouvrage, de prendre toutes mesures de nature à mettre un terme aux dommages subis par M. B.... La commune de Quierzy-sur-Oise n'est en outre pas fondée à demander que la réalisation de ces travaux soit mise à la charge des sociétés Ingessia et Terre et paysage. Il lui appartient en revanche, si elle s'y croit fondée, d'exercer toute voie de droit qu'elle estime pertinente à l'encontre des sociétés Ingessia et Terre et paysage, maîtres d'oeuvre des travaux réalisés des mois de janvier à mars 2008. Les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à ces sociétés de réaliser les travaux en cause ne peuvent, par suite, qu'être rejetées, ensemble les conclusions tendant, à titre subsidiaire, à ce que ces sociétés soient condamnées à l'indemniser des frais qu'elle serait amenée à exposer pour la réalisation de travaux de réfection que l'expert a évalué à la somme de 4 531,20 euros.

11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Quierzy-sur-Oise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens lui a enjoint de procéder à la réalisation de travaux de nature à mettre fin aux désordres subis dans un délai de douze mois et l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 2 000 euros en indemnisation du préjudice subi. Les sociétés Ingessia et Terre et paysage ne sont pas plus fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal les a condamnées à garantir la commune de Quierzy-sur-Oise de la somme ainsi mise à sa charge.

Sur les dépens :

12. Il y a lieu de mettre les frais d'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du président du tribunal administratif d'Amiens du 2 septembre 2011 à la somme de huit mille cinq cent quatre-vingt-seize euros et vingt centimes (8 596,20 euros) à la charge définitive de la commune de Quierzy-sur-Oise.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Terre et paysage demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Quierzy-sur-Oise une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Quierzy-sur-Oise et de la société Ingessia présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Quierzy-sur-Oise et les conclusions des sociétés Ingessia et Terre et paysage sont rejetées.

Article 2 : La commune de Quierzy-sur-Oise versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Quierzy-sur-Oise et les sociétés Ingessia et Terre et paysage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive de la commune de Quierzy-sur-Oise.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Quierzy-sur-Oise, à M. C... B..., à la société Ingessia et à la société Terre et paysage.

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N°18DA00521


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00521
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP ROBIQUET DELEVACQUE VERAGUE YAHIAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-03-12;18da00521 ?
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