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28/01/2020 | FRANCE | N°19DA00146

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 28 janvier 2020, 19DA00146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1803314 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 6 juin 2018 de la préfète de la Seine-Maritime, a enjoint à la préfète de réexaminer la situation

de M. F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1803314 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 6 juin 2018 de la préfète de la Seine-Maritime, a enjoint à la préfète de réexaminer la situation de M. F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 18 janvier et 16 avril 2019, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... D..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La préfète de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 14 décembre 2018 par lequel, à la demande de M. F..., ressortissant de la République Démocratique du Congo né le 25 décembre 1996, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 6 juin 2018 refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. F... est entré en France au mois de novembre 2013, alors qu'il était âgé de près de dix-sept ans. Pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance en tant que mineur d'abord puis, à sa majorité, dans le cadre d'un contrat Jeune C..., il a effectué dans le cours du premier semestre 2015 plusieurs stages de découverte dans diverses entreprises artisanales et a obtenu un diplôme d'études en langue française de niveau A1 en juin 2015. Durant la procédure d'instruction de la demande d'asile qu'il avait déposée en mars 2015 et dont le rejet a été confirmé par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 3 octobre 2017, il a bénéficié d'autorisations de travail qui lui ont permis de conclure un contrat de travail à durée déterminée à mi-temps avec l'association Club Municipal Sportif d'Oissel du 13 décembre 2016 au 30 juin 2017 pour exercer des fonctions d'animateur sportif. Cependant, si à compter du 1er août 2017, M. F... a également conclu un contrat d'un an avec ce club de football pour y jouer en tant que joueur bénévole de son équipe évoluant en National 3, l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, était, à la date de la décision attaquée, présent en France depuis moins de quatre ans. En outre, il n'établit pas être dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine où réside son oncle. Dans ces conditions, son intégration essentiellement sportive, les attestations de connaissances versées au dossier et les éléments précités sont insuffisants à établir qu'en prenant l'arrêté en litige, la préfète aurait porté au droit de M. F... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus de lui délivrer un titre de séjour. La préfète de Seine-Maritime est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté en litige au motif qu'il aurait été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F..., tant en première instance qu'en appel.

En ce qui concerne la légalité externe des décisions en litige :

5. La motivation des décisions en litige n'a pas à reprendre tous les éléments présentés par le demandeur mais seulement ceux qui fondent ces décisions. En l'espèce, alors que l'arrêté en litige cite les textes dont il fait application et mentionne des circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. F..., la circonstance que l'acte ne fasse pas allusion aux diverses attestations de connaissances versées par le demandeur n'établit une insuffisance de motivation ni du refus de titre de séjour, ni de l'obligation de quitter le territoire. S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi, l'arrêté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 3. Alors que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... aurait fait état, devant la préfète de la Seine-Maritime, d'éléments quant à ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine justifiant une motivation spécifique de l'arrêté litigieux sur le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit également être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne des décisions en litige :

6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ". Il ne ressort pas de la situation de M. F... telle que décrite au point 3 du présent arrêt que le refus de séjour en litige méconnaîtrait les dispositions précitées, ou serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". Les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français violerait les stipulations précitées ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3. Par ailleurs, l'illégalité du refus de titre de séjour n'étant pas établie par M. F..., le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

8. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée. Cependant, les affirmations de M. F... sur les risques actuels et personnels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine ne sont étayées par aucun autre élément versé au dossier. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision fixant la République Démocratique du Congo comme pays de renvoi de l'intéressé serait contraire à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions contenues dans l'arrêté en date du 6 juin 2018 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. F.... Il s'ensuit que le jugement doit être annulé et que les conclusions de la demande de l'intéressé, accessoires comme principales, doivent être rejetées, ainsi que les conclusions présentées en appel par M. F... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803314 du tribunal administratif de Rouen du 14 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée, ainsi que ses conclusions d'appel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. G... et à Me A... E....

Copie sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

2

N°19DA00146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00146
Date de la décision : 28/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Hélène Busidan
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-01-28;19da00146 ?
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