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08/10/2019 | FRANCE | N°19DA00019

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 08 octobre 2019, 19DA00019


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions, contenues dans l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 9 novembre 2018 l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, et d'enjoindre au préfet, sous astreinte, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1810270 du 19 nov

embre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions, contenues dans l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 9 novembre 2018 l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, et d'enjoindre au préfet, sous astreinte, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 1810270 du 19 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2019, le préfet du Pas-de-Calais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la décision portant une interdiction de retour sur le territoire français ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance présentées par M. D....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... E..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de son interpellation par les services de police le 9 novembre 2018, M. D..., ressortissant albanais né le 15 juillet 1998, a fait l'objet le même jour d'un arrêté du préfet du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le préfet du Pas-de-Calais interjette appel du jugement du 19 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en litige en tant qu'il prononce une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Sur le moyen retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille :

2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de la décision attaquée : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré irrégulièrement sur le territoire français, le jour même de son interpellation, selon ses déclarations lors de son audition par les services de police le 9 novembre 2018. Il ne se prévaut d'aucune attache privée et familiale en France et indique que son objectif était de gagner le Royaume-Uni. Par ailleurs, si l'intéressé soutient dans ses écritures de première instance, que l'interdiction de retour en litige constitue une expulsion de l'ensemble de l'espace Schengen pour une durée d'un an, compte tenu de son inscription automatique dans le système d'information Schengen alors qu'il bénéficie d'un droit au séjour en Italie, cette allégation, à la supposer même établie, relève d'une conséquence de l'interdiction de retour en litige mais n'emporte aucune incidence quant à la légalité de l'interdiction de retour, qui doit être évaluée au regard des critères fixés par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point 2 et c'est à tort que le magistrat désigné s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision en litige.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le premier juge.

Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. D... à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

5. La décision attaquée a été signée par M. B... A..., chef de bureau de l'éloignement à la préfecture du Pas-de-Calais, qui a reçu délégation à cet effet par arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 18 décembre 2017, régulièrement publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte ne peut donc qu'être écarté.

6. Il résulte des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français, une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultats des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

7. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

8. La décision attaquée cite les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait état de la durée et des conditions de séjour de M. D..., de l'absence de liens privés et familiaux sur le territoire français. Cette décision indique également qu'elle n'est pas motivée par une menace pour l'ordre public que constituerait la présence de l'intimé. Par suite, la décision en litige, qui comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et répond aux exigences rappelées aux points aux points 6 et 7, est suffisamment motivée.

9. Si M. D... soutient qu'il n'aurait pas reçu l'information prévue quant au signalement aux fins de non-admission dans l'espace Shengen, cette circonstance est sans influence sur l'interdiction de retour sur le territoire français. Au surplus, il ressort de l'article 2 de l'arrêté attaqué que M. D... a été informé de ce qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Par ailleurs, l'article 4 du même arrêté communique à l'intéressé diverses informations relatives à l'identité du responsable du traitement, les finalités de celui-ci et les conditions dans lesquelles il peut exercer un droit d'accès et de rectification aux données qui le concernent.

10. Par l'article 2 du jugement du 19 novembre 2018, devenu définitif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. D.... Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 novembre 2018 en tant qu'il prononce à l'encontre de M. D... une interdiction de retour avant l'expiration du délai d'un an sur le territoire français.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1810270 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 19 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour d'une durée d'un an présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

N°19DA00019 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Christine Courault
Rapporteur public ?: Mme Leguin

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 08/10/2019
Date de l'import : 15/10/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19DA00019
Numéro NOR : CETATEXT000039203803 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-08;19da00019 ?
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