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08/10/2019 | FRANCE | N°18DA00737

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 08 octobre 2019, 18DA00737


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les " décisions " des 30 janvier, 16 février et 29 mars 2017 lui refusant la possibilité de recevoir ses huit enfants à l'unité de vie familiale du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil.

Par un jugement n° 1706475 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 avril 2018, M. D..., représenté par Me C... A..., demande

la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les " décisions " des 30 janvier, 16 fév...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les " décisions " des 30 janvier, 16 février et 29 mars 2017 lui refusant la possibilité de recevoir ses huit enfants à l'unité de vie familiale du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil.

Par un jugement n° 1706475 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 avril 2018, M. D..., représenté par Me C... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les " décisions " des 30 janvier, 16 février et 29 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre à l'administration pénitentiaire de l'autoriser à recevoir, à l'unité de vie familiale, ses huit enfants simultanément, sous astreinte de 200 euros par mois de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans les espaces dédiés au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., incarcéré depuis le 27 janvier 2004, interjette appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des " décisions " des 30 janvier, 16 février et 29 mars 2017 refusant la présence simultanée de ses huit enfants au sein de l'unité de vie familiale du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé des conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne (...) ".

3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les parties, contrairement à ce que soutient le requérant, ont été mises en mesure de savoir, par l'intermédiaire du système informatique de suivi de l'instruction, que le rapporteur public conclurait au " rejet au fond " de la requête introduite par M. D... devant le tribunal administratif de Lille. Eu égard aux caractéristiques du litige, cette mention indiquait de manière suffisamment précise le sens de la solution que le rapporteur public envisageait de proposer à la formation de jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

5. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est revêtue de la signature du président, du rapporteur et du greffier d'audience. La circonstance que l'expédition notifiée au requérant ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en raison du défaut de signature de la minute du jugement doit, par suite, être écarté.

6. Le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'erreur de droit relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

7. Aux termes de l'article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : " Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortir des établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d'autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine. L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. L'autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer. Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l'autorité judiciaire. Les décisions de refus de délivrer un permis de visite sont motivées. ". L'article 36 de la même loi dispose que : " Les unités de vie familiale ou les parloirs familiaux implantés au sein des établissements pénitentiaires peuvent accueillir toute personne détenue. Toute personne détenue peut bénéficier à sa demande d'au moins une visite trimestrielle dans une unité de vie familiale ou un parloir familial, dont la durée est fixée en tenant compte de l'éloignement du visiteur (...) ". L'article R. 57-8-14 du code de procédure pénale dispose que : " Les unités de vie familiale sont des locaux spécialement conçus afin de permettre aux personnes détenues de recevoir, sans surveillance continue et directe, des visites des membres majeurs de leur famille ou de proches majeurs accompagnés, le cas échéant, d'un ou de plusieurs enfants mineurs, pendant une durée comprise entre six heures et soixante-douze heures. La durée de la visite en unité de vie familiale est fixée dans le permis ".

8. Les décisions par lesquelles un chef d'établissement pénitentiaire fixe les modalités essentielles de l'organisation des visites aux détenus, et notamment le nombre de visiteurs admis simultanément à rencontrer le détenu au parloir ou en unité de vie familiale, ou refuse à un détenu une dérogation au nombre maximum de visiteurs, sont indissociables de l'exercice effectif du droit de visite. Par leur nature, ces décisions, prises pour l'application des dispositions citées au point 7, affectent directement le maintien des liens des détenus avec leur environnement extérieur. Compte tenu de leurs effets possibles sur la situation des détenus, et notamment sur leur vie privée et familiale, qui revêt le caractère d'un droit fondamental, elles sont insusceptibles d'être regardées comme des mesures d'ordre intérieur et constituent toujours un acte de nature à faire grief.

9. Aux termes de la circulaire du 26 mars 2009 relative aux unités de vie familiale : " L'accès à l'UVF fait l'objet d'une double demande écrite émanant l'une du détenu, l'autre de la (ou des) personne (s) qui souhaitent le visiter. Les visiteurs doivent être titulaires d'un permis de visite délivré dans les conditions des articles D. 403 et suivants du code de procédure pénale. (...) Le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) instruit la demande d'accès aux UVF. (...) Le SPIP informe des conditions de la visite en UVF et des contraintes de celle-ci (...). C'est le chef d'établissement ou son délégué qui décide d'accorder l'accès d'une personne détenue et de sa famille à l'UVF. Le chef d'établissement prend sa décision après avoir recueilli l'avis (consigné par écrit), lors de la tenue d'une commission pluridisciplinaire, du directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation et du chef de détention ou de leurs représentants, d'un membre du personnel de surveillance en charge des UVF ou de toute personne (personnel ou intervenant) susceptible de l'éclairer utilement. Il informe le juge d'application des peines de la décision prise ". Aux termes du règlement intérieur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Veil : " La demande d'accès aux UVF est formulée par écrit auprès du chef d'établissement, à la fois du détenu, à ... (.... La décision d'accorder l'UVF est prise par le chef d'établissement, au vu des éléments de l'instruction des demandes et après avis des membres de la commission pluridisciplinaire unique réunie en commission d'attribution (...). Le nombre de personnes réunies dans l'appartement ne peut excéder quatre personnes, personne détenue comprise, sauf autorisation expresse et préalable du chef d'établissement sur demande dûment motivée (...) ".

En ce qui concerne le document daté du 30 janvier 2017 :

10. Le premier document, daté du 30 janvier 2017 et intitulé " bulletin de réponse ", répond à une demande d'information, formulée par M. D..., sur le nombre d'enfants et d'adultes pouvant être reçus aux parloirs et en unités de vie familiale, et à la tarification de ces visites. Ce document purement informatif ne constitue pas une décision fixant les modalités essentielles de l'organisation des visites aux détenus et ne présente, par suite, pas les caractéristiques d'un acte faisant grief. Il n'est, dès lors, pas susceptible de recours en excès de pouvoir.

En ce qui concerne les documents datés des 16 février et 29 mars 2017 :

11. Les deux autres documents en litige, datés des 16 février et 29 mars 2017, sont intitulés " accusé de réception d'une requête ". Ces documents, qui rappellent les dates auxquelles M. D... a demandé une visite de " parloir UVF " " avec mère et enfants ", se bornent à accuser réception de sa demande et à informer l'intéressé du nombre maximum de visiteurs admis au sein de l'unité de vie familiale, et précisent que M. D... doit communiquer leur identité avant la réunion de la commission pluridisciplinaire unique. Il résulte de la procédure d'accès aux unités de vie familiale, telle qu'elle a été définie dans la circulaire du 26 mars 2009 relative aux unités de vie familiale et dans le règlement intérieur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, cités au point 9, que la décision par laquelle le directeur de l'établissement pénitentiaire accorde ou refuse au détenu l'accès à l'unité de vie familiale, ou refuse de lui accorder la dérogation au nombre de visiteurs maximal, intervient après que le détenu et sa famille ont présenté chacun une demande, et que la commission pluridisciplinaire unique a donné son avis. Dès lors, les documents des 16 février et 29 mars 2017, émanant du service pénitentiaire d'insertion et de probation, doivent être regardés comme la première étape d'une procédure devant aboutir, après notamment consultation de la commission pluridisciplinaire unique, à l'adoption d'une décision, prise par le directeur de l'établissement, autorisant l'accès du détenu et des visiteurs concernés à une unité de vie familiale. Ils présentent, par suite, le caractère de mesures préparatoires et ne constituent dès lors pas, contrairement à ce que soutient M. D..., des décisions restreignant le nombre de visiteurs qu'il peut recevoir simultanément au sein de l'unité de vie familiale, susceptibles d'être déférées au juge de l'excès de pouvoir. Les conclusions à fin d'annulation de ces actes, présentées par M. D... ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées par voie de conséquence. Ses conclusions tendant à ce que soit ordonnée la publication de l'arrêt à intervenir dans les espaces dédiés du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande M. D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

2

N°18DA00737


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours - Mesures d'ordre intérieur.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 08/10/2019
Date de l'import : 15/10/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18DA00737
Numéro NOR : CETATEXT000039209951 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-08;18da00737 ?
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