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13/06/2019 | FRANCE | N°18DA00068

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 18DA00068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Roubaix à lui verser une somme de 25 000 euros, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1407734 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Roubaix à verser à M. C...la somme de 3 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2018 et un mémoire

enregistré le 23 mai 2019, la commune de Roubaix, représentée par Me A...D..., demande à la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Roubaix à lui verser une somme de 25 000 euros, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1407734 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Roubaix à verser à M. C...la somme de 3 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 23 mai 2019, la commune de Roubaix, représentée par Me A...D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille du 7 novembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de M. C...le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, présidente-assesseur,

- le rapport de M. Jean-Michel Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., technicien territorial, a été recruté en 2006 par la commune de Roubaix en qualité de responsable du personnel d'accueil, de surveillance et d'entretien du musée de la Piscine. A compter du 1er janvier 2012, il a été affecté à la direction de l'éducation de cette commune. Il a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 30 août 2012 pour des troubles dépressifs. Estimant qu'il a été victime d'un harcèlement moral depuis 2009, il a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Roubaix à lui verser une somme de 25 000 euros au titre du préjudice moral et du préjudice professionnel. Par un jugement du 7 novembre 2017, le tribunal administratif a reconnu l'existence d'agissements de harcèlement moral, mais uniquement pendant les derniers mois de l'année 2011, et il a condamné la commune à verser à M. C...la somme de 3000 euros. La commune de Roubaix relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, M. C...demande à la cour de relever à 25 000 euros le montant de la condamnation prononcée en première instance.

Sur le harcèlement moral :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

4. Pour retenir l'existence d'un harcèlement moral, le tribunal administratif a relevé que l'administration du musée avait entreposé, à l'automne 2011, de nombreux meubles et cartons dans le bureau de M.C..., que le " casier-vestiaire " de celui-ci avait été déplacé dans le hall de l'entrée de service du musée, et que M. C...avait été agressé par un agent de sécurité du musée, le 10 décembre 2011, alors qu'il tentait d'entrer dans les locaux. Il résulte toutefois de l'instruction que la présence de cartons et meubles dans le bureau de l'intéressé, pendant une durée qui n'a pas excédé quelques semaines, s'explique par une permutation de bureaux, nécessitant de stocker temporairement les archives du service de documentation. Par ailleurs, l'agression que M. C...soutient avoir subie, de la part d'un agent chargé de la surveillance du musée, n'est pas non plus établie par les pièces versées au dossier. Enfin, le seul déplacement du casier-vestiaire de M. C...ne peut, à supposer même que l'intéressé en faisait encore un usage effectif, caractériser, à lui seul, des agissements de harcèlement moral. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les éléments relevés ci-dessus pour conclure à l'existence d'un harcèlement moral pendant l'automne 2011.

5. Par ailleurs, si M. C...soutient, comme en première instance, que la commune n'a pas assuré sa protection après la réception, par le maire, le 1er décembre 2009, d'une lettre anonyme le mettant en cause, il ne conteste pas, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que la commune a pris l'attache d'un avocat, qu'il n'a pas souhaité contacter. Par ailleurs, les reproches ou questions qui lui ont été adressés par le conservateur ou l'administratrice du musée, relatifs à ses horaires, à ses absences, ou à la sécurité des locaux n'ont pas excédé l'exercice normal de l'autorité hiérarchique, quand bien même M. C...n'était pas responsable de la sécurité. Certaines de ces remarques ont, d'ailleurs, donné lieu à un arrêté de retenues sur traitement pour absence de service fait et à une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois jours, que l'intéressé n'a pas contestée. La commune n'a pas reproché à M. C...d'avoir fait grève, mais seulement de ne pas avoir averti à temps la direction du musée de son intention, alors qu'une manifestation était prévue dans les locaux du musée le jour de cette grève. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la commune aurait refusé, à tort, de rémunérer des heures supplémentaires effectuées, notamment, à l'occasion de soirées privatives organisées dans les locaux du musée. M. C...ne critique pas non plus les motifs du jugement concernant les trois évaluations dont il a fait l'objet en 2011, l'une d'entre elles concernant en réalité l'année 2009 et ayant été réalisée avec retard. Si la commune a envisagé, en 2011, de ne plus le convier au " club des tuteurs ", réunissant les cadres chargés d'encadrer les titulaires de contrats aidés, il résulte de l'instruction qu'il a continué à être invité aux réunions de cette entité jusqu'à son départ du musée de la Piscine. M. C...ne critique pas non plus les motifs par lesquels le tribunal administratif a estimé que ses conditions de travail, à la direction de l'éducation, à compter du 1er janvier 2012, ne caractérisaient pas des agissements de harcèlement moral. Il ne résulte pas de l'instruction que, dans le cadre de cette nouvelle affectation, la commune aurait systématiquement refusé de rémunérer ses heures supplémentaires ou aurait constitué un dossier à charge contre lui. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le harcèlement moral allégué par M. C...ne peut être regardé comme établi.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la comme de Roubaix est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser à M. C...la somme de 3 000 euros, et que l'appel incident de M. C...doit être rejeté. Les conclusions présentées par M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par la commune de Roubaix.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 7 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Roubaix et à M. B... C....

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N°18DA00068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00068
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GUILMAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-13;18da00068 ?
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