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11/06/2019 | FRANCE | N°18DA00869

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 11 juin 2019, 18DA00869


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...aliasD... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1800624 du 22 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procé

dure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, le préfet du Pas-de-Cala...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...aliasD... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1800624 du 22 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. B... aliasD..., ressortissant érythréen, né le 1er janvier 1999, annulé l'arrêté du 21 janvier 2018 obligeant l'intéressé à quitter le territoire français sans délai et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

2. Aux termes du point 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " En vue de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride séjournant illégalement sur son territoire n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre, un État membre peut transmettre au système central les données dactyloscopiques relatives aux empreintes digitales qu'il peut avoir relevées sur un tel ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, ainsi que le numéro de référence attribué par cet État membre. / En règle générale, il y a lieu de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre lorsque : / a) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride déclare qu'il a introduit une demande de protection internationale mais n'indique pas l'État membre dans lequel il l'a introduite ; / b) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ne demande pas de protection internationale mais s'oppose à son renvoi dans son pays d'origine en faisant valoir qu'il s'y trouverait en danger ; ou / c) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride fait en sorte d'empêcher d'une autre manière son éloignement en refusant de coopérer à l'établissement de son identité, notamment en ne présentant aucun document d'identité ou en présentant de faux documents d'identité ".

3. Il ressort du procès-verbal d'audition de M. B...dressé le 21 janvier 2018 par un officier de la police aux frontières, que M. B...a indiqué qu'il avait traversé le territoire de plusieurs Etats membres de l'Union européenne dont l'Italie et l'Allemagne et qu'il avait l'intention de se rendre au Royaume-Uni. Lors de cette audition, il a indiqué qu'il avait demandé l'asile en Allemagne mais que cela lui avait été refusé. Il a également déclaré qu'il avait quitté son pays d'origine pour des raisons politiques et qu'il avait déserté. Compte tenu de ces indications, il y avait lieu pour le préfet, en application des dispositions du a) du point 1 de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, précitées, de vérifier si M.B..., qui ne demandait pas l'asile en France, avait introduit une demande de protection internationale dans un autre Etat membre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a refusé de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales, faisant ainsi obstacle à la recherche dans le fichier " Eurodac " de l'existence du dépôt d'une demande de protection internationale dans un autre Etat membre. Dans ces conditions, et à supposer même que les dispositions citées au point 1 puissent être utilement invoquées par l'étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, le préfet du Pas-de-Calais a mis en oeuvre toutes les diligences possibles afin de vérifier l'existence d'une telle demande et n'a ainsi pas entaché l'arrêté en litige d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M.B.... Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 21 janvier 2018 obligeant M. B...à quitter le territoire français sans délai et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une période d'un an.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...à l'encontre de l'arrêté attaqué devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. Par un arrêté du 18 décembre 2017, publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C...A..., chef du bureau de l'éloignement et adjoint au directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision ne peut qu'être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".

7. La décision attaquée, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée. Elle cite notamment les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M. B... n'a pas été en mesure de justifier de son identité, de sa nationalité et de la régularité de son séjour en France. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

8. Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. En effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dès lors, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises mais de celles d'un autre Etat, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3.

9. Si le requérant fait valoir qu'il aurait dû faire l'objet d'une remise aux autorités allemandes dès lors que la procédure de transfert prévue par le règlement (UE) n° 604/2013 concerne les étrangers en situation de demandeur d'asile, il ressort des pièces du dossier, en particulier de son audition par les services de police, que M. B...a indiqué qu'il avait demandé l'asile en Allemagne mais que cela lui avait été refusé. Dans ces conditions, alors que le préfet ne disposait d'aucun motif sérieux pour remettre en cause les allégations de l'intéressé, le requérant qui, comme cela été dit au point 3, a refusé de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales, faisant ainsi obstacle à la recherche dans le fichier " Eurodac " de l'existence du dépôt d'une demande de protection internationale dans un autre Etat membre, ne peut être regardé comme étant demandeur d'asile et comme devant faire l'objet d'une décision de transfert. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais aurait dû prendre une décision de transfert et non une obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

10. Les conditions de notification d'une décision administrative sont par elles-mêmes sans incidence sur sa légalité. Par suite, M. B... ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision contestée que celle-ci ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'il comprend. En tout état de cause, le préfet du Pas-de-Calais justifie que l'intéressé a reçu notification de la décision en litige par un interprète en langue tigrinia, langue qu'il comprend.

11. M.B..., entré irrégulièrement sur le territoire français, y séjournait, selon ses déclarations lors de son audition par les services de police, depuis seulement trois jours lorsqu'il a été interpellé. Il est célibataire, sans enfant à charge et ne se prévaut d'aucune attache privée et familiale en France. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas, en prenant la décision en litige, porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

12. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " II. - (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ".

13. M.B..., entré irrégulièrement sur le territoire français, est dépourvu de documents d'identité, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et n'a pas déclaré de lieu de résidence effective ou permanente. Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais pouvait, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son risque de fuite, refuser de lui octroyer un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré irrégulièrement sur le territoire français et y séjournait, selon ses déclarations lors de son audition par les services de police, depuis seulement trois jours lorsqu'il a été interpellé. Il ne se prévaut d'aucune attache privée et familiale en France et indique que son objectif était de gagner le Royaume-Uni. Par suite, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur d'appréciation de sa situation personnelle au regard des dispositions précitées.

16. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Lille n'est fondé. Par voie de conséquence, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 21 janvier 2018.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800624 du 22 mars 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...alias D...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...B...aliasD....

Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

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N°18DA00869


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00869
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-11;18da00869 ?
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