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04/12/2018 | FRANCE | N°16DA00927

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2018, 16DA00927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) clinique des 2 Caps a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'une part, d'annuler la décision du 25 mars 2013 du directeur de l'Agence régionale de santé (ARS) Nord-Pas-de-Calais de rejet implicite de sa demande d'indemnisation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de l'arrêté du 30 mai 2008 portant autorisation de création d'une structure d'hospitalisation particulière au centre hospitalier de Cala

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) clinique des 2 Caps a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'une part, d'annuler la décision du 25 mars 2013 du directeur de l'Agence régionale de santé (ARS) Nord-Pas-de-Calais de rejet implicite de sa demande d'indemnisation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de l'arrêté du 30 mai 2008 portant autorisation de création d'une structure d'hospitalisation particulière au centre hospitalier de Calais et, d'autre part, de condamner l'Etat, au nom duquel l'ARS exerce ses compétences, à lui verser la somme de 1 587 169,47 euros en indemnisation de ce préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2013 et capitalisation de ceux-ci à compter du 25 mars 2013 et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 369 765,31 euros, dans les mêmes conditions.

Par un jugement n° 1303206 du 16 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande, considérant que le préjudice allégué ne saurait être regardé comme la conséquence directe et certaine de l'arrêté du 30 mai 2008.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2016, la SAS clinique des 2 Caps, représentée par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 mars 2016 rejetant ses conclusions indemnitaires ;

2°) d'annuler la décision du 25 mars 2013 du directeur de l'ARS Nord-Pas-de-Calais de rejet implicite de sa demande d'indemnisation ;

3°) à titre principal, de condamner l'Etat, au nom duquel l'ARS exerce ses compétences, à lui verser la somme de 1 587 169,47 euros en indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de l'arrêté du 30 mai 2008 portant autorisation de création d'une structure d'hospitalisation particulière au centre hospitalier de Calais, avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2013 et capitalisation de ceux-ci ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 369 765,31 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2013 et capitalisation de ceux-ci ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me C...B..., représentant la SAS Clinique des 2 Caps.

Considérant ce qui suit :

1. Saisi d'une demande d'autorisation de création d'une structure d'hospitalisation en chirurgie viscérale et otorhinolaryngologie (ORL) de cinq lits présentée par le centre hospitalier de Calais sur le fondement de l'article L. 6146-10 du code de la santé publique, le directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation lui a accordé cette autorisation, par un arrêté du 30 mai 2008. Cet arrêté a également autorisé quatre praticiens exerçant au sein de la clinique des 2 Caps, le DrA..., chirurgien viscéral, et les Drs Leclerc, D...et Le Carluer, chirurgiens ORL, à dispenser des soins à titre libéral dans cette structure d'hospitalisation. Par un jugement du 6 juin 2012, devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a, à la demande du syndicat Fédération de l'hospitalisation du Nord Pas-de-Calais, annulé cet arrêté. La clinique des 2 Caps a alors saisi, le 23 janvier 2013, le directeur de l'Agence régionale de santé (ARS) Nord-Pas-de-Calais d'une demande indemnitaire qui a été rejetée par une décision implicite née le 25 mars 2013. La clinique des 2 Caps relève appel du jugement du 16 mars 2016 du tribunal administratif de Lille en tant qu'après avoir estimé que l'arrêté du 30 mai 2008 portant autorisation de création d'une clinique ouverte au sein du centre hospitalier de Calais avait méconnu les dispositions de l'article R. 6146-64 du code de la santé publique en raison de son incompatibilité avec les orientations stratégiques du schéma régional d'organisation sanitaire, il a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen du jugement contesté que les premiers juges ont estimé que le préjudice financier allégué par la clinique des 2 Caps ne saurait être regardé comme la conséquence directe et certaine de l'arrêté du 30 mai 2008 portant autorisation de création d'une structure d'hospitalisation particulière au centre hospitalier de Calais. Par suite, le tribunal administratif de Lille, en rejetant les conclusions indemnitaires de la SAS clinique des 2 Caps pour ce motif, a statué implicitement mais nécessairement sur l'ensemble de ces conclusions présentées à titre principal et à titre subsidiaire et, n'a, par suite, pas entaché son jugement d'omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Contrairement à ce que soutient la clinique des 2 Caps, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une contradiction de motifs en reconnaissant, d'une part, la faute commise par l'administration en adoptant l'arrêté du 30 mai 2008, qui est de nature à engager sa responsabilité à son égard, et, d'autre part, l'absence de lien de causalité entre cette faute et le préjudice invoqué. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une contradiction de motifs doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

4. D'une part, par un jugement du 6 juin 2012, devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a, à la demande du syndicat Fédération de l'hospitalisation du Nord Pas-de-Calais, annulé l'arrêté du 30 mai 2008 du directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation Nord Pas-de-Calais portant autorisation de création d'une clinique ouverte au sein du centre hospitalier de Calais au motif qu'il avait été pris à la suite d'une procédure irrégulière.

5. D'autre part, par le jugement du 16 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a estimé que l'arrêté du 30 mai 2008 avait méconnu les dispositions de l'article R. 6146-64 du code de la santé publique en raison de son incompatibilité avec les orientations stratégiques du schéma régional d'organisation sanitaire, qu'eu égard au motif de cette illégalité, l'administration ne pouvait pas légalement reprendre la même décision, et que cette illégalité était de nature à engager la responsabilité de l'ARS Nord-Pas-de-Calais et à ouvrir un droit à indemnisation du préjudice financier subi par la société clinique des 2 Caps. La ministre des affaires sociales et de la santé n'a pas formé d'appel incident à l'encontre de ce jugement qui, par suite, est devenu définitif sur ce point.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

6. Il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires de la clinique requérante concernant les spécialités ORL et chirurgie viscérale est passé, respectivement, de 524 169,86 euros à 468 165,09 euros et de 2 299 651 euros à 2 193 079 euros entre 2007 et 2008, alors que l'activité, dans le cadre de la clinique ouverte autorisée par la décision litigieuse, des quatre praticiens concernés, au demeurant autorisés par leurs contrats de travail à exercer une activité à temps partiel dans un établissement d'hospitalisation public, n'a débuté qu'à compter du 8 avril 2009. En outre, il ressort de ces mêmes données, et il n'est pas contesté, que le Dr D... n'a jamais dispensé de soins au sein de cette clinique, et que les Drs Lecarluer et Leclerc ne sont respectivement intervenus qu'à deux et quatre reprises au sein de celle-ci. La baisse du chiffre d'affaires dans la spécialité ORL, dont relevaient ces trois praticiens, est donc sans lien avec l'arrêté du 30 mai 2008. S'agissant enfin du DrA..., qui a participé à l'activité de la clinique ouverte du centre hospitalier de Calais à hauteur de 370 000 euros en recettes de l'assurance maladie entre le 8 avril 2009 et le 23 novembre 2012, il résulte de l'instruction que, si le chiffre d'affaires résultant de son activité personnelle avait commencé à diminuer sur les deux exercices précédant les premiers effets, à compter du 8 avril 2009, de l'arrêté du 30 mai 2008, le chiffre d'affaires global du service de chirurgie viscérale dont il relevait a augmenté de façon constante entre 2007 et 2011, passant de 2,3 millions d'euros à 2,7 millions d'euros, et à 1,63 million d'euros pour le premier semestre 2012, traduisant une hausse de l'activité parallèle au recrutement de plusieurs chirurgiens dès l'année 2009. La clinique des 2 Caps, qui se borne dans ses écritures à invoquer une baisse de chiffre d'affaires, et non l'impossibilité d'une hausse liée aux effets de l'arrêté du 30 mai 2008, n'établit en outre, et en tout état de cause, pas qu'un accroissement du nombre des interventions dans cette spécialité aurait, dans ces conditions, été possible. La baisse des chiffres d'affaires invoquée par la clinique des 2 Caps étant par suite, soit sans rapport avec l'arrêté en cause, soit inexistante, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice subi.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la clinique des 2 Caps n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS clinique des 2 Caps est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS clinique des 2 Caps et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée à l'Agence régionale de santé des Hauts-de-France.

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N°16DA00927


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

61-07 Santé publique. Établissements privés de santé.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS CORMIER BADIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 04/12/2018
Date de l'import : 11/12/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16DA00927
Numéro NOR : CETATEXT000037770584 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-12-04;16da00927 ?
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