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25/01/2018 | FRANCE | N°17DA00034

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3 (bis), 25 janvier 2018, 17DA00034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les vents du Catésis a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 6 novembre 2011 par lesquels le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer cinq permis de construire des éoliennes sur le territoire des communes de Bazuel et de Catillon-sur-Sambre (Nord).

Par un jugement n°s 1104197-1201409 du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14DA01343 du 10 décembre 2015,

la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement ainsi que les arrêtés du préf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les vents du Catésis a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 6 novembre 2011 par lesquels le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer cinq permis de construire des éoliennes sur le territoire des communes de Bazuel et de Catillon-sur-Sambre (Nord).

Par un jugement n°s 1104197-1201409 du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14DA01343 du 10 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement ainsi que les arrêtés du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais.

Par une décision n° 397049 du 30 décembre 2016, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour de céans.

Procédure devant la cour :

Par des mémoires enregistrés les 3 mars et 9 mai 2017, la société Les vents du Catésis, représentée par Me D...B..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille du 27 mai 2014, à l'annulation des arrêtés du 6 novembre 2011, à ce qu'il soit enjoint au préfet des Hauts-de-France de délivrer les permis de construire sollicités ou, à titre subsidiaire, de réexaminer les demandes de permis de construire, enfin à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, présidente-assesseur,

- le rapport de M. Jean-Michel Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me A...C...représentant la société Les vents du Catésis ;

1. Considérant que par cinq arrêtés du 6 novembre 2011, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a refusé de délivrer à la société Les vents du Catésis des permis de construire pour cinq éoliennes sur le territoire des communes de Bazuel et de Catillon-sur-Sambre (Nord), en se fondant, d'une part, sur les dispositions de l'article R. 121-21 du code de l'urbanisme et, d'autre part, sur celles de l'article R. 111-2 du même code, compte tenu de la présence du radar météorologique d'Avesnes-sur-Helpe ainsi que des perturbations acoustiques que créeraient les éoliennes envisagées ; que, par un jugement du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la société pétitionnaire tendant à l'annulation de ces arrêtés, en ne confirmant toutefois que le motif de refus tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que la société Les vents du Catésis relève appel de ce jugement ;

Sur la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; que les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le plateau retenu pour l'implantation des aérogénérateurs est constitué d'une plaine agricole entrecoupée de bocages et de bosquets épars ; que ce paysage naturel, à proximité des villages de Bazuel, de Catillon-sur-Sambre et de Mazinghien, sans être dépourvu de qualité, ne présente pas un intérêt particulier ; que, pour refuser de délivrer les permis de construire, le préfet a relevé que les éoliennes n'étant pas implantées parallèlement à la RN 43 (devenue RD 643), cette disposition a pour effet d'engendrer un effet de " grappe " ; que, toutefois, compte tenu de l'absence d'intérêt particulier du paysage agricole du site d'implantation, l'absence d'alignement des mâts par rapport à la route nationale n'est pas de nature à porter atteinte aux lieux avoisinants ; que, si l'autorité préfectorale s'est également fondée sur l'existence d'une covisibilité entre les éoliennes et l'église Saint-Martin du Cateau-Cambrésis, classée monument historique, située à 1,7 kilomètres du projet, il ressort des photomontages produits par la société requérante que la covisibilité entre l'ensemble du parc éolien et le clocher de cette église reste limitée, la commune du Cateau-Cambrésis se situant notamment dans une vallée légèrement encaissée ; qu'en outre, les mêmes photomontages ne font apparaître qu'une covisibilité réduite entre les éoliennes et le clocher de l'église de Catillon-sur-Sambre, monument pittoresque qui n'est toutefois ni classé, ni inscrit ; qu'enfin, contrairement à ce qui est allégué par le préfet et en dépit d'une hauteur de 150 mètres, les éoliennes s'intègrent dans un paysage préalablement structuré par des éléments de verticalité tels que des châteaux d'eau et une ligne à haute tension traversant le site d'implantation ; que, dans ces conditions, le projet du pétitionnaire n'est pas de nature à porter atteinte à la qualité paysagère du site d'implantation ou aux villages et bourgs avoisinants ; que, par suite, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, en refusant la délivrance des permis de construire en litige, a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Sur la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions projetées, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation sont de nature à porter atteinte (...) à la sécurité publique " ;

6. Considérant qu'il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le parc de cinq éoliennes projeté par la société Les vents du Catésis se situe à 15,4 kilomètres du radar météorologique d'Avesnes-sur-Helpe, soit au-delà de la zone d'exclusion de 5 kilomètres de ce radar en bande C et à l'intérieur de sa zone de coordination de 20 kilomètres ; que, pour refuser la délivrance des permis de construire, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, qui s'est fondé sur le rapport CCE5 n° 1 de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) et l'avis de Météo-France du 9 novembre 2009, a estimé que l'implantation des éoliennes augmenterait la densité des échos parasites non filtrables, dégradant ainsi la qualité de la veille hydrométéorologique, et que la zone d'impact sur le Doppler est distante de moins de 10 kilomètres de celle du parc éolien existant du Quesnoy ;

8. Considérant que le radar d'Avesnes permet non seulement d'assurer la surveillance de phénomènes localement dangereux dans la zone d'impact Doppler mais également, en collaboration avec d'autres radars dans le cadre d'un système Arome mis en place par Météo France, d'assurer une surveillance de nombreuses agglomérations urbaines dont celle de Lille, de participer aussi à la surveillance et à la prévision des risques de crues avec les services de prévision des crues Artois-Picardie, Oise-Aisne et Meuse-Moselle et, enfin, au titre des risques industriels, de prévoir le trajet de nuages toxiques en temps réel à partir de données de vent ;

9. Considérant, toutefois, d'une part, que la société produit devant la cour une étude réalisée en mai 2017 par la société Qinetic, selon la méthodologie CLOUDSIS 1.0 agréée par l'Etat par une décision du 20 novembre 2015 prise en application de l'article 4-2-2 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ; que les conclusions de cette étude, qui est assortie de précisions concernant les données et les modèles utilisés et qui n'est pas sérieusement contestée par le ministre de la transition écologique et solidaire, indiquent notamment que la zone d'impact Doppler des éoliennes envisagées n'atteint que 7,7 kilomètres et que la distance entre cette zone d'impact et celle du parc éolien existant du Quesnoy excède, conformément aux recommandations de l'Agence nationale des fréquences, 10 kilomètres ;

10. Considérant, d'autre part, que l'avis défavorable de Météo France du 9 novembre 2009, auquel se réfère l'administration, se borne à indiquer, de manière générale que " (...) ces circonstances sont de nature à dégrader la qualité des prévisions issues du modèle numérique à mailles fines Arome et la prévision immédiate des phénomènes météorologiques et en particulier les phénomènes de petite échelle (vents forts, fortes précipitations, orages violents, grêle, tornades, ligne de grain, etc...) ; que l'administration n'a en outre produit aucun élément précis relatif aux conséquences du fonctionnement des éoliennes envisagées ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que, compte tenu de leurs caractéristiques, et notamment de leur zone d'impact Doppler, ces éoliennes, lesquelles peuvent d'ailleurs être mises à l'arrêt rapidement, dégraderaient de manière significative, même pendant les périodes pendant lesquelles la rotation des pales serait maximale, la fiabilité des mesures et des prévisions réalisées par le radar météorologique d'Avesnes ; que, si la probabilité de risques de crues des cours d'eau est localement importante, il ne ressort pas des pièces du dossier que les perturbations engendrées par les éoliennes compromettraient la prévision ou le suivi de ces crues ; qu'il ne ressort pas davantage de ces pièces que la sécurité des agglomérations comprises dans le système de surveillance du radar dans le cadre de sa participation au système Arome, au regard de risques naturels ou technologiques, serait significativement compromise par les conséquences, sur le radar météorologique, du fonctionnement des éoliennes ; que, dans ces conditions, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet de parc éolien entraînerait, en raison de la présence du radar d'Avesnes à 15,4 km du site, des risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifiant un refus de permis de construire ;

En ce qui concerne les perturbations acoustiques :

11. Considérant qu'il y a lieu, par adoption du motif des premiers juges, de retenir que le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet en litige serait de nature à porter atteinte à la sécurité et à la salubrité publique en raison des perturbations acoustiques nocturnes que généreront les éoliennes ;

12. Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun des autres moyens de la requête n'est, en l'état du dossier, susceptible de conduire à l'annulation des arrêtés préfectoraux de refus de permis de construire du 6 décembre 2011 ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Les vents du Catésis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que les demandes de permis de construire présentées par la société Les vents du Catésis soient réexaminées par le préfet de la région Hauts-de-France ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la région Hauts-de-France de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions présentées par la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Les vents du Catésis de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 27 mai 2014 et les arrêtés de refus de permis de construire du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais du 6 décembre 2011 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Les vents du Catésis une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la région Hauts-de-France de réexaminer les demandes de permis de construire présentées par la société Les vents du Catésis dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les vents du Catésis et au ministre de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.

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N°17DA00034

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 17DA00034
Date de la décision : 25/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GREENLAW AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-01-25;17da00034 ?
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