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04/05/2017 | FRANCE | N°15DA01167-15DA01374

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 04 mai 2017, 15DA01167-15DA01374


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...F...ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Méricourt à leur verser une somme de 150 000 euros en réparation des dommages subis suite à l'occupation d'une partie de leur parcelle cadastrée AL 148, avec intérêts de droit à compter de l'enregistrement de la demande.

Par un jugement n° 1203203 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Méricourt à verser aux époux F...une somme de 3 000 euros assortie des intérêts

à taux légal à compter du 16 mai 2012.

Procédure devant la cour :

I. Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...F...ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Méricourt à leur verser une somme de 150 000 euros en réparation des dommages subis suite à l'occupation d'une partie de leur parcelle cadastrée AL 148, avec intérêts de droit à compter de l'enregistrement de la demande.

Par un jugement n° 1203203 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Méricourt à verser aux époux F...une somme de 3 000 euros assortie des intérêts à taux légal à compter du 16 mai 2012.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2015, et des mémoires, enregistrés les 22 février 2016 et 21 mars 2016, sous le numéro 15DA01167, M. et Mme C...F..., représentés par le cabinet Lysiane et Gérald Vairon, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas partiellement fait droit à leur demande ;

2°) de condamner la commune de Méricourt à leur verser une somme de 150 000 euros ou toute autre somme supérieure à 3 000 euros ;

3°) de condamner la commune de Méricourt aux entiers dépens ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Méricourt une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont lié le contentieux par leur courrier du 9 juin 2008 ;

- la commune de Méricourt a commis une faute en refusant de mettre fin à son emprise irrégulière de la parcelle AL 148, alors qu'elle s'y était engagée devant les juridictions judiciaires ;

- ce refus entraîne une rupture d'égalité devant les charges publiques ;

- leur préjudice est supérieur à la somme de 3 000 euros accordée par le tribunal administratif et doit être évalué, compte tenu du temps passé et de l'inertie de la commune, à la somme de 150 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2015, et un mémoire en réplique, enregistré le 9 décembre 2016, et un nouveau mémoire, enregistré le 3 mars 2017, la commune de Méricourt, représentée Me H...D...du cabinet Greenlaw avocats, conclut :

1°) au rejet de la requête de M. et MmeF... ;

2°) à l'annulation du jugement en tant qu'il fait partiellement droit à la demande de M. et Mme F...;

3°) à la mise à la charge de M. et Mme F...d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande des époux F...est irrecevable faute d'avoir été précédée d'une demande indemnitaire préalable ;

- ils ne peuvent se prévaloir d'un droit reconnu par la juridiction judiciaire ou d'un engagement de la commune ;

- elle a entièrement exécuté la condamnation pécuniaire prononcée par le tribunal de grande instance d'Arras s'agissant de la parcelle AL 39, de sorte qu'aucune faute tirée de l'inexécution d'une décision de justice ne peut lui être reprochée ;

- en tout état de cause, le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur l'inexécution d'une décision du juge judiciaire ;

- les époux F...n'ont pas précisé le type de préjudice subi, ni détaillé son quantum ;

- le préjudice matériel n'a pas d'existence réelle dans la mesure où la parcelle ne pouvait en aucun cas être valorisée puisque les aménagements existaient déjà lors de l'acquisition de la parcelle par les intéressés, conformément au cahier des charges du lotissement ;

- le préjudice moral n'est pas établi dès lors que les travaux avaient été réalisés vingt ans après l'acquisition de la parcelle par les intéressés.

II. Par une requête, enregistrée le 10 août 2015 sous le numéro 15DA01374, et un nouveau mémoire, enregistré le 3 mars 2017, la commune de Méricourt, représentée par Me B... E...du cabinet Greenlaw avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il fait partiellement droit à la demande de M. et Mme F...;

2°) de rejeter, dans la même mesure, la demande de M. et MmeF... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme F...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les moyens développés dans ses mémoires analysés sous le numéro précédent.

La requête de la commune de Méricourt a été communiquée à M. et Mme C...F...qui n'ont pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me A...G...du cabinet Greenlaw avocats, substituant Me H...D..., représentant la commune de Méricourt.

1. Considérant que M. et Mme F...sont propriétaires de deux parcelles contiguës cadastrées AL 39 et AL 148 situées rue du 19 mars 1962 à Méricourt (Pas-de-Calais), acquises respectivement en octobre 1968 et février 1993 ; qu'en 1972, la commune de Méricourt a effectué des travaux de viabilité de la rue du 19 mars 1962 ; que, pour l'aménagement de la chaussée et du trottoir, un empiétement de 48 m² sur les 480 m² de la parcelle AL 39 et de 56 m² sur les 721 m² de la parcelle AL 148, a été effectué ; que, par un arrêt du 2 octobre 2000, la cour d'appel de Douai a estimé que la commune de Méricourt n'avait pas commis de voie de fait s'agissant de la parcelle AL 148, les époux F...ayant notamment acquis cette parcelle en 1993 en connaissance de cause de son état, mais a " donné acte à la commune de ce qu'elle n'avait pas cause d'opposition à remettre la voirie jouxtant la parcelle en l'état initial " ; que, par un jugement du 16 novembre 2006, le tribunal de grande instance d'Arras a condamné la commune de Méricourt à verser aux époux F...une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de l'existence d'une voie de fait sur une partie de leur parcelle AL 39 mais a débouté les époux de leur demande indemnitaire relative à la parcelle AL 148 ; que, par un jugement du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Méricourt à verser aux époux F...une somme de 3 000 euros assortie des intérêts à taux légal à compter du 16 mai 2012 en réparation de leur préjudice subi du fait de son inertie à libérer la portion de parcelle AL 148 occupée irrégulièrement ; que, d'une part, sous le n° 15DA01167, M. et Mme F...relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation prononcée à la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral et n'a pas indemnisé la perte de jouissance ; que, d'autre part, sous le n° 15DA01374, la commune de Méricourt relève appel du même jugement en tant qu'elle a été condamnée à indemniser les intéressés ;

2. Considérant qu'il y a lieu de joindre la requête de M. et Mme F...et celle de la commune de Méricourt qui sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger de questions semblables, pour y être statuées par un seul arrêt ;

3. Considérant que, dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété ; que si la décision d'édifier un ouvrage public sur la parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété par celle-ci, elle n'a, toutefois, pas pour effet l'extinction du droit de propriété sur cette parcelle ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le programme d'aménagement du lotisseur établi en juillet 1954 prévoyait sous la rubrique " viabilité " que " Les acquéreurs seront tenus d'abandonner chacun une bande de quatre mètres de largeur sur toute la façade de son lot pour l'élargissement éventuel de la chaussée de l'impasse Pierre Simon ", selon le nom alors donné à la voie de desserte du lotissement ; que l'arrêté du 30 novembre 1954 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a autorisé le lotissement à Méricourt dans lequel M. et Mme F...ont acquis par la suite leur maison, a prévu, pour la voirie, que " La largeur de l'impasse Pierre Simon desservant le lotissement projeté sera porté à 8 m et comprendra une chaussée de 5 m et deux trottoirs de 1 m 50 " ; qu'un plan du cahier des charges du lotissement a matérialisé cette obligation afin de permettre l'affectation d'une partie de la propriété à la voirie en vue d'assurer la desserte des parcelles loties ; que l'acte de vente renvoyait à la même obligation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux accomplis par la commune ultérieurement pour aménager la chaussée et les trottoirs auraient modifié les surfaces consacrées par le cahier des charges du lotissement à la voirie ; qu'ainsi, les travaux communaux de voirie dans cette partie du lotissement n'ont pas eu, par eux-mêmes, pour effet d'éteindre le droit de propriété des époux F...sur leur parcelle AL 148 et n'ont pas davantage eu pour effet de les priver d'un droit d'usage différent dès lors que l'affectation de cette partie du terrain à la voirie qui procédait non d'un choix de la commune mais du cahier des charges du lotissement, n'avait pas varié depuis les origines de celui-ci, ce que les intéressés ne pouvaient ignorer lors de l'acquisition du terrain ;

5. Considérant que, dans ces conditions, et alors même que la commune se serait engagée devant la cour d'appel de Douai le 2 octobre 2000, tel que cela a été rappelé par le jugement du tribunal de grande instance d'Arras du 16 novembre 2006, à libérer et remettre en état cette portion de parcelle, un tel engagement ne pouvait en réalité être tenu au regard de l'affectation de cette partie de la propriété en vertu du cahier des charges du lotissement ; que, par suite, la commune de Méricourt n'a donc pas commis de faute en s'abstenant de lui donner suite ; que, par suite, et alors même que la commune de Méricourt aurait entrepris sans accord des propriétaires des travaux de réfection de la voirie du lotissement sur des terrains ne lui appartenant pas, M. et Mme F...qui, en outre ont acquis leur terrain plusieurs années après ces travaux, n'ont pas subi de préjudice de perte d'usage ;

6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le refus de la mairie de donner suite à la promesse qu'elle aurait formulé en cours d'instance devant le juge judiciaire, alors même qu'elle a pu contribuer à entretenir la confusion, aurait par lui-même fait naître un préjudice moral indemnisable subi par les propriétaires ; qu'il en va de même du prétendu empiètement par la commune ;

7. Considérant qu'enfin, M. et Mme F...ne justifient pas davantage l'existence d'une responsabilité sans faute de la commune, sur le terrain d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, du fait d'un maintien de l'affectation à la voirie de cette partie de la parcelle AL 148 par les travaux de réfection accomplis ;

8. Considérant qu'en l'absence de responsabilité de la commune, M. et Mme F...ne peuvent, en tout état de cause, pas prétendre à la prise en charge de frais de procédure, à les supposer d'ailleurs établis ; qu'en outre, aucun dépens ne résulte de l'instruction ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune, que M. et Mme F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille n'a pas fait droit à l'intégralité de leur demande ; qu'en revanche, la commune de Méricourt est fondée à demander l'annulation du même jugement en tant qu'il l'a condamnée à réparer à M. et Mme F... un préjudice moral ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que M. et MmeF..., qui ont la qualité de parties perdantes dans la présente instance, présentent sur ce fondement à l'encontre de la commune de Méricourt ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme F...une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Méricourt sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 juin 2015 est annulé.

Article 2 : La requête et la demande de M. et Mme F...sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme F...verseront à la commune de Méricourt une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...F...et à la commune de Méricourt.

Délibéré après l'audience publique du 6 avril 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 mai 2017.

Le président-assesseur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président-rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

Nos 15DA01167, 15DA01374

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01167-15DA01374
Date de la décision : 04/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Liberté individuelle - propriété privée et état des personnes - Propriété.

Droits civils et individuels - Droit de propriété - Actes des autorités administratives concernant les biens privés - Voie de fait et emprise irrégulière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : XSCP VAIRON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-05-04;15da01167.15da01374 ?
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