Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2014, et des mémoires, enregistrés les 1er juillet, 2 septembre 2015 et 8 octobre 2015, la société Lomme, représentée par la SELARL Quadrige, demande à la cour : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 juillet 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la SCI du centre commercial du triangle des gares à étendre l'ensemble commercial Euralille, afin de porter sa surface de vente de 35 946 m² à 39 103 m² ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a intérêt pour agir ; - les avis des ministres, qui ne font pas état des critiques portées contre le projet, sont irréguliers ; - en déposant une nouvelle demande portant sur une nouvelle extension trois semaines après avoir obtenu l'accord de la commission départementale, la société a méconnu l'article L. 752-18 du code de commerce ;
- en fractionnant son projet relatif à un même ensemble commercial, la SCI du centre commercial du triangle des gares n'a pas permis aux services instructeurs et aux commissions compétentes de porter une appréciation globale sur la totalité du projet ; - en statuant sur la seule extension de surface commerciale, sans prendre en compte la transformation d'une surface alimentaire en un commerce d'équipement à la personne, la Commission nationale a commis une erreur de droit ; - l'autorisation, qui va accroître l'attractivité commerciale du coeur de l'agglomération, est incompatible avec l'objectif d'aménagement du territoire ; - l'impact sur les flux de circulation a été sous-évalué ; - le projet n'améliore ni l'insertion et le traitement paysager du centre commercial, ni la qualité environnementale des bâtiments existants. Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 février 2015, 23 juillet 2015 et 29 septembre 2015, la SCI du centre commercial du triangle des gares, représentée par Me A...C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Lomme la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est tardive ; - la société Lomme ne justifie pas d'un intérêt à agir qui lui soit propre ; - les moyens sont infondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2015. Vu les autres pièces du dossier. Une note en délibéré présentée pour la société SCI du centre commercial du triangle des gares a été enregistrée le 12 novembre 2015. Vu : - le code de commerce ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur, - les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public, - et les observations de Me B...D..., représentant la société Lomme, et de Me A...C..., représentant la SCI du centre commercial du triangle des gares. Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la SCI du centre commercial du triangle des gares ; 1. Considérant que la SCI du centre commercial du triangle des gares a entrepris la modernisation du centre commercial d'Euralille, inauguré en 1994, situé au coeur du quartier d'affaires du même nom, au centre de la commune de Lille et d'une agglomération dont la population dépasse le million d'habitants ; qu'il y est prévu de réaliser la restructuration de cet ensemble en plusieurs tranches devant donner lieu à des autorisations successives qui portent principalement sur le réagencement des espaces de vente et l'optimisation de l'utilisation de la surface commerciale au sein d'un bâtiment existant ; Sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'avis des ministres : 2. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 752-51 du code de commerce : " Le commissaire du Gouvernement recueille les avis des ministres intéressés, qu'il présente à la commission nationale " ; 3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les ministres n'auraient pas eu connaissance du recours initial de la société Lomme du 27 mars 2014, ni des documents complémentaires transmis à la commission le 5 juin 2014, ni plus généralement qu'ils n'auraient pas formulé leur avis au vu de l'ensemble des pièces du dossier ; que les avis des ministres chargés du commerce, de l'urbanisme et de l'environnement, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur les critiques formulées à l'encontre du projet par la société Lomme, sont suffisamment motivés ; Sur le moyen tiré du défaut d'examen d'ensemble du projet : 4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce, dans la rédaction applicable à l'espèce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / (...) / 3° la création ou l'extension d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752-3 d'une surface de vente totale supérieure à 300 mètres carrés ou devant dépasser ce seuil par la réalisation du projet. (...) " ; qu'aux termes du I de l'article L. 752-3 de ce code : " Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : / 1° soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou plusieurs tranches ; / 2° soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ; / 3° soit font l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation (...) ; / 4° soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé (...) " ; 5. Considérant que la demande de rénovation et d'extension du centre commercial Euralille présentée le 14 janvier 2014 correspondant à une surface commerciale de 3 157 m² et celle déposée le 13 mars 2014 à une surface commerciale de 2 965 m², même si elles sont distinctes et concernent des parties différentes du centre commercial portent sur un même ensemble commercial au sens des dispositions de l'article L. 752-3 du code de commerce ; qu'un tel ensemble doit, en principe, en vertu de ces dispositions, faire l'objet d'une demande d'autorisation unique, comportant l'analyse de l'impact global du projet sur la clientèle et les équipements existant dans la zone d'attraction délimitée au vu de cet ensemble ; qu'il est toutefois loisible à la Commission nationale d'aménagement commercial d'examiner de façon distincte chacune des demandes et de prendre des décisions séparées, dès lors que, ayant analysé ces demandes lors d'une même séance, elle a été en mesure, sur la base des éléments fournis par les services instructeurs, de porter une appréciation globale sur l'ensemble formé par les demandes fractionnées ; 6. Considérant que la Commission nationale d'aménagement commercial a été saisie dans des délais rapprochés de deux recours dirigés contre les décisions d'autorisation prises par la commission départementale d'aménagement commercial du Nord relatives aux deux projets d'aménagement et d'extension de la surface de vente au sein du centre Euralille déposés par SCI du centre commercial du triangle des gares ; qu'il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale avait ainsi connaissance de ces deux recours lorsqu'elle a examiné la première demande au cours de sa séance du 16 juillet 2014 ; qu'il est cependant constant qu'elle n'a pas examiné les deux projets lors de la même séance et qu'en statuant sur le premier dossier par sa décision du 16 juillet 2014, seule contestée devant la cour administrative d'appel de Douai, elle n'a pas tenu compte du second projet ; qu'elle ne s'est donc pas livré à leur appréciation globale ; que s'il est vrai, ainsi qu'il est soutenu, qu'elle a pris en compte le premier projet lors de sa séance du 10 septembre 2014 consacrée au second projet, cette seule circonstance ne permet pas de regarder la première décision comme reposant sur une appréciation globale ; 7. Considérant, toutefois, que, dans les circonstances particulières de l'espèce, les deux projets, qui concernent une superficie réduite au regard de la surface totale du centre commercial, n'ont pas porté atteinte à la structure de cet équipement et n'ont pas bouleversé ses modalités d'accès ou ses autres caractéristiques ; que, compte tenu du caractère définitif de la seconde décision, une appréciation globale des deux projets lors de la même séance s'avère désormais impossible ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de la Commission nationale aurait été différente si elle s'était livré, comme elle aurait dû le faire, à un examen global des deux projets lors de la même séance ou que la privation de la garantie qui s'attache normalement à une telle appréciation globale aurait été susceptible d'affecter effectivement les droits des personnes intéressées ; que, par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté ; Sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 752-18 du code de commerce : 8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-18 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable : " Avant l'expiration du délai de recours ou, en cas de recours, avant la décision de la commission nationale, le permis de construire ne peut être accordé ni la réalisation entreprise et aucune nouvelle demande ne peut être déposée pour le même terrain d'assiette auprès de la commission départementale d'aménagement commercial " ; 9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit aux points précédents, la SCI du centre commercial du triangle des gares n'a pas déposé deux demandes identiques portant sur le même projet dans un délai inférieur à un an ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 752-18 du code de commerce doit être écarté comme inopérant ;
Sur la méconnaissance de l'article L. 752-1 du code de commerce : 10. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 752-1 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / (...) / 3° Tout changement de secteur d'activité d'un commerce d'une surface de vente supérieure à 2 000 mètres carrés. Ce seuil est ramené à 1 000 mètres carrés lorsque l'activité nouvelle du magasin est à prédominance alimentaire ; / (...) / 5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet ; / (...) " ; 11. Considérant que les dispositions précitées ne faisaient pas obstacle à ce que la Commission nationale, qui était informée que le projet comportait un changement de secteur d'activité entrant dans les prévisions du 3° de l'article L. 751-2, et une extension de la surface de vente visée par le 5° du même article, autorise par une décision unique le projet qui lui était soumis ; Sur l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial : 12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs " ; 13. Considérant que le projet autorisé par la Commission nationale tend à l'extension de 3 157 m² de l'ensemble commercial Euralille par réduction de 3 995 m² de la surface de vente d'un hypermarché Carrefour et création d'une moyenne surface spécialisée dans l'équipement de la personne de 5 357 m² à l'enseigne Primark et de neuf boutiques de moins de 300 m² chacune totalisant 1 395 m² ; qu'il n'est pas établi que ce projet, par sa nature et son ampleur, serait susceptible d'affecter de manière sensible la vie urbaine de l'agglomération lilloise, dont la population excède le million d'habitants et qui comporte plusieurs pôles urbains dotés chacun de très nombreux commerces, ou qu'il serait susceptible d'avoir un impact significatif sur l'activité commerciale des communes périphériques, en particulier celle de Lomme ; 14. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la Commission nationale aurait commis une erreur dans la délimitation de la zone de chalandise dont la société requérante se prévaut en faisant valoir que l'enseigne Primark serait très attractive ; 15. Considérant qu'il n'est pas davantage établi que la restructuration aura un impact sensible sur le trafic automobile alors qu'une partie importante de la clientèle du centre commercial s'y rend à pied ou par les transports en commun ; que les difficultés de la circulation dans le centre de Lille ne sauraient à elles seules faire obstacle aux projets visant à rénover Euralille ; qu'enfin, la société requérante n'établit pas que les infrastructures actuelles seraient insuffisantes pour absorber une augmentation modérée du trafic routier ; 16. Considérant que le projet litigieux, qui ne nécessitera aucune construction nouvelle, consiste dans le réaménagement intérieur de l'ensemble immobilier existant ; qu'il n'aura aucun impact paysager ; qu'il ressort des pièces du dossier que la rénovation permettra d'améliorer les performances énergétiques du centre qui sera certifié à leur issue " Beeam in Use " à un niveau " double excellent " ; 17. Considérant qu'il résulte des points précédents que les moyens tirés de la violation des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce doivent être écartés ; 18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer les fins de non-recevoir opposées à la requête, que la société Lomme n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la SCI du centre commercial du triangle des gares au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de la société Lomme est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la SCI du centre commercial du triangle des gares sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lomme, à la SCI du centre commercial du triangle des gares et à la Commission nationale d'aménagement commercial. Délibéré après l'audience publique du 12 novembre 2015 à laquelle siégeaient : - M. Olivier Yeznikian, président de chambre, - M. Christian Bernier, président-assesseur, - M. Hadi Habchi, premier conseiller. Lu en audience publique le 26 novembre 2015. Le président-rapporteur,Signé : C. BERNIERLe président de chambre,Signé : O. YEZNIKIANLe greffier,Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme,Le greffier en chef,Par délégation,Le greffier,Sylviane Dupuis''''''''N°14DA01765 2