Vu la requête, enregistrée le 4 août 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Y... et Mme X... Y, épouse , demeurant ..., par Me B... ; M. et Mme demandent à la cour :
1') de réformer le jugement n° 02-2065 du 30 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Bihorel à leur verser la somme de 8 000 euros, qu'ils estiment insuffisante, en réparation du préjudice subi du fait de la faute commise par la commune en leur délivrant une note de renseignements d'urbanisme erronée ;
2') de condamner la commune de Bihorel à leur verser les sommes de 8 514,32 euros et de 2 188,68 euros en réparation de leur préjudice matériel et la somme complémentaire de 8 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
3°) de condamner la commune de Bihorel à leur verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que la commune de Bihorel a commis une faute en leur fournissant, le
24 mai 2000, une note de renseignements d'urbanisme omettant de mentionner l'existence d'une présomption de marnières, alors qu'elle était informée par un rapport du CETE de mai 1998 de la présence de cavités souterraines dans la zone où est située la maison qu'ils ont acquise à la suite de la délivrance de cette note ; que, s'ils avaient eu connaissance de l'existence de risques sur cette zone, ils n'auraient pas acquis ce bien ; que le préjudice dont ils demandent réparation est directement lié à la faute de la commune ; que leur préjudice matériel est constitué par le coût des sondages nécessaires pour lever la suspicion de marnières ainsi que par le coût de remise en état de leur jardin après réalisation des sondages ; que leur préjudice moral continuera à courir tant que la suspicion de marnières sous leur terrain n'aura pas été levée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2004, présenté pour la commune de Bihorel par Me Z... ; la commune de Bihorel conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. et Mme à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle demande en outre à la Cour, par la voie du recours incident, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par M. et
Mme devant le Tribunal administratif de Rouen ; elle soutient que la demande de première instance de M. et Mme , présentée quinze jours après l'envoi de leur réclamation préalable, était irrecevable ; qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité, dès lors qu'elle n'avait pas à mentionner sur la note d'urbanisme un risque éventuel résultant d'une simple suspicion de marnière, seul devant être signalé un risque prévisible lié à l'existence connue d'une marnière ; que les requérants n'ont pas apporté la preuve d'un lien de causalité entre la faute prétendue de la commune et le préjudice qu'ils invoquent ; qu'en tout état de cause, en l'absence de réalisation des travaux de sondages et de remise en état et alors que seule une bande de terrain de quatre à cinq mètres est susceptible de se trouver dans le secteur de risque, le préjudice matériel lié au coût de ces travaux demeure purement éventuel ; que, s'agissant du préjudice moral invoqué, il n'est pas établi que M. et Mme aient été dans l'impossibilité de se déterminer en toute connaissance de cause lors de la signature de l'acte d'acquisition, du seul fait que la suspicion de marnière n'ait pas été notée sur le document d'urbanisme ; qu'aucun risque réel n'existe, ni pour la sécurité des personnes, ni pour la solidité de leur maison éloignée du périmètre de protection ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 2005 à laquelle siégeaient M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. Dupouy, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du Gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Bihorel :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme ont adressé à la commune de Bihorel, le 16 septembre 2002, une demande préalable d'indemnisation et ont présenté une demande complémentaire le 14 octobre 2002 ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la commune de Bihorel, la demande dont ils ont saisi le Tribunal administratif de Rouen le 31 octobre 2002 était recevable, même si, à la date d'introduction de cette demande, leur réclamation préalable n'avait pas encore fait l'objet d'une décision de rejet, implicite ou expresse, de la part de la commune ;
Sur la responsabilité :
Considérant que le maire de la commune de Bihorel a délivré à M. et Mme , le
24 mai 2000, une note de renseignements d'urbanisme concernant une parcelle bâtie pour laquelle ils avaient signé un compromis de vente le 1er avril 2000 ; qu'à la suite de la délivrance de cette note de renseignements, M. et Mme ont acquis le bien immobilier en question le 4 juillet 2000 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Bihorel était informée dès le mois de juin 1998, date de remise d'un rapport du centre d'études techniques de l'équipement de Normandie-Centre recensant les indices de cavités souterraines sur le territoire de la commune, de l'existence de tels indices dans un périmètre incluant une partie du terrain des requérants ; que, dans le cadre de la révision de son plan d'occupation des sols engagée à la suite de ce rapport, la commune de Bihorel a établi un plan de zonage tenant compte des risques liés aux cavités souterraines ; que les présomptions de cavités auraient ainsi dû être signalées à M. et
Mme , alors même que les risques pesant sur la propriété qu'ils envisageaient d'acquérir n'étaient qu'éventuels ; qu'en délivrant une note de renseignements qui ne mentionnait pas l'existence de ces indices de cavités, la commune de Bihorel intimée a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, par suite, ladite commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen l'a déclarée responsable des préjudices subis par M. et Mme du fait de l'omission d'une information qui était nécessaire à ces derniers pour leur permettre de se prononcer en toute connaissance de cause sur leur projet d'acquisition ;
Sur le préjudice :
Considérant, d'une part, que pas plus en appel qu'en première instance, M. et
Mme ne justifient avoir réalisé les sondages qui leur permettraient de s'assurer de l'existence ou de l'absence de marnières sous la bande de terrain suspecte ainsi, qu'éventuellement, de leur étendue ; qu'ils ne sont, dès lors, pas fondés à demander réparation du préjudice matériel qu'ils invoquent, correspondant au coût des travaux de sondages et aux frais de remise en état du jardin après réalisation des sondages ;
Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que soutient la commune de Bihorel, le tribunal administratif n'a pas fait une excessive appréciation du préjudice moral de M. et
Mme et des troubles de toute nature dans leurs conditions d'existence directement liés à la faute de la commune en leur allouant de ce chef une somme de 8 000 euros ; que les requérants ne sont pas fondés à demander le versement d'une indemnité complémentaire à ce titre, dès lors que l'incertitude dans laquelle ils demeurent sur l'état exact du sous-sol de leur propriété résulte uniquement de leur décision de ne pas réaliser les sondages préconisés par l'expert ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a limité à 8 000 euros l'indemnité due par la commune de Bihorel en réparation de leur préjudice ; que ladite commune n'est pas davantage fondée à demander, par la voie du recours incident, l'annulation de ce jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées tant par M. et Mme que par la commune de Bihorel ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. et Mme est rejetée.
Article 2 : L'appel incident de la commune de Bihorel et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y... , à la commune de Bihorel et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience du 28 avril, à laquelle siégeaient :
- M. Merloz, président de chambre,
- M. Dupouy, président-assesseur,
- M. Stéphan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 mai 2005.
Le rapporteur,
Signé : A. DUPOUY
Le président de chambre,
Signé : G. MERLOZ
Le greffier,
Signé : B. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
B. A...
2
N°03DA00854
6
N°03DA00854