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03/11/2022 | FRANCE | N°22BX00508

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 03 novembre 2022, 22BX00508


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105403 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête enregist

rée le 15 février 2022, M. A..., représenté par Me Hugon, demande à la cour :

1°) d'annuler le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105403 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête enregistrée le 15 février 2022, M. A..., représenté par Me Hugon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité, sous quinze jours, ou subsidiairement de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour et de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la préfète de la Gironde ne pouvait regarder sa demande de titre de séjour comme irrecevable alors qu'il avait produit ses documents d'état civil ; la décision méconnaît donc l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal a renversé la charge de la preuve sur l'existence d'éléments de nature à faire douter de l'authenticité des actes d'état civil présentés, alors que la préfecture ne l'a pas informé des motifs pour lesquels elle a soumis les documents à vérification ; l'arrêté est entaché d'un vice de procédure de ce fait ;

- l'attestation de retenue des documents ne l'a pas informé de la possibilité de présenter des observations, ce qui l'a privé d'une garantie ;

- il a justifié de son état civil en produisant la transcription d'un jugement supplétif d'acte de naissance, sa carte d'identité consulaire et une attestation du consulat et une attestation de scolarité en Guinée ; les seuls constats de la cellule de fraude documentaire n'établissent pas l'inauthenticité du jugement supplétif, qui a été légalisé par le ministère des affaires étrangères le 1er avril 2019, et la transcription sur le registre d'état civil, également légalisée, n'est pas contestée ; il n'appartient pas à la juridiction administrative de se prononcer sur la régularité du jugement supplétif au regard du code civil guinéen, qui au demeurant n'impose pas à de tels jugements de comporter les mentions exigées dans les actes de naissance ; le droit guinéen ne prévoit pas la sécurisation de la carte consulaire, si bien qu'aucun défaut de sécurisation ne peut être opposé ; la circonstance qu'il ne détient pas de passeport atteste seulement des difficultés pour obtenir un rendez-vous à l'ambassade ; la scolarisation en " 2ème année " en 2013-2014 à Conakry corrobore l'âge de 9 ans qu'il avait alors ; il avait d'ailleurs été évalué mineur à son arrivée à Pau en 2019, d'où son placement auprès de l'aide sociale à l'enfance, et le procureur de la République de Bordeaux n'a pas donné suite au signalement qui lui avait été adressé ;

- la décision méconnaît l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre 16 ans et 18 ans, et qu'il suivait avec assiduité depuis plus de 6 mois une formation professionnelle en CAP agent polyvalent de restauration, avec un contrat jeune majeur, et a obtenu un contrat à durée indéterminée en qualité de préparateur en boulangerie ; il n'a plus de contacts avec sa famille qu'il a quittée après le décès de sa mère en 2015, son père et sa belle-mère le maltraitant ;

- la préfète n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation au regard de son parcours d'insertion, et a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée, méconnaissant l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale au regard de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 7 avril 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Hugon, représentant M. A..., lui-même présent.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen se disant né le 26 décembre 2002, est arrivé en France en 2019 et a bénéficié, après évaluation de sa minorité à Pau le 12 février 2019, d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance en Gironde, renouvelé en décembre 2020 et suivi d'un contrat jeune majeur jusqu'au 25 juin 2021. Le 24 novembre 2020, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors applicables de l'article L 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu depuis L.435-3. La préfète de la Gironde lui a indiqué qu'elle retenait ses documents d'identité pour vérification, puis, par un arrêté du 13 septembre 2021, a rejeté sa demande en considérant qu'il ne justifiait pas de son identité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé son pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 6 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. A... soutient que son dossier était complet au regard des pièces requises par l'article R.431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le 1° demandant à l'étranger de produire " Les documents justifiant de son état civil " (...). Toutefois, la circonstance que la préfète ait indiqué dans l'arrêté qu'au regard des fraudes dont était entaché le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance produit, M. A... ne justifiait pas de son identité et que sa demande était " irrecevable ", pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté dès lors que la préfète a néanmoins procédé ensuite à un examen complet de la situation de l'intéressé au regard tant de son parcours en France que de ses liens avec son pays d'origine, pour conclure qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prétendre à titre exceptionnel à un titre de séjour.

3. En deuxième lieu, la préfète a suffisamment mis à même M. A... de présenter d'éventuelles observations sur l'authenticité de ses documents d'état civil en l'informant préalablement que leur caractère " douteux " l'amenait à solliciter une vérification de leur authenticité auprès d'une cellule spécialisée en fraude documentaire, et l'intéressé a été informé devant le tribunal des conclusions précises auxquelles cette cellule était parvenue, qu'il n'a d'ailleurs pas critiquées. Il n'a ainsi été privé d'aucune garantie.

4. En troisième lieu, l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

5. M. A... persiste à soutenir en appel que le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance, sa transcription au registre d'état civil de Guinée, tous deux légalisés, et la carte consulaire délivrée par le consulat de Guinée en France suffisaient à justifier de son identité et de sa date de naissance, et donc qu'il avait bien été confié à l'aide sociale à l'enfance entre seize et dix-huit ans.

6. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

7. Lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de délivrance de titre de séjour, M. A..., qui avait déclaré lors de son arrivée en France au début de 2019 n'être en possession d'aucun document d'état civil, a produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance mentionnant sa naissance le 26 décembre 2002, établi le 6 décembre 2018 sous le n°28751, et sa transcription dans les registres d'état civil de la commune de Ratoma, Conakry le 26 décembre 2018 sous le numéro 11160, légalisée par la direction des affaires juridiques et consulaires du ministère des affaires étrangères de la République de Guinée le 1er avril 2019. Il a également produit une carte consulaire délivrée le 24 octobre 2019 par l'ambassade de Guinée en France, et une attestation de cette ambassade indiquant qu'elle ne délivre pas de passeports.

9. Le jugement supplétif, ainsi que l'extrait du registre d'état civil de Guinée ont été soumis par la préfète de la Gironde à l'examen technique de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Bordeaux, qui a émis un avis défavorable. Il ressort du rapport établi par ce service le 4 mars 2021 que le timbre fiscal apposé sur le jugement supplétif d'acte de naissance a déjà été utilisé. Un décalage est visible entre le cachet du support et le cachet du timbre. Par suite, l'extrait du registre d'état civil et la carte d'identité consulaire basés sur ce document sont dépourvus de force probante. Ainsi, M. A... ne peut justifier, par les pièces produites, qu'il aurait bien été confié à l'aide sociale à l'enfance entre 16 et 18 ans, et n'entre donc pas dans les conditions prévues par l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. M. A... soutient enfin que le refus de titre de séjour méconnait l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

11. Si le requérant fait valoir qu'il a réussi son CAP d'agent polyvalent de restauration en juin 2021 et obtenu au mois de septembre suivant un contrat de préparateur en boulangerie, et qu'il n'a plus de contacts avec sa famille qu'il a quittée après le décès de sa mère en 2015, son père et sa belle-mère le maltraitant, ces éléments, à supposer les derniers établis, ne suffisent pas à démontrer qu'en lui refusant un titre de séjour, la préfète aurait commis une erreur d'appréciation sur l'intensité et l'ancienneté de ses liens personnels et familiaux en France. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas davantage entachée d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et la décision fixant le pays de renvoi n'est pas dépourvue de base légale.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a refusé d'annuler la décision du 13 septembre 2021 de la préfète de la Gironde. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent donc qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Une copie sera adressée pour information à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2022.

La présidente-assesseure,

Anne Meyer

La présidente, rapporteure,

Catherine B...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX00508


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00508
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : HUGON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-03;22bx00508 ?
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