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05/07/2022 | FRANCE | N°21BX04257

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 05 juillet 2022, 21BX04257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Aéroport de Martinique Aimé Césaire (SAMAC) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 décembre 2014 par laquelle le ministre chargé du budget a rejeté sa demande d'agrément pour bénéficier d'une réduction d'impôt à raison d'un investissement productif réalisé outre-mer.

Par une ordonnance du 22 mars 2016 le tribunal administratif de Paris a transmis la requête présentée par la SAMAC au tribunal administratif de la Martinique.

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n jugement n° 1600163 du 15 février 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Aéroport de Martinique Aimé Césaire (SAMAC) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 décembre 2014 par laquelle le ministre chargé du budget a rejeté sa demande d'agrément pour bénéficier d'une réduction d'impôt à raison d'un investissement productif réalisé outre-mer.

Par une ordonnance du 22 mars 2016 le tribunal administratif de Paris a transmis la requête présentée par la SAMAC au tribunal administratif de la Martinique.

Par un jugement n° 1600163 du 15 février 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18BX01654 du 18 juin 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 15 février 2018 ainsi que la décision du ministre des finances et des comptes publics du 18 décembre 2014 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision du 19 novembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, annulé l'arrêt du 18 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 avril et 12 novembre 2018 sous le n° 18BX01654, désormais enregistrés sous le n° 21BX0457, ainsi que par un mémoire enregistré le 24 mars 2022, la société Aéroport de Martinique Aimé Césaire, représentée par Me Lucas et Me Badinier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600163 du tribunal administratif de la Martinique du 15 février 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2014 du ministre chargé du budget ;

3°) de dire et juger recevable la demande d'agrément présentée par la société SAMAC le 5 juin 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les passerelles télescopiques ne constituent pas des ouvrages publics ; elles se déplacent et font l'objet d'entretien, révision ou réparation ; elles ne peuvent donc qu'être qualifiées de biens meubles et ne peuvent pas être regardées comme des ouvrages publics ou l'accessoire de ceux-ci ;

- si, par extraordinaire, ces investissements sont regardés comme présentant un tel caractère, les passerelles télescopiques sont directement affectées à la réalisation d'un service de transport aérien éligible au dispositif prévu à l'article 217 undecies par application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts et non à un service aéroportuaire ; il résulte des conditions générales de transport délivrées par les compagnies aériennes que le service de transport aérien inclut le transport du passager et de ses bagages, depuis les opérations d'embarquement jusqu'aux opérations de débarquement ;

- s'il n'existe aucune définition fiscale de l'activité de transport, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et du Conseil d'État que les services dont la fourniture correspond à l'exécution des obligations découlant d'un contrat de transport aérien de personnes sont l'enregistrement, l'embarquement des passagers et l'accueil de ces derniers à bord de l'avion au lieu de décollage convenu dans le contrat de transport, le départ de l'appareil à l'heure prévue, le transport des passagers et de leurs bagages du lieu de départ au lieu d'arrivée, la prise en charge des passagers pendant le vol, et, enfin, le débarquement de ceux-ci, dans des conditions de sécurité, au lieu d'atterrissage et à l'heure convenus ;

- si la cour devait regarder les opérations d'embarquement et de débarquement comme auxiliaires au service de transport aérien, les investissements entreraient dans le champ du dispositif ; l'administration fiscale avait d'ailleurs elle-même précisé dans ses instructions référencées 4 H-2-07 et 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, dont elle entend se prévaloir sur le fondement de 1'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, que les services auxiliaires aux transports (manutention portuaire et aéroportuaire, entreposage notamment) ne relèvent pas du secteur des activités de services fournis aux entreprises, exclu du champ d'application du dispositif ;

- la réalisation du service de transport aérien présente un caractère industriel et commercial qui n'exige la mise en œuvre directe d'aucune prérogative de puissance publique ; l'objet du service est comparable à celui mené par une entreprise privée soit une activité de production, de distribution ou de prestation de services ; les ressources perçues pour exercer cette activité ont une origine comparable à celles d'une entreprise commerciale, dès lors qu'elles proviennent de redevances perçues sur les usagers en contrepartie de prestations fournies aux compagnies aériennes ; les modalités de fonctionnement de la société sont identiques à celles d'une entreprise commerciale ; à cet égard, l'acquisition des passerelles télescopiques par la société SAMAC, de sa propre initiative et sans aucune contrainte extérieure autre que commerciale, dont l'objet est d'augmenter le trafic passager s'inscrit dans une stratégie commerciale ; l'acquisition et l'exploitation de ces passerelles doivent donc être qualifiées de service public à caractère industriel et commercial ;

- la demande d'aide fiscale afférente à l'acquisition des passerelles télescopiques ne nécessite la mise en œuvre d'aucune prérogative de puissance publique exorbitante de droit commun ; elle n'a d'ailleurs pas sollicité l'avis ou l'autorisation du ministre chargé de 1'aviation civile ; la demande d'agrément, objet du présent litige, est une simple décision de gestion intervenant dans le cadre de l'exploitation commerciale d'un aéroport régional.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 août 2018 et le 8 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par lettre du 2 avril 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les dispositions du III de l'article 217 undecies du code général des impôts ne permettent pas au ministre de refuser l'agrément qu'elles prévoient, en totalité ou en partie, pour des raisons autres que celles qui sont fixées par la loi.

Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B... ;

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme Aéroport de Martinique Aimé Césaire (SAMAC) a présenté le 5 juin 2014 au ministre chargé du budget une demande d'agrément sur le fondement du III de l'article 217 undecies du code général des impôts, afin de bénéficier de la déduction du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés prévue au I du même article, applicable aux investissements productifs réalisés outre-mer, au titre de l'acquisition de passerelles télescopiques de transport de passagers et de la réalisation de travaux d'aménagement relatifs à ces investissements, pour un montant de 5 535 000 euros. Par une décision du 18 décembre 2014, le ministre chargé du budget a refusé de lui accorder cet agrément. Par un jugement du 15 février 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande de la SAMAC tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt du 18 juin 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 15 février 2018 ainsi que la décision du ministre des finances et des comptes publics du 18 décembre 2014. Par une décision du 19 novembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, annulé l'arrêt du 18 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et a renvoyé l'affaire devant la cour.

2. Aux termes du I de l'article 217 undecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " I. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés réalisant, au titre de leur dernier exercice clos, un chiffre d'affaires inférieur à 20 millions d'euros peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant, hors taxes et hors frais de toute nature, (...) des investissements productifs, (...), qu'elles réalisent dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de la Réunion pour l'exercice d'une activité éligible en application du I de l'article 199 undecies B. (...) / La déduction prévue au premier alinéa s'applique à la réalisation d'investissements affectés plus de cinq ans par le concessionnaire à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial et réalisés dans des secteurs éligibles définis par ce même alinéa. (...) ". Conformément au I de l'article 199 undecies B du même code : " I. - Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) ".

3. Aux termes du III de l'article 217 undecies : " 1. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I réalisés dans les secteurs des transports, (...) ou qui sont nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer (...). ".

4. Il résulte de ces dispositions que, pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, le droit à déduction des résultats imposables prévu à l'article 217 undecies du code général des impôts au bénéfice des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de la Réunion pour l'exercice d'activités définies au I de l'article 199 undecies B du même code, s'applique sous réserve que soient satisfaites les conditions de fond relatives notamment à la nature, à la localisation et à la réalisation des investissements éligibles fixées au I de l'article 217 undecies. En vertu du III du même article, certains de ces investissements ne peuvent ouvrir droit à déduction que s'ils ont obtenu préalablement, un agrément du ministre chargé du budget. La délivrance de cet agrément est ainsi subordonnée au respect des conditions posées au I et au III de l'article 217 undecies. Il revient donc à l'administration fiscale, lorsqu'elle instruit une demande d'agrément présentée au titre de l'article 217 undecies, de s'assurer que l'investissement en cause entre bien dans le champ d'application de la déduction tel que défini par le I, puis, le cas échéant, de vérifier si les conditions de délivrance de l'agrément au regard des conditions fixées par le III du même article sont remplies.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la SAMAC, créée le 15 décembre 2011 par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la Martinique, est détenue à 60 % par l'Etat, 25 % par la CCI de la Martinique, 10 % par la région Martinique, 4 % par la commune du Lamentin et 1 % par celle de Ducos. L'intéressée est titulaire d'un contrat de concession du service public aéroportuaire conclu avec le ministre chargé de l'aviation civile, agissant au nom de l'État, portant sur l'exploitation de l'aérodrome de Martinique Aimé Césaire. Au titre de ses activités, la société est notamment chargée d'assurer l'embarquement, le débarquement et l'acheminement à terre des voyageurs, la mise à disposition de l'aéroport aux passagers ainsi que l'accueil du public. L'acquisition de passerelles télescopiques de transport de passagers, qu'elles soient ou non qualifiées d'ouvrages publics, ainsi que la réalisation de travaux d'aménagement relatifs à ces investissements participent directement à l'exécution de ces activités qui, eu égard à leur objet, relèvent des missions de service public administratif assurées par la société et sont exclues, en tant que telles, du champ d'application de la déduction tel que défini par le I de l'article 217 undecies du code général des impôts. Dès lors, quand bien-même la société assurerait par ailleurs des activités relevant d'un service public industriel et commercial, c'est à bon droit que, pour ce seul motif, l'administration fiscale a rejeté la demande d'agrément présentée par la SAMAC à raison de ces investissements.

6. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été exposé au point précédent et dès lors que l'investissement productif en litige ne respecte pas les conditions posées par le I de l'article 217 undecies du code général des impôts, la SAMAC ne peut utilement soutenir qu'elle exerce son activité dans le secteur du transport, mentionné au III du même article.

7. En dernier lieu, la SAMAC ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions référencées 4 H-2-07 et 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 dès lors que le présent litige n'a pas pour objet un rehaussement d'imposition.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAMAC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société anonyme Aéroport de Martinique Aimé Césaire est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Aéroport de Martinique Aimé Césaire et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

Le rapporteur,

Michaël B... La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX04257


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET KPMG

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 05/07/2022
Date de l'import : 12/07/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21BX04257
Numéro NOR : CETATEXT000046024073 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-05;21bx04257 ?
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