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20/05/2022 | FRANCE | N°21BX04314

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 20 mai 2022, 21BX04314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F..., M. B... F... et M. D... F... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Saint-Denis à leur verser, d'une part, une provision de 168 153 euros au titre des travaux à engager pour le rétablissement de l'accès à leur propriété sise chemin C... et, d'autre part, une provision de 198 000 euros au titre de l'indemnisation due pour l'emprise irréguli

ère subie du fait des travaux de voirie réalisés en 2008.

Par ordonnance n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F..., M. B... F... et M. D... F... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Saint-Denis à leur verser, d'une part, une provision de 168 153 euros au titre des travaux à engager pour le rétablissement de l'accès à leur propriété sise chemin C... et, d'autre part, une provision de 198 000 euros au titre de l'indemnisation due pour l'emprise irrégulière subie du fait des travaux de voirie réalisés en 2008.

Par ordonnance n° 2100937 du 14 octobre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2021, M. A... F..., M. B... F... et M. D... F..., représentés par Me Cazin, demandent au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 14 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de condamner la commune de Saint-Denis de la Réunion à leur verser une

somme totale de 198 000 euros à titre de provision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que l'ordonnance attaquée a rejeté leur demande au titre de l'indemnisation de l'emprise irrégulière au motif que leur créance était prescrite, dès lors que les multiples recours ont interrompu la prescription quadriennale ;

- ils n'ont eu connaissance de l'ampleur du dommage que lors de l'intervention le 29 novembre 2019 d'un expert agréé ;

- il y a emprise irrégulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2022, la commune de Saint-Denis, représentée par Me Armoudom, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête n'est pas recevable en tant qu'elle émane de M. D... G... ;

- la requête est irrecevable car elle n'a pas été précédée d'une demande préalable ;

- la prescription quadriennale est acquise ;

- c'est en raison de la résistance abusive de M. F... que la commune n'a pu réaliser la voie d'accès à la parcelle BZ 1227.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme E... H... en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F..., M. B... F... et M. D... F... sont propriétaires indivis à Saint-Denis de La Réunion des parcelles cadastrées BZ 1227 et BZ 1228, sur lesquelles est édifié un immeuble situé 45 chemin C... à la Montagne. En 2008, la commune de Saint-Denis a procédé à des travaux d'élargissement du chemin C..., afin d'améliorer l'accès à la parcelle située en face de la propriété F..., qui a fait l'objet le 7 septembre 2010 d'un permis de construire un immeuble de quarante-deux logements. Ces travaux ont entrainé l'abaissement de plus de quatre mètres du niveau du terrain au droit de la propriété F..., la suppression de l'unique accès de la propriété F... à la voie publique et l'amputation d'une partie de la propriété.

2. Par ordonnance du 21 septembre 2012, le président du tribunal administratif de Saint-Denis a ordonné une expertise aux fins de constatation des désordres affectant la propriété F... et des moyens d'y remédier, et l'expert a rendu son rapport le 20 septembre 2013. Par ordonnance du 24 juin 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis a condamné la commune à réaliser les travaux confortatifs du mur de soutènement ainsi que toute mesure qui se révèlerait indispensable à la sécurité publique, et par ordonnance du 11 février 2015, le juge des référés a condamné la commune à financer les travaux de réalisation d'une voie pour désenclaver la propriété F... dans un délai de six mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par ordonnance du 30 mars 2018, le juge des référés, après avoir jugé que le désenclavement de la propriété F... n'était pas réalisé, a liquidé l'astreinte à la somme de 192 400 euros et porté le taux de l'astreinte à 400 euros par jour de retard. Par une ordonnance du 4 juillet 2018, le juge des référés du Conseil d'État a ramené le montant de l'astreinte à 100 000 euros, alloués à M. F... à hauteur de 20 000 euros et au budget de l'État à hauteur de 80 000 euros. Par ordonnance du 15 mai 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis a procédé à une seconde liquidation de l'astreinte, et condamné la commune à verser 25 000 euros à M. A... F... et 55 000 euros au budget de l'État, mais, par ordonnance du 27 juin 2019, le juge des référés du Conseil d'État a annulé cette ordonnance, estimant que la commune de Saint-Denis avait mis en œuvre les moyens nécessaires à l'exécution de l'ordonnance du 11 février 2015, dont l'inexécution à ce stade relevait de l'opposition manifestée par les consorts F... aux solutions amiables ou contentieuses préconisées.

3. Les membres de l'indivision F... ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Denis à leur verser, d'une part, une provision de 168 153 euros au titre des travaux à engager pour le rétablissement de l'accès à leur propriété sise chemin C... et, d'autre part, une provision de 198 000 euros au titre de l'indemnisation de l'emprise irrégulière. MM. F... relèvent appel de l'ordonnance du 14 octobre 2021 rejetant leur demande, et sollicitent la condamnation de la commune de Saint-Denis à leur verser à titre de provision la somme de 198 000 euros au titre de l'emprise irrégulière.

4. L'article R. 541-1 du code de justice administrative dispose que : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. "

Sur les fins de non-recevoir :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que MM. Denis et Paul F... sont propriétaires indivis de la parcelle BZ 1227 située chemin C... à La Montagne, et que M. D... F... est propriétaire de la parcelle voisine BZ 1228, située elle aussi chemin C... à La Montagne et appartenant à la même unité foncière. Par suite, la fin de non-recevoir tirée par la commune de ce que M. D... C... n'aurait pas qualité pour agir en réparation de l'emprise irrégulière doit être écartée.

6. En second lieu, par réclamation du 15 octobre 2019 adressée à la commune de Saint-Denis, les consorts F... ont sollicité l'indemnisation du préjudice que leur a causé l'emprise irrégulière. La fin de non-recevoir tirée du défaut de demande préalable doit être écartée.

Sur la prescription :

7. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ".

8. Il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions non contestées de l'expertise foncière réalisée à la demande des requérants en novembre 2019, que les travaux d'élargissement du chemin C... réalisés par la commune de Saint-Denis en 2008 ont empiété sur l'unité foncière appartenant aux consorts F..., l'amputant d'une surface d'environ 330 m2. En 2012 et 2014, les consorts F... ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion de demandes tendant, pour la première, à la désignation d'un expert à fin d'évaluer les désordres affectant leur propriété, et pour la seconde, à la désignation d'un expert pour effectuer une délimitation contradictoire du domaine public le long du chemin C.... En 2015, les consorts F... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion d'ordonner à la commune de réaliser des travaux confortatifs du mur le long du chemin C.... Ces requêtes, relatives au fait générateur de la créance dont se prévalent les requérants, ont interrompu la prescription quadriennale. Ainsi, à la date de la demande préalable du 15 octobre 2019, la créance n'était pas prescrite.

Sur l'existence de l'obligation :

9. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise foncière de novembre 2019, que le chemin C... longe la propriété F... sur une longueur d'environ 100 mètres, et que, du fait des travaux d'élargissement de ce chemin réalisés par la commune de Saint-Denis en 2008, l'emprise du chemin déborde en moyenne de 3,30 mètres sur la propriété, pour une emprise totale de 330 mètres carrés. Par suite, la créance des requérants sur la commune de Saint-Denis ne peut être regardée comme sérieusement contestable. En l'état du dossier soumis au juge des référés, il y a lieu de condamner la commune de Saint-Denis à leur verser à titre de provision une somme de 30 000 euros.

Sur les frais de l'instance :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis de La Réunion la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La commune de Saint-Denis de La Réunion est condamnée à verser aux consorts F... la somme de 30 000 euros à titre de provision.

Article 2 : L'ordonnance du 14 octobre 2021du juge des référés du tribunal administratif de La réunion est réformée en ce qu'elle est contraire à l'article premier.

Article 3 : La commune de Saint-Denis de La Réunion versera aux consorts F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... F..., M. B... F... et M. D... F... et à la commune de Saint-Denis de La Réunion.

Fait à Bordeaux, le 20 mai 2022.

Le juge d'appel des référés,

Frédérique H...

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

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N° 21BX04314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 21BX04314
Date de la décision : 20/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SARL CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-20;21bx04314 ?
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