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20/01/2022 | FRANCE | N°21BX02685

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 20 janvier 2022, 21BX02685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101127 du 21 mai 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt

e, enregistrée le 25 juin 2021, M. A..., représenté par Me Masson, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101127 du 21 mai 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2021, M. A..., représenté par Me Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers du 21 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 du préfet de la Charente-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, et de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à elle-même dans le cas où le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordé, en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- le préfet s'est fondé à tort sur les seules dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que celles de l'article L. 743-2 du même code étaient également applicables, dès lors qu'il a initié une demande de réexamen ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole n° 13 de la même convention ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le refus de titre de séjour étant entaché d'illégalité, la décision portant obligation de quitter le territoire français sera annulée pour défaut de base légale ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français étant entachée d'illégalité, la décision fixant le pays de destination sera annulée pour défaut de base légale ;

- elle méconnait l'articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Fabienne Zuccarello, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant éthiopien né le 1er janvier 1976 à Addis Abeba (Ethiopie), a déclaré être entré en France le 22 mai 2018, accompagné de ses deux fils nés en Ethiopie en novembre 2010 et avril 2013. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par décision du 31 décembre 2018 de l'Office français des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 décembre 2020. Par un arrêté du 8 avril 2021, dont M. A... a demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Poitiers, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 21 mai 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015, l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, dispose que : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable (...) Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code, alors applicable, dans la rédaction issue de la même loi : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". L'article L. 743-2 du même code, alors applicable, énumère les cas dans lesquels le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé. Enfin, l'article L. 743-4 du même code, alors applicable, dispose que : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 743-2, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de l'office, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet, d'irrecevabilité ou de clôture, ou, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision de rejet, avant la notification de la décision de la cour ".

3. Il résulte ainsi des dispositions applicables au litige que, sous réserve du cas de demandes présentées par l'étranger en rétention ou des cas de refus d'attestation de demande respectivement prévus par les dispositions alors codifiées aux articles L. 556-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de réexamen ouvre droit au maintien sur le territoire français jusqu'à ce qu'il y soit statué. Le droit au maintien sur le territoire est conditionné par l'introduction de la demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, mais l'intéressé peut y prétendre dès qu'il a manifesté à l'autorité administrative son intention de solliciter un réexamen, l'attestation mentionnée à l'article alors codifié L. 741-1 du même code ne lui étant délivrée qu'en conséquence de cette demande.

4. Il ressort des pièces du dossier que postérieurement au rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 14 décembre 2020, M. A... a, par un courrier du 7 avril 2021, antérieur à la mesure l'obligeant à quitter le territoire du 8 avril 2021, indiqué à la préfète de la Vienne son intention de déposer une demande de réexamen de sa demande d'asile en la sollicitant pour avoir un rendez-vous de sorte à enregistrer cette demande. Dès lors, le préfet de la Charente-Maritime, alors même qu'il n'était pas le destinataire de cette demande de réexamen, ne pouvait légalement édicter une obligation de quitter le territoire français.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la Charente-Maritime de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle et, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 200 euros à verser à Me Masson, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 mai 2021 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 8 avril 2021 du préfet de la Charente-Maritime est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Charente-Maritime de réexaminer dans un délai de deux mois, la situation de M. A... et dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me Masson en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Charente-Maritime, au ministre de l'intérieur et à Me Aurélie Masson.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2022.

La présidente-rapporteure,

Fabienne Zuccarello

L'assesseure la plus ancienne,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 21BX02685


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02685
Date de la décision : 20/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. - Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-20;21bx02685 ?
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