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29/12/2021 | FRANCE | N°19BX04662

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 29 décembre 2021, 19BX04662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme E... F... épouse B..., agissant en leurs noms propres et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure D..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux

à leur verser les sommes de 133 642,93 euros au titre des préjudices de leur fille

et de 22 118,26 euros au titre de leurs préjudices propres en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale réalisée dans cet

établissement le 7 mai 2013.

Dans la même instance, la caisse primaire d'assurance ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme E... F... épouse B..., agissant en leurs noms propres et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure D..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux

à leur verser les sommes de 133 642,93 euros au titre des préjudices de leur fille

et de 22 118,26 euros au titre de leurs préjudices propres en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale réalisée dans cet établissement le 7 mai 2013.

Dans la même instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde

a demandé au tribunal de condamner le CHU de Bordeaux à lui rembourser la somme

de 105 971,07 euros.

Par un jugement n° 1803271 du 22 octobre 2019, le tribunal a condamné le CHU

de Bordeaux à verser à M. et Mme B... les sommes de 34 011,83 euros en leur qualité

de représentants légaux de leur fille et de 8 000 euros au titre de leurs préjudices propres,

y compris la provision accordée de 8 000 euros, et à rembourser à la CPAM de la Gironde la somme de 96 422,58 euros ainsi que les dépenses de santé futures sur présentation de justificatifs.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2019, M. et Mme B..., représentés par la SELARL Pigeanne, Panighel et Lapalus-Dignac, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leur demande ;

2°) de condamner le CHU de Bordeaux à leur verser les sommes de 133 642,93 euros au titre des préjudices de leur fille et de 22 118,26 euros au titre de leurs préjudices propres ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme totale de 9 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité du CHU n'est pas contestée ;

En ce qui concerne les préjudices d'Astrid :

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, ils ont justifié la demande relative aux dépenses de santé restées à charge à hauteur de 243,10 euros incluant 60 euros de dépense d'ostéopathie pour l'assouplissement des tissus au niveau de la cicatrice laissée par la réintervention à l'hôpital Necker ;

- ils ont droit au remboursement des honoraires du médecin conseil et de la location d'un téléviseur pour un montant total de 3 819,83 euros ;

- la dépense de 1 000 euros dont ils justifient au titre du soutien scolaire est inférieure au besoin réel dès lors que l'aide a été apportée durant de 2 heures par semaine de septembre 2013 à décembre 2015 et que le taux horaire doit être porté à 20 euros au collège ; l'indemnité au titre de l'aide scolaire doit être portée à 3 240 euros ;

- leur médecin conseil a retenu une aide des parents de 3 heures par jour durant les périodes d'hospitalisation, soit 124 jours, et de 3 heures par semaine pour le suivi médical durant le reste de la période antérieure à la consolidation, soit 115 semaines ; sur la base de 20 euros par heure, ils sollicitent une somme de 14 340 euros ;

- la perturbation de la scolarité d'Astrid a généré une anxiété et un surcroît de travail engendrant une fatigue et une pénibilité, ce qui caractérise un préjudice scolaire distinct du déficit fonctionnel temporaire, dont l'indemnisation doit être fixée à 10 000 euros pour deux années scolaires perturbées ;

- dès lors qu'Astrid était une nageuse confirmée qui avait des ambitions sportives avant la survenue des complications, la somme de 5000 euros allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire doit être portée à 8 000 euros pour tenir compte du préjudice d'agrément temporaire ;

- la somme allouée au titre des souffrances endurées doit être portée de 14 000 à 45 000 euros pour tenir compte des souffrances psychologiques, insuffisamment prises en compte par l'expert, et d'un ressenti de la douleur plus important chez l'enfant que chez l'adulte ;

- les complications fautives ont entraîné un préjudice esthétique durant les périodes d'hospitalisation avec l'impossibilité de se vêtir autrement qu'avec une blouse médicale ; la somme allouée au titre du préjudice esthétique temporaire doit être portée à 7 000 euros ;

- compte tenu des observations de leur médecin conseil, le déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 5 % au lieu de 3 % et indemnisé à hauteur de 10 500 euros ;

- D... n'a pas pu reprendre la natation en compétition en raison de la diminution

de ses performances, ce qui justifie que l'indemnisation de son préjudice d'agrément soit portée

à 15 000 euros ;

- dès lors qu'Astrid, qui pratique la natation, est fréquemment confrontée au regard des autres sur les stigmates opératoires, l'indemnisation du préjudice esthétique doit être portée

à 7 000 euros ;

- la somme de 1 000 allouée par les premiers juges au titre du préjudice d'angoisse

de développer une cirrhose est insuffisante et doit être portée à 10 000 euros ;

- la somme de 1 200 euros allouée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative n'est pas équitable compte tenu des diligences relatives aux deux procédures de référé, aux deux expertises, aux procédures amiables et aux procédures au fond en première instance et en appel, lesquelles justifient une somme de 7 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices des parents :

- ils ont droit au remboursement des frais de déplacement et d'hébergement effectivement exposés à hauteur de 8 118,26 euros, détaillés dans leur pièce n° 11, et c'est à tort que les premiers juges leur ont alloué une somme forfaitaire de 5 000 euros en excluant

le surcoût lié aux voyages en première classe ;

- l'indemnisation de leur préjudice d'affection est insuffisante et doit être portée

à 7 000 euros pour chacun d'eux ;

- ils ont également exposé pour l'indemnisation de leurs préjudices propres des frais irrépétibles qui seront justement appréciés par l'allocation d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 20 février 2020, l'Office national d'indemnisation

des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) demande sa mise hors de cause.

Il fait valoir que :

- le CHU de Bordeaux ne conteste pas le droit à indemnisation des requérants sur le fondement de sa responsabilité pour faute ;

- les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2020, le CHU de Bordeaux, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les sommes allouées par le tribunal sont suffisantes ;

- l'expert n'a retenu aucun besoin d'assistance d'une tierce personne ni aucun préjudice scolaire ;

- les frais d'avocat exposés en première instance ne sauraient être indemnisés en cause d'appel ;

- les frais de voyage en première classe présentent un caractère somptuaire, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a limité le remboursement des frais divers.

Par un mémoire enregistré le 28 janvier 2021, la CPAM de la Gironde demande

à la cour :

1°) de confirmer le jugement en tant qu'il a condamné le CHU de Bordeaux à lui verser la somme de 96 422,58 euros ainsi que les dépenses de santé futures sur présentation de justificatifs ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux les sommes de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 13 euros au titre des droits de plaidoirie.

Elle soutient que le CHU a exécuté le jugement et qu'elle ne conteste pas le quantum des sommes allouées, admises par le CHU.

Vu :

-les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Poisssonnet, représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. La jeune D... B..., alors âgée de 9 ans, qui présentait une pancréatite aiguë sur lithiases biliaires, a subi le 7 mai 2013 au CHU de Bordeaux une cholécystectomie par cœliochirurgie, dont les suites ont été marquées par des douleurs abdominales intenses et des vomissements répétés. Le 9 mai 2013, un bilan biologique a montré une cytolyse hépatique très importante, et une échographie réalisée le 12 mai a fait suspecter une péritonite biliaire. Le même jour, un volumineux épanchement de liquide biliaire a été évacué lors d'une intervention qui a mis en évidence une région hilaire très inflammatoire. Le tarissement de la fuite s'est accompagné de l'apparition d'un ictère, et les 20 et 24 juin 2013, une échographie et une IRM ont montré une dilatation des voies biliaires intra hépatiques sans visualisation de la convergence biliaire et de la voie biliaire principale. La prise en charge a été poursuivie à Paris, où le diagnostic de sténose de la confluence biliaire avec remaniements du foie droit a été posé. Le

12 juillet 2013, une anastomose bilio-digestive sur une anse en Y sur le canal hépatique gauche a été réalisée. La jeune patiente a quitté l'hôpital, porteuse d'un drain abdominal et d'une sonde nasogastrique, pour une hospitalisation à domicile le 29 juillet 2013. L'évolution a été favorable, avec une normalisation de la biologie, un foie gauche normal et un foie droit atrophique et cirrhotique. Un syndrome occlusif dû à une bride au pied de l'anse en Y a nécessité une dernière hospitalisation du 23 novembre au 11 décembre 2015 pour une reprise de l'anastomose, dont les suites ont été simples.

2. A la demande de M. et Mme B..., le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a ordonné deux expertises dont la première, réalisée le 7 janvier 2016, a conclu que les complications étaient en lien avec la section de l'artère hépatique lors de la cholécystectomie, qualifiée d'accident médical fautif, et dont la seconde, réalisée le 13 juillet 2017, a fixé la date de consolidation de l'état de santé d'Astrid au 23 décembre 2016. Après le rejet implicite de leur réclamation préalable, M. et Mme B..., auxquels l'assureur du CHU de Bordeaux avait versé une provision de 8 000 euros, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'établissement hospitalier à leur verser les sommes de 133 642,93 euros au titre des préjudices de leur fille et de 22 118,26 euros au titre de leurs préjudices propres. Ils relèvent appel du jugement du 22 octobre 2019 par lequel le tribunal a condamné le CHU de Bordeaux à leur verser les sommes respectives de 34 011,83 euros au titre des préjudices d'Astrid et

de 8 000 euros au titre de leurs préjudices propres, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leur demande.

Sur la responsabilité :

3. L'expert a conclu que les complications étaient directement liées à la ligature et la section de l'artère hépatique droite lors de l'intervention du 7 mai 2013, qu'il a qualifiées de fautives, même si les conditions opératoires se sont avérées difficiles. Le CHU de Bordeaux ne conteste pas que sa responsabilité est engagée à ce titre.

Sur la demande de mise hors de cause de l'ONIAM :

4. Dès lors qu'il n'est pas contesté qu'une faute médicale est à l'origine des préjudices dont la réparation est demandée, l'ONIAM, à l'encontre duquel aucune conclusion n'est d'ailleurs dirigée, doit être mis hors de cause.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices d'Astrid :

S'agissant des frais divers :

5. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal a fait droit à leur demande de 3 819,83 euros au titre de l'assistance d'un médecin conseil et de frais de télévision dans la chambre d'hôpital.

S'agissant des dépenses de santé restées à charge :

6. M. et Mme B... justifient, par les pièces produites, que 88 euros de dépassements d'honoraires sont restés à leur charge pour 4 consultations de la pédiatre au tarif unitaire de 45 euros, et 120 euros pour 15 consultations au tarif unitaire de 31 euros. Il y a lieu d'admettre également 35 euros exposés le 2 février 2016 pour un " gel cicatrice " non remboursable nécessité par l'état inflammatoire, établi par l'expertise, d'une cicatrice abdominale. En revanche, la nécessité d'une séance d'ostéopathie pour assouplir les tissus au niveau de la cicatrice n'est pas établie. Les requérants sont ainsi fondés à demander que la somme allouée au titre des dépenses de santé restées à leur charge soit portée de 144 euros à 243 euros.

S'agissant du soutien scolaire :

7. La somme de 1 000 euros admise par les premiers juges correspond à la dépense effectivement exposée selon l'état de frais établi par M. et Mme B..., soit 50 heures au tarif unitaire de 10 euros pour chacune des deux années 2013-2014 et 2014-2015, durant lesquelles D... était scolarisée à l'école primaire. Si les requérants persistent à soutenir que cette dépense aurait été inférieure au " besoin réel ", ils ne le démontrent pas en se bornant à produire à nouveau en appel les attestations peu circonstanciées des personnes ayant assuré le soutien scolaire " à raison d'une à deux heures par semaine " durant l'année 2013-2014 et durant deux heures par semaine durant l'année 2014-2015 jusqu'au 30 décembre 2015, date de l'attestation. Par suite la demande de rehaussement de la somme allouée par le tribunal doit être rejetée.

S'agissant de l'assistance d'une tierce personne :

8. C'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande présentée au titre de l'assistance d'une tierce personne dès lors que l'expert n'a retenu aucun besoin à ce titre et que la demande ne relève d'ailleurs pas d'une assistance rendue nécessaire par un handicap, mais de troubles dans les conditions d'existence des parents à raison de l'accompagnement de leur fille durant les périodes d'hospitalisation et du temps consacré à son suivi médical avant la consolidation de son état de santé.

S'agissant du préjudice scolaire temporaire :

9. Il résulte de l'instruction que les hospitalisations ont seulement nécessité un soutien scolaire n'excédant pas deux heures par semaine durant les années 2013-2014 et 2014-2015, et qu'Astrid a suivi une scolarité normale sans redoublement. L'invocation d'une anxiété et d'un surcroît de travail au cours des deux années scolaires perturbées, qui n'est d'ailleurs assortie d'aucun autre élément que les attestations justifiant seulement l'existence du soutien scolaire, ne suffit pas à caractériser un préjudice scolaire indemnisable. C'est ainsi à bon droit que le tribunal a rejeté la demande présentée à ce titre.

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

10. L'expert a retenu un déficit fonctionnel total durant les hospitalisations du 9 mai

au 29 août 2013, du 26 au 27 septembre 2013 et du 23 novembre au 1er décembre 2015, de 50 %

du 30 août au 13 septembre 2013 et du 2 décembre 2015 au 4 janvier 2016, de 25 %

du 14 septembre au 14 octobre 2013, et de 10 % du 15 octobre 2013 au 22 novembre 2015 et

du 5 janvier au 23 décembre 2016. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce préjudice, évalué sur la base de 500 euros par mois de déficit fonctionnel total et rehaussé pour tenir compte du préjudice d'agrément temporaire caractérisé par l'arrêt puis la reprise à un moindre niveau de la pratique de la natation, en allouant à ce titre une somme

de 5 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire :

11. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que les complications résultant de la faute lors de l'intervention du 7 mai 2013 ont été à l'origine d'un amaigrissement important avec une perte musculaire, d'un ictère cutanéo-muqueux avec un prurit et des lésions de grattage, d'une plaque d'alopécie de 6 sur 2 cm au niveau occipital constatée le 21 août 2013, et du port durant quelques semaines, en particulier lors de la rentrée scolaire de 2013 et jusqu'au 13 septembre, d'une sonde nasogastrique de nutrition. L'invocation du port d'une blouse médicale durant les périodes d'hospitalisation ne justifie pas une majoration du préjudice esthétique temporaire évalué à 3 sur 7 par l'expert. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 3 500 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

12. L'expert, spécialisé en pédiatrie, a nécessairement tenu compte du ressenti des souffrances endurées par une enfant pour retenir un niveau de 5 sur 7, incluant les souffrances physiques et psychologiques causées par les multiples interventions chirurgicales et la longueur des hospitalisations. La somme de 14 000 euros allouée à ce titre par le tribunal n'apparaît pas insuffisante.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

13. En réponse aux observations du médecin conseil de M. et Mme B... revendiquant un taux de déficit fonctionnel permanent de 5 %, l'expert a justifié le maintien de son évaluation de ce taux à 3 % par la poursuite d'un traitement par Urslovan sans contrainte diététique avec la nécessité d'un suivi médical, alors que le foie gauche, non concerné par les lésions du foie droit qui allait poursuivre son atrophie, fonctionnait normalement et ne présentait pas de fibrose. En se référant à nouveau à leurs dires, les requérants ne contestent pas utilement le taux retenu par l'expert compte tenu du fonctionnement normal du foie gauche en hypertrophie compensatrice du foie droit atrophié. D... étant âgée de 12 ans à la date de consolidation de son état de santé, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce préjudice en allouant une somme de 3 748 euros.

S'agissant du préjudice esthétique permanent :

14. Il résulte de l'instruction que les interventions nécessitées par les complications de la cholécystectomie ont laissé plusieurs cicatrices abdominales, sur le thorax et à la base du cou, ces dernières étant très peu marquées et les autres habituellement couvertes par les vêtements. Le préjudice esthétique correspondant a été évalué par l'expert tantôt à 1,5, tantôt

à 2 sur 7. Il en sera fait une juste appréciation en portant son indemnisation de 1 300 euros

à 2 000 euros.

S'agissant du préjudice d'agrément :

15. Le préjudice d'agrément est caractérisé par une restriction dans la pratique de la natation en compétition dans un club, D... n'ayant pas pu retrouver le niveau de performance qui était le sien avant les complications. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de porter son évaluation de 500 euros à 1 500 euros.

S'agissant du préjudice d'anxiété :

16. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que les complications de la cholécystectomie exposent D... à un risque accru de dégénérescence du foie droit atrophié et atteint d'une cirrhose biliaire, nécessitant une surveillance médicale au long cours, ce qui est source d'anxiété alors même que le foie gauche fonctionnant en hypertrophie compensatrice permet d'assurer une fonction hépatique normale. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 1 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices de M. et Mme B... :

S'agissant des frais divers :

17. M. et Mme B... sollicitent une somme totale de 8 118,26 euros au titre de frais de déplacement, d'hébergement, de repas et de stationnement exposés à l'occasion des hospitalisations de leur fille à Bordeaux et à Paris et des réunions d'expertise à Toulouse. Par les pièces produites, ils justifient de 5 643,49 euros de frais de transport, dont 1 474,78 euros avec leur véhicule, 2 307,21 euros en avion, 1 773 euros en train et 88,50 euros en taxi, dont il convient de déduire 1 591,11 euros pris en charge par la mutuelle. Les pièces du dossier permettent également de retenir 24,10 euros de frais de parking et 243,80 euros de frais de repas à Paris et à Toulouse. En revanche, il n'y a pas lieu d'admettre une somme forfaitaire de 7 euros par repas hors domicile en l'absence de tout justificatif, et la somme de 164 euros sollicitée au titre d'une nuitée pour une consultation à Paris le 13 octobre 2017 est assortie d'une pièce relative à une nuitée le 22 octobre 2017, dont le lien avec le suivi médical d'Astrid n'est ainsi pas établi. Les frais justifiés, incluant les voyages en train en première classe dont le surcoût ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, une dépense somptuaire justifiant une réfaction, s'établissent ainsi à 4 520,28 euros. Le CHU de Bordeaux ne présente pas d'appel incident. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal leur a alloué une somme de 5 000 euros.

18. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice d'affection des parents d'Astrid en allouant à chacun d'eux une somme de 1 500 euros.

19. Ainsi qu'il a été dit au point 8, la demande présentée au titre de l'assistance d'une tierce personne relève en réalité, par sa nature, des troubles dans les conditions d'existence des parents à raison de l'accompagnement de leur fille durant les périodes d'hospitalisation et du temps consacré à son suivi médical avant la consolidation de son état de santé. Eu égard à la durée des hospitalisations, y compris à domicile, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à M. et Mme B... une somme globale de 2 500 euros.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à demander que les sommes que le CHU de Bordeaux a été condamné à leur verser soient portées de 34 011,83 euros à 35 810,83 euros au titre des préjudices d'Astrid, et de 8 000 euros

à 10 500 euros au titre de leurs préjudices propres.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

En ce qui concerne le litige de première instance :

21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

22. Pour contester la somme de 1 200 euros qui leur a été allouée par les premiers juges au titre des dispositions précitées, M. et Mme B..., qui ne justifient pas du montant des honoraires d'avocat qu'ils ont exposés à l'occasion du litige de première instance, ne peuvent utilement se prévaloir ni des frais exposés à l'occasion des procédures distinctes de référé, ni de " diligences " relatives aux expertises et aux procédures amiables, dont ils ne justifient pas davantage le coût. Par suite, leur demande tendant au rehaussement de la somme de 1 200 euros doit être rejetée.

En ce qui concerne le litige d'appel :

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B... à l'occasion du litige d'appel.

24. La CPAM de la Gironde, qui n'obtient en appel aucun rehaussement des sommes allouées en première instance et n'en demande d'ailleurs pas, n'est pas fondée à demander que des sommes soient mises à la charge du CHU de Bordeaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du droit de plaidoirie.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause.

Article 2 : Les sommes que le CHU de Bordeaux a été condamné à verser à M. et Mme B... sont portées de 34 011,83 euros à 35 810,83 euros au titre des préjudices d'Astrid, et

de 8 000 euros à 10 500 euros au titre de leurs préjudices propres.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1803271 du 22 octobre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le CHU de Bordeaux versera à M. et Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme E... F... épouse B..., au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2021.

La rapporteure,

Anne C...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04662
Date de la décision : 29/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. - Réparation. - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-29;19bx04662 ?
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