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22/12/2021 | FRANCE | N°19BX03598

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 22 décembre 2021, 19BX03598


Vu la procédure suivante :

Procédures antérieures :

I. L'association Paysages de France a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite née le 23 avril 2017 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé, en méconnaissance de l'article L. 581-27 du code de l'environnement, de prendre les mesures de nature à mettre un terme aux infractions constatées dans les communes de Marcheprime et de Mios, d'enjoindre au préfet de la Gironde de faire dresser des procès-verbaux de constatation d'infraction et de prendre des a

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Vu la procédure suivante :

Procédures antérieures :

I. L'association Paysages de France a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite née le 23 avril 2017 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé, en méconnaissance de l'article L. 581-27 du code de l'environnement, de prendre les mesures de nature à mettre un terme aux infractions constatées dans les communes de Marcheprime et de Mios, d'enjoindre au préfet de la Gironde de faire dresser des procès-verbaux de constatation d'infraction et de prendre des arrêtés de mise en demeure en vue de la mise en conformité ou de la suppression des dispositifs en infraction, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et, en cas d'inexécution par les contrevenants, d'inviter les maires concernés à liquider et à recouvrer l'astreinte, dans un délai d'un mois à compter de la notification des arrêtés, et, à défaut de diligence des maires, de liquider et recouvrer la créance au profit de l'État, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de condamner l'État à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801258 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision implicite née le 23 avril 2017, a enjoint au préfet de la Gironde de mettre en œuvre les pouvoirs de police spéciale prévus à l'article L. 581-27 du code de l'environnement concernant les infractions mentionnées aux points 5 à 11 du jugement dans un délai d'un mois suivant la notification de ce jugement, a condamné l'Etat à verser à l'association Paysages de France une indemnité de 1 500 euros, a mis à la charge de l'Etat le versement à l'association Paysages de France de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de l'association Paysages de France.

II. L'association Paysages de France a présenté, le 22 août 2019, devant le tribunal administratif de Bordeaux une demande tendant à obtenir l'exécution du jugement n° 1801258 rendu le 2 juillet 2019 par le tribunal administratif, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1904849 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé une astreinte à l'encontre de la préfète de la Gironde, si elle ne justifie pas avoir, dans les deux mois suivant la notification du jugement, exécuté le jugement du tribunal n° 1801258 du 2 juillet 2019 concernant les dispositifs référencés sous les numéros 33.MRH.10, 33.MRH.13 et 33.MRH.18b jusqu'à la date de cette exécution, a fixé le taux de cette astreinte à 50 euros par jour à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du jugement et a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur le surplus de la demande de l'association Paysages de France.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête sommaire, enregistrée sous le n° 19BX03598 le 3 septembre 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour d'annuler le jugement n° 1801258 du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Bordeaux. Par un mémoire ampliatif enregistré le 21 novembre 2019, et des mémoires enregistrés le 23 mars 2021 et le 1er juin 2021, elle demande l'annulation du jugement en tant seulement qu'il annule la décision implicite du 23 avril 2017 en ce qui concerne les enseignes correspondant aux fiches 33.MRH.13, 33.MRH.17, 33.MRH.20, 33.MRH.09, 33.MRH.10, 33.MRH.15 et 33.MRH.18b et en tant qu'il enjoint au préfet de mettre en œuvre ses pouvoirs de police à l'encontre de ces enseignes.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que le jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ni l'analyse des mémoires prévue par l'article R. 741-2 du même code ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ; il rappelle les termes de l'article L. 581-32 du code de l'environnement qui ne vise que les publicités et les pré-enseignes tout en jugeant que le préfet était tenu d'appliquer ces dispositions à des enseignes ;

- le tribunal a fait une interprétation erronée des dispositions combinées des articles L. 581-27 et L. 581-32 du code de l'environnement et a commis une erreur de droit en jugeant que le préfet se trouvait en compétence liée pour exercer ses pouvoirs de police ; l'association Paysages de France, qui est agréée, ne pouvait saisir le préfet que sur la base des dispositions spéciales de l'article L. 581-32 du code qui dérogent aux dispositions générales de l'article L. 581-27 et ne visent pas les enseignes ; l'article L. 581-27 du code ne place pas le préfet en situation de compétence liée ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu la responsabilité de l'Etat à raison d'une carence dans l'exercice des pouvoirs de police du préfet, celui-ci ayant mis en œuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 581-27 du code de l'environnement ;

- les conclusions incidentes en injonction concernant les dispositifs ne faisant pas l'objet de l'appel principal doivent être rejetées comme irrecevables ;

- les conclusions incidentes de l'association à fin d'injonction doivent être rejetées dès lors que les dispositifs concernés ont fait l'objet d'une mise en demeure du préfet et qu'ils ont été pour la plupart mis en conformité ou supprimés ; certains des dispositifs n'ont pas encore été mis en conformité ou supprimés mais la procédure se poursuit ;

- les conclusions incidentes en indemnité sont irrecevables car présentées après l'expiration du délai d'appel et relatives à un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal.

Par des mémoires, enregistrés les 7 avril 2020, 30 avril 2021 et 6 juillet 2021, l'association Paysages de France, représentée par Me Clément, conclut dans le dernier état des écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par dispositif à compter de la date fixée par la cour, s'agissant des dispositifs 33.MRH.13, 33.MRH.18b et 33.MRH.17 et à défaut pour les contrevenants de s'exécuter, de mettre en œuvre les mesures prévues aux articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l'environnement en vue d'assurer l'exécution des travaux prescrits, et s'agissant des dispositifs référencés 33.MRH.09, 33.MRH.18a, 33.MRH.01, 33.MRH.04, 33.MRH.05, 33.MRH.07, 33.MRH.08, 33.MRH.11, 33.MRH.12 et 33.MRH.24, pour lesquels des arrêtés de mise en demeure ont été pris le 6 septembre 2019, mais toujours en place, de mettre en œuvre les mesures prévues aux articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l'environnement en vue d'assurer l'exécution des travaux prescrits ;

3°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation de son préjudice ;

4°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 150 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- eu égard à la résistance opposée par le préfet quant à la constatation des infractions, l'injonction sous astreinte qu'elle demande est justifiée ;

- la ministre reconnaît que l'injonction prononcée par le tribunal a été exécutée tout en persistant à contester le jugement sur ce point ; au surplus, certains des dispositifs concernés n'ont pas été supprimés ni mis en conformité ; l'un des dispositifs n'a été enlevé que partiellement ;

- ses conclusions en injonction sont recevables ;

- ses conclusions indemnitaires sont recevables ; la persistance de l'administration à ne pas prendre les mesures prévues par la loi est à l'origine d'une aggravation du préjudice postérieurement au jugement ;

- en laissant perdurer pendant des années des infractions qui n'ont jamais été contestées, la ministre encourage la violation du code de l'environnement et accroit les difficultés que rencontre l'association pour défendre la cause pour laquelle elle s'est constituée et pour laquelle elle a obtenu un agrément national ; l'association conduit depuis de nombreuses années, bénévolement, des actions de sensibilisation et de conseil, contribue à faire évoluer les textes en matière de publicité, enseignes et pré-enseignes et participe à l'étude et au suivi des règlements locaux de publicité ; alors que l'association n'agit en justice qu'en cas de nécessité et qu'elle a obtenu gain de cause à plusieurs reprises, la ministre s'obstine à attaquer des décisions de tribunaux qui font droit aux conclusions de l'association ; les infractions dénoncées en l'espèce sont de nature délictuelle, concernent un parc naturel régional et ne sont susceptibles d'aucune dérogation ; compte tenu de l'atteinte portée à son action destinée à protéger le cadre de vie des citoyens, l'environnement et le paysage, conformément à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, et eu égard aux efforts déployés en vain, sa demande indemnitaire est justifiée.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX04261 le 23 décembre 2020 et des mémoires, enregistrés le 5 mai 2021 et le 8 septembre 2021, la ministre de la transition écologique demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904849 du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande en exécution présentée par l'association Paysages de France.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel n'est pas tardive, en l'absence de notification du jugement à l'autorité compétente pour faire appel ;

- en application de l'article R. 921-2 du code de justice administrative, le tribunal n'était pas compétent pour connaître de la demande d'exécution dès lors qu'il a été fait appel du jugement dont l'exécution est demandée ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le jugement ne pouvait pas être considéré comme définitif, dès lors qu'il a été fait appel de ce jugement qui est entaché de contradiction de motif et d'erreur de droit ;

- le préfet n'est pas resté inactif ; il a commissionné des agents assermentés mais ceux-ci ne pouvaient relever les infractions dénoncées qui se sont révélées inexactes ; si un dispositif a été réinstallé sur place après constatations opérées sur place, ceci constitue une nouvelle infraction ;

- le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé le 9 novembre 2020 que seule une faute lourde est de nature à engager la responsabilité de l'Etat en matière de publicité ; aucune faute lourde ne peut être relevée en l'espèce puisque le préfet a épuisé sa compétence en commissionnant des agents assermentés pour contrôler les dispositifs considérés comme irréguliers ;

- les conclusions incidentes de l'association concernant des dispositifs autres que ceux visés par le jugement sont irrecevables car elles sont présentées au-delà du délai d'appel et soulèvent un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal ; il en va de même des conclusions incidentes en indemnité ;

- les conclusions tendant à ce que l'astreinte prononcée en première instance soit portée à 150 euros doivent être rejetées dès lors que le préfet n'est pas resté inactif ; des constatations ont été faites par des agents assermentés qui n'ont relevé aucune infraction.

Par des mémoires, enregistrés les 16 mars 2021, 14 juin 2021 et 27 septembre 2021, l'association Paysages de France, représentée par Me Clément, conclut dans le dernier état des écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) s'agissant des dispositifs 33.MRH.13 et 33.MRH.18b à ce que le montant de l'astreinte soit porté de 50 euros à 150 euros par jour de retard dans le cas où la préfète de la Gironde n'aurait pas mis en œuvre les pouvoirs de police spéciale prévus à l'article L.581-27 du code de l'environnement et à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde, en cas de non-exécution par les contrevenants, dans le délai de cinq jours, des travaux prescrits dans ses arrêtés de mise en demeure, de mettre en œuvre les dispositions des articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l'environnement sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par dispositif à compter de la date fixée par la cour ; s'agissant des dispositifs 33.MRH.01, 33.MRH.04, 33.MRH.05, 33.MRH.07, 33.MRH.08, 33.MRH.09, 33.MRH.11, 33.MRH.12, 33.MRH.18a [enseigne] et 33.MRH.24, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde de mettre en œuvre, dans le délai de quinze jours suivant l'arrêt de la cour, les dispositions des articles L. 581-30 et L.581-31 en cas de non-exécution par les contrevenants des travaux prescrits sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par dispositif à compter de la date fixée par la cour ; s'agissant du dispositif 33.MRH.17, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde de mettre en œuvre, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, les pouvoirs de police spéciale prévus à l'article L. 581-27 du code de l'environnement et de mettre en œuvre, dans le délai de cinq jours suivant la notification des arrêtés pris en application de l'article précité, les dispositions des articles L. 581-30 et L. 581-31 en cas de non-régularisation par le contrevenant de la situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date fixée par la cour ; et s'agissant du dispositif référencé 33.MRH.18a, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde de mettre en œuvre, après avoir fait à nouveau dresser un procès-verbal par un agent assermenté, les pouvoirs de police spéciale prévus à l'article L. 581-27 du code de l'environnement et, en cas de non-régularisation par le contrevenant de la situation, de mettre en œuvre, dans le délai de cinq jours suivant la notification de l'arrêté de mise en demeure prévu à l'article précité, les dispositions des articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l'environnement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date fixée par la cour ;

3°) à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation de ses préjudices ;

4°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal était compétent pour connaître de l'action en exécution, présentée avant la communication de la requête d'appel de la ministre ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- ses conclusions indemnitaires sont justifiées dès lors que la persistance de la ministre à laisser perdurer des infractions portent atteinte à l'action de l'association et lui cause un préjudice moral direct, certain et personnel d'une ampleur sans précédent.

Par un courrier du 20 octobre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de fonder son jugement sur l'irrecevabilité des conclusions de la requête en tant qu'elles tendent à l'annulation de l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1904849 du 30 juin 2020, en l'absence d'intérêt à contester cet article.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- et les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 20 février 2017 reçu le 23 février 2017, l'association Paysages de France, association agréée au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, a demandé au préfet de la Gironde de prendre, en application de l'article L. 581-27 du code de l'environnement, des arrêtés de mise en demeure en vue de la suppression ou de la régularisation de panneaux publicitaires, enseignes et pré-enseignes installés sur le territoire des communes de Marcheprime et de Mios, après constatation des infractions constituées par ces dispositifs. En l'absence de réponse, l'association a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de la décision implicite de rejet née le 23 avril 2017 du silence gardé par le préfet, ainsi que la condamnation de l'État à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison de la carence du préfet. Par jugement du 2 juillet 2019, le tribunal a prononcé l'annulation de cette décision, a enjoint au préfet de la Gironde, sous réserve que les dispositifs signalés par l'association n'aient pas été supprimés ni mis en conformité, de mettre en œuvre les pouvoirs de police spéciale prévus à l'article L. 581-27 du code de l'environnement en ce qui concerne ces dispositifs, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et a condamné l'Etat à verser à l'association Paysages de France une indemnité de 1 500 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la carence de l'Etat. La ministre de la transition écologique qui, dans sa requête, a fait appel du jugement dans son ensemble, a, dans son mémoire ampliatif enregistré le 21 novembre 2019, réduit ses conclusions d'appel au jugement en tant qu'il annule la décision du 23 avril 2017 en ce qui concerne les enseignes correspondant aux fiches 33.MRH.09, 33.MRH.10, 33.MRH.13, 33.MRH.15, 33.MRH.17, 33.MRH.18b et 33.MRH.20 et en tant qu'il enjoint au préfet de mettre en œuvre ses pouvoirs de police à l'encontre de ces enseignes. L'association, par la voie de l'appel incident, demande que des injonctions complémentaires soient prononcées et que l'indemnité qui lui a été allouée en première instance soit portée à 20 000 euros.

2. Saisi par l'association d'une demande en exécution, le 30 juin 2020, le tribunal a prononcé une astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification du jugement, faute pour la préfète de la Gironde de justifier dans ce délai de l'exécution du jugement du 2 juillet 2019 en ce qui concerne les dispositifs référencés sous les numéros 33.MRH.10, 33.MRH.13 et 33.MRH.18b. Le tribunal a, pour le surplus, estimé que le jugement avait été exécuté et a constaté, dans l'article 3 du jugement, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'exécution. La ministre fait appel de ce jugement. L'association, par la voie de l'appel incident, demande, s'agissant des dispositifs 33.MRH.13 et 33.MRH.18b, à ce que le montant de l'astreinte soit porté de 50 euros à 150 euros par jour de retard et à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde, en cas de non-exécution des travaux prescrits dans ses arrêtés de mise en demeure, de mettre en œuvre les dispositions des articles L. 581-30 et L.581-31 du code de l'environnement sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par dispositif, s'agissant des dispositifs 33.MRH.01, 33.MRH.04, 33.MRH.05, 33.MRH.07, 33.MRH.08, 33.MRH.09, 33.MRH.11, 33.MRH.12, 33.MRH.18a et 33.MRH.24, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde de mettre en œuvre les dispositions des articles L. 581-30 et L.581-31 en cas de non-exécution par les contrevenants des travaux prescrits, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par dispositif, s'agissant du dispositif 33.MRH.17, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde de mettre en œuvre les pouvoirs de police spéciale prévus à l'article L. 581-27 du code de l'environnement et de mettre en œuvre les dispositions des articles L. 581-30 et L. 581-31 en cas de non-régularisation par le contrevenant de la situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et s'agissant du dispositif référencé 33.MRH.18a, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde, de mettre en œuvre, après avoir fait à nouveau dresser un procès-verbal par un agent assermenté, les pouvoirs de police spéciale prévus à l'article L. 581-27 du code de l'environnement et, en cas de non-régularisation par le contrevenant de la situation, de mettre en œuvre les dispositions des articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l'environnement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. L'association conclut également dans cette instance à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation de ses préjudices.

3. Les deux requêtes de la ministre qui tendent l'une à l'annulation du jugement du 2 juillet 2019 et l'autre à l'annulation du jugement du 30 juin 2020 pris pour son exécution, présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'instance n° 19BX03598 :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

4. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la ministre, qui, dans sa requête introductive d'instance a conclu à l'annulation du jugement du 2 juillet 2019, indique expressément dans ses écritures ultérieures réduire ses conclusions à l'annulation du jugement en tant qu'il annule la décision du 23 avril 2017 en ce qui concerne les enseignes correspondant aux fiches 33.MRH.13, 33.MRH.17, 33.MRH.20, 33.MRH.09, 33.MRH.10, 33.MRH.15 et 33.MRH.18b, et en tant qu'il enjoint au préfet de mettre en œuvre ses pouvoirs de police à l'encontre de ces enseignes. Le désistement de la ministre de ses conclusions autres que ces dernières est pur et simple. Il y a lieu de lui en donner acte.

En ce qui concerne la régularité du jugement :

5. Il résulte de l'examen de la minute du jugement que celui-ci comporte les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ainsi que l'analyse des mémoires prévue par l'article R. 741-2 du même code. Les moyens invoqués par la ministre et tirés de l'irrégularité du jugement doivent, par suite, être écartés.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

6. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la ministre, dans le dernier état de ses conclusions, fait appel du jugement du 2 juillet 2019 en tant seulement qu'il prononce l'annulation de la décision du 23 avril 2017 en ce qu'elle porte rejet implicite de la demande de l'association Paysages de France concernant les enseignes correspondant aux fiches 33.MRH.13, 33.MRH.17, 33.MRH.20, 33.MRH.09, 33.MRH.10, 33.MRH.15 et 33.MRH.18b.

7. D'une part, aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l'amélioration du cadre de vie, de la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, de l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d'une manière générale, œuvrant principalement pour la protection de l'environnement, peuvent faire l'objet d'un agrément motivé de l'autorité administrative. / (...) Ces associations sont dites "associations agréées de protection de l'environnement". / (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 581-27 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Dès la constatation d'une publicité, d'une enseigne ou d'une pré-enseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l'infraction ou son amnistie, l'autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou pré-enseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux. / Cet arrêté est notifié à la personne qui a apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure la publicité, l'enseigne ou la pré-enseigne irrégulière. / Si cette personne n'est pas connue, l'arrêté est notifié à la personne pour le compte de laquelle ces publicités, enseignes ou pré-enseignes ont été réalisées ". L'article L. 581-32 du même code dispose que : " Lorsque des publicités ou des pré-enseignes contreviennent aux dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, l'autorité compétente en matière de police est tenue de faire usage des pouvoirs que lui confère l'article L. 581-27, si les associations mentionnées à l'article L. 141-1 ou le propriétaire de l'immeuble sur lequel ont été apposées, sans son accord, les publicités ou pré-enseignes, en font la demande ".

9. Il résulte des dispositions de l'article L. 581-32 du code de l'environnement que l'autorité compétente en matière de police est tenue de faire usage, à la demande d'une association agréée de protection de l'environnement ou du propriétaire de l'immeuble concerné, des pouvoirs que lui confère l'article L. 581-27 du code de l'environnement lorsque des publicités ou des pré-enseignes contreviennent aux dispositions applicables. En revanche, ces dispositions de l'article L. 581-32 du code de l'environnement, qui ne visent que les publicités et pré-enseignes, ne sont, comme le soutient la ministre, pas applicables aux enseignes.

10. Toutefois, les dispositions de l'article L. 581-27 du code de l'environnement, qui ne font obligation à l'autorité de police compétente de prendre un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité de publicités, enseignes ou pré-enseignes irrégulières, qu'après constatation des infractions par des officiers de police judiciaire ou des agents ou fonctionnaires dont la liste figure à l'article L. 581-40 du code de l'environnement, ne dispensent pas cette autorité d'exercer son pouvoir d'appréciation au vu des éléments portés à sa connaissance par un tiers et, dès lors que ceux-ci sont suffisamment précis, de prendre les mesures nécessaires afin qu'il soit mis fin à cette situation irrégulière. Le refus de l'autorité compétente de faire usage de ses pouvoirs de police peut être déféré au juge de l'excès de pouvoir.

11. En outre, les dispositions de l'article L. 581-32 du code de l'environnement n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire aux associations agréées pour la protection de l'environnement dont l'objet social est de lutter contre l'affichage publicitaire illégal, d'introduire des actions contentieuses à l'encontre des décisions administratives intervenues dans ce domaine.

12. Il ressort des pièces du dossier que l'association Paysages de France a établi des fiches constatant que les enseignes ayant fait l'objet des fiches référencées 33.MRH.13, 33.MRH.17, 33.MRH.20 ont été installées en infraction au regard des dispositions de l'article R. 581-59 du code de l'environnement, que l'enseigne correspondant à la référence 33.MRH.17 a été, au surplus, installée en méconnaissance de l'article R. 581-61 du code de l'environnement et que celles ayant fait l'objet des fichées référencées 33.MRH.09, 33.MRH.10, 33.MRH.15 et 33.MRH.18b ont été installées en infraction au regard des dispositions de l'article R. 581-60 du code de l'environnement. Le signalement de ces infractions par l'association agréée Paysages de France ne mettait certes pas la préfète dans une situation de compétence liée pour faire usage des pouvoirs de police que lui confère l'article L. 581-27 du code de l'environnement en prenant des arrêtés de mise en demeure, dès lors que les dispositifs concernés ne constituaient pas des publicités ou pré-enseignes mais des enseignes, dispositifs qui ne sont pas visés par l'article L. 581-32 précité du code de l'environnement. Toutefois, ainsi que cela résulte de ce qui a été dit ci-dessus, les dispositions du code de l'environnement ne faisaient pas obstacle au signalement de ces infractions par l'association Paysages de France et ne dispensaient pas la préfète, dès lors que les éléments portés à sa connaissance par les fiches établies par l'association étaient suffisamment précis et circonstanciés, d'exercer son pouvoir d'appréciation et de faire usage des pouvoirs qu'elle tient des dispositions de l'article L. 581-27 de faire constater les éventuelles infractions par des agents habilités à cette fin. L'administration ne faisant valoir ni en première instance ni en appel aucune circonstance qui aurait justifié qu'il ne soit pas procédé à ces constatations, le refus de faire droit à la demande présentée en ce sens par l'association Paysages de France méconnaît, ainsi que l'a estimé le tribunal, l'article L. 581-27 du code de l'environnement.

13. Ainsi, la ministre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par le jugement attaqué, a prononcé l'annulation de la décision implicite du 23 avril 2017 en tant qu'elle concerne les dispositifs correspondant aux fiches référencées 33.MRH.13, 33.MRH.17, 33.MRH.20, 33.MRH.09, 33.MRH.10, 33.MRH.15 et 33.MRH.18b.

En ce qui concerne les conclusions en injonction :

14. Eu égard au motif d'annulation exposé ci-dessus et retenu à bon droit par les premiers juges, le jugement impliquait nécessairement, comme l'a jugé le tribunal au point 13 de son jugement, que le préfet mette en œuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 581-27 du code de l'environnement en faisant constater les éventuelles infractions constituées par les enseignes signalées par l'association Paysages de France dans les fiches 33.MRH.13, 33.MRH.17, 33.MRH.20, 33.MRH.09, 33.MRH.10, 33.MRH.15 et 33.MRH.18b. Ainsi, la ministre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé une injonction en ce sens.

15. Par la voie de l'appel incident, l'association Paysages de France demande à la cour de prononcer des injonctions complémentaires. Dans le dernier état de ses écritures, elle demande qu'il soit enjoint à la préfète de mettre en œuvre les mesures prévues aux articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l'environnement en vue d'assurer l'exécution des travaux prescrits s'agissant des dispositifs 33.MRH.13, 33.MRH.18b et 33.MRH.17 33.MRH.09, 33.MRH.18a, 33.MRH.01, 33.MRH.04, 33.MRH.05, 33.MRH.07, 33.MRH.08, 33.MRH.11, 33.MRH.12 et 33.MRH.24.

16. Compte tenu du désistement partiel intervenu en cours d'instance par mémoire enregistré le 21 novembre 2019, les conclusions de l'appel principal ne portent plus sur le jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du 23 avril 2017 dans la mesure où elle portait refus de mettre en œuvre les pouvoirs de nature à faire cesser les infractions signalées par les fiches 33.MRH.18a, 33.MRH.01, 33.MRH.04, 33.MRH.05, 33.MRH.07, 33.MRH.08, 33.MRH.11, 33.MRH.12 et 33.MRH.24. Ainsi, et comme le soutient la ministre, les conclusions incidentes de l'association Paysages de France relatives à ces dispositifs, présentées dans ses mémoires enregistrés les 7 avril 2000 et 30 avril 2021, postérieurement à l'expiration, le 4 septembre 2019, du délai d'appel, ne sont pas recevables.

17. Pour ce qui concerne le dispositif fiché 33.MRH.13, en infraction avec l'article R. 581-59 du code de l'environnement, si la ministre produit un rapport établi le 17 juillet 2019 par un agent habilité mentionnant que l'enseigne n'est pas clignotante, la photographie du dispositif jointe au constat fait apparaître que le dispositif lumineux en forme de flèche entourant l'enseigne est toujours en place et, s'il ne clignotait pas le jour du constat, il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents produits par l'association qu'il clignotait les 20 février 2021 et 17 avril 2021. En l'absence d'éléments permettant d'estimer que le dispositif permettant de faire fonctionner le dispositif lumineux aurait été inactivé, cette enseigne ne peut, par suite, être regardée comme ayant été mise en conformité au jour du présent arrêt. Les conclusions en injonctions complémentaires présentées par l'association ne sont donc pas dépourvues d'objet. L'annulation de la décision refusant de prendre les mesures propres à faire cesser l'infraction implique non seulement, comme l'a ordonné le tribunal, qu'il soit enjoint au préfet de faire constater l'infraction mais également, si l'infraction est constatée, de prendre dès cette constatation un arrêté de mise en demeure conformément à l'article L. 581-27 du code de l'environnement et, le cas échéant, de faire procéder au recouvrement de l'astreinte sous les conditions prévues à l'article L. 581-30 du même code et à l'exécution d'office des travaux de mise en conformité en application de l'article L. 581-31 de ce code. Il y a lieu de prescrire qu'il soit procédé à la constatation de l'infraction dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt et, le cas échéant, à la mise en œuvre des mesures prévues par les articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l'environnement à défaut d'exécution des travaux par le contrevenant dans le délai prescrit par arrêté préfectoral. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.

18. Pour ce qui concerne le dispositif fiché 33.MRH.17, implanté en infraction avec les articles R. 581-59 et R. 581-61 du code de l'environnement, la ministre produit un constat établi par un agent habilité constatant la dépose de l'enseigne au 26 août 2019. Si l'état des lieux dressé par l'association le 17 avril 2021 fait apparaître qu'une tige métallique servant précédemment de fixation à l'enseigne a été laissée en place, l'enseigne elle-même a effectivement été déposée. Par suite, et dès lors qu'il a été mis fin à l'infraction, les conclusions de l'association tendant à ce que des injonctions complémentaires soient prononcées s'agissant de cette enseigne doivent être rejetées.

19. Pour ce qui concerne le dispositif fiché 33.MRH.09, le rapport établi par un agent habilité, le 27 janvier 2021, constate que l'enseigne, installée sur un auvent, est conforme aux exigences de l'article R. 581-60 du code de l'environnement. Les éléments produits par l'association ne permettent pas d'infirmer ce constat. Par suite, les conclusions de celle-ci tendant à ce que des injonctions complémentaires soient prononcées s'agissant de ce dispositif doivent être rejetées.

20. Pour ce qui concerne, enfin, le dispositif fiché 33. MRH.18b, le rapport établi par un agent habilité constate également qu'il est conforme à la réglementation et plus précisément à l'article R. 581-62 du code de l'environnement. Si l'association soutient que ce dispositif reste au contraire en infraction avec ces dispositions, il ne résulte pas de l'instruction que les fixations des lettres découpées formant le mot " Intermarché " seraient visibles ni que l'enseigne excèderait la hauteur maximale de 0,50 mètre fixée par l'article R. 581-62. En revanche, il résulte de l'instruction que la mention " Super " n'est pas réalisée au moyen de lettres découpées et sans panneau de fond, comme le prescrit cet article. Cette enseigne ne peut, par suite, être regardée comme ayant été mise en conformité au jour du présent arrêt. Les conclusions en injonctions complémentaires présentées par l'association ne sont donc pas dépourvues d'objet. L'annulation de la décision refusant de prendre les mesures propres à faire cesser l'infraction implique non seulement, comme l'a ordonné le tribunal, qu'il soit enjoint au préfet de faire constater l'infraction mais également, si l'infraction est constatée, de prendre un arrêté de mise en demeure conformément à l'article L. 581-27 du code de l'environnement et, le cas échéant, de faire procéder au recouvrement de l'astreinte sous les conditions prévues à l'article L. 581-30 du même code et à l'exécution d'office des travaux de mise en conformité en application de l'article L. 581-31 de ce code. Il y a lieu de prescrire qu'il soit procédé à la constatation de l'infraction dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt et, le cas échéant, à la mise en œuvre des mesures prévues par les articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l'environnement à défaut d'exécution des travaux par le contrevenant dans le délai prescrit par arrêté préfectoral. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires de l'association Paysages de France :

21. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la ministre, qui avait fait appel de l'ensemble du jugement, y compris en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'Etat à raison de la carence du préfet dans la mise en œuvre de ses pouvoir de police et l'a condamné à verser une indemnité de 1 500 euros à l'association Paysages de France en réparation de son préjudice moral, doit être regardée comme s'étant désistée de ses conclusions sur ce point. Par suite, les conclusions incidentes de l'association tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 20 000 euros, présentées après ce désistement et après l'expiration du délai d'appel, et portant sur un litige distinct de celui sur lequel portent les conclusions de la ministre maintenues en appel, ne sont donc pas recevables.

Sur l'instance n° 20BX04261 :

22. Il résulte des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-4 du code de justice administrative qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du CJA d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision. Il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.

En ce qui concerne l'appel principal de la ministre :

23. Ainsi qu'il a été dit, le jugement du tribunal du 30 juin 2020 prononce une astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification du jugement, faute pour la préfète de la Gironde de justifier dans ce délai de l'exécution du jugement du 2 juillet 2019 en ce qui concerne les dispositifs référencés sous les numéros 33.MRH.10, 33.MRH.13 et 33.MRH.18b. Le tribunal a, pour le surplus, estimé que le jugement avait été exécuté et a constaté dans l'article 3 du jugement, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de l'association. La ministre ne fait état d'aucun intérêt à contester l'article 3 du jugement. Ses conclusions d'appel, en tant qu'elles visent l'article 3 du jugement sont, par suite, irrecevables.

24. Aux termes de l'article R. 921-2 du code de justice administrative : " La demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel (...) ".

25. Le 3 septembre 2019, la ministre de la transition écologique a fait appel du jugement du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Bordeaux. En conséquence, la demande d'exécution de ce jugement présentée par l'association Paysages de France le 22 août 2019 relevait de la compétence de la cour à laquelle la demande devait être transmise. Ainsi, la ministre est fondée à soutenir que le jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal a statué sur cette demande d'exécution a été rendu par une juridiction incompétente et à demander pour ce motif l'annulation des articles 1er et 2 de ce jugement.

26. Il y a lieu, pour la cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande d'exécution de l'association Paysages de France en ce qui concerne les dispositifs fichés 33.MRH.10, 33.MRH.13 et 33.MRH.18b.

27. Il résulte de l'instruction que la préfète de la Gironde a fait établir des rapports concernant les dispositifs correspondant aux fiches 33.MRH.10, 33.MRH.13 et 33.MRH.18b, le 17 juillet 2019, soit dans le délai d'un mois qui lui avait été imparti par le jugement du 2 juillet 2019.

28. Pour ce qui concerne le dispositif fiché 33.MRH.10, le rapport constate sa conformité à la règlementation et l'association ne produit aucun élément permettant de douter de ces constatations établies par un agent habilité et assermenté. Les conclusions en exécution de l'association Paysages de France doivent, par suite, être rejetées en ce qui concerne ces dispositifs.

29. S'agissant en revanche du dispositif faisant l'objet de la fiche 33.MRH.13, ainsi qu'il a été dit au point 16 du présent arrêt, cette enseigne ne peut être regardée comme ayant été mise en conformité. La préfète ne peut, par suite, être regardée comme ayant exécuté le jugement du 2 juillet 2019 sur ce point. Les conclusions en exécution présentées par l'association ne sont donc pas dépourvues d'objet et il y a lieu d'y faire droit, selon les modalités indiquées au point 16 ci-dessus sans qu'il y ait lieu, en l'état, d'assortir ces mesures d'une astreinte eu égard aux diligences engagées par l'administration en vue de mettre fin aux dispositifs litigieux.

30. Par ailleurs, s'agissant du dispositif référencé 33.MRH.18b, l'association demande dans le dernier état de ses conclusions qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde, de mettre en œuvre, après avoir fait à nouveau dresser un procès-verbal par un agent assermenté, les pouvoirs de police spéciale prévus à l'article L. 581-27 du code de l'environnement et, en cas de non-régularisation par le contrevenant de la situation, de mettre en œuvre, dans le délai de cinq jours suivant la notification de l'arrêté de mise en demeure prévu à l'article précité, les dispositions des articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l'environnement. Ainsi qu'il a été dit au point 19 du présent arrêt, cette enseigne ne peut être regardée comme ayant été mise en conformité. La préfète ne peut, par suite, être regardée comme ayant exécuté le jugement du 2 juillet 2019 sur ce point. Les conclusions en exécution présentées par l'association ne sont donc pas dépourvues d'objet et il y a lieu d'y faire droit, selon les modalités indiquées au point 19 ci-dessus sans qu'il y ait lieu, en l'état, d'assortir ces mesures d'une astreinte eu égard aux diligences engagées par l'administration en vue de mettre fin aux dispositifs litigieux.

En ce qui concerne l'appel incident de l'association Paysages de France :

31. Comme il a été dit, les conclusions de l'appel principal ne sont recevables qu'en tant que le jugement attaqué prononce à la charge de l'Etat une astreinte en vue de l'exécution du jugement du 2 juillet 2019 pour ce qui concerne les dispositifs correspondant aux fiches 33.MRH.10, 33MRH.13 et 33MRH.18b et sont irrecevables pour le surplus. Par suite, les conclusions incidentes de l'association Paysages de France en exécution du jugement du 2 juillet 2019, en tant qu'il porte sur d'autres dispositifs que ceux qui viennent d'être indiqués, sont également irrecevables dès lors qu'elles ont été présentées après l'expiration du délai d'appel. Par ailleurs, l'instance n° 20BX04261 porte sur un litige d'exécution. Ainsi, et comme le soutient la ministre, l'association Paysages de France n'est pas recevable à présenter, après l'expiration du délai d'appel, dans le cadre de cette instance, des conclusions indemnitaires qui présentent à juger un litige distinct. Ces conclusions qui, de plus, sont nouvelles en appel, doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais d'instance :

32. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'association Paysages de France de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion des deux instances et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Dans l'instance n° 19BX03598, il est donné acte à la ministre de la transition écologique de son désistement de ses conclusions autres que celles tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il annule la décision du 23 avril 2017 en ce qui concerne les enseignes correspondant aux fiches 33.MRH.13, 33.MRH.17, 33.MRH.20, 33.MRH.09, 33.MRH.10, 33.MRH.15 et 33.MRH.18b, et en tant qu'il enjoint à la préfète de mettre en œuvre ses pouvoirs de police à l'encontre de ces enseignes.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1904849 du 30 juin 2020 est annulé en tant qu'il statue sur l'exécution du jugement du 2 juillet 2019 en ce qui concerne les dispositifs fichés 33.MRH.10, 33MRH.13 et 33.MRH.18b.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de faire constater, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, les infractions concernant les dispositifs désignés par les fiches établies par l'association Paysages de France sous les références 33.MRH.13 et 33.MRH.18b, si les infractions sont constatées, de prendre un arrêté de mise en demeure conformément à l'article L. 581-27 du code de l'environnement et, le cas échéant, de faire procéder à défaut de réalisation des travaux à l'expiration du délai prescrit par l'arrêté préfectoral, au recouvrement de l'astreinte sous les conditions prévues à l'article L. 581-30 du même code et à l'exécution d'office des travaux de mise en conformité en application de l'article L. 581-31 de ce code.

Article 4 : Le jugement n° 1801258 du 2 juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 ci-dessus du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à l'association Paysages de France la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions de la demande en exécution présentée par l'association Paysages de France devant le tribunal administratif de Bordeaux concernant le dispositif fiché 33.MRH.10 et le surplus des conclusions d'appel des parties sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique, à l'association Paysages de France et à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.

La première assesseure,

Laury MichelLa présidente-rapporteure,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

N° 19BX03598, 20BX04261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03598
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

02-01-04 Affichage et publicité. - Affichage. - Régime de la loi du 29 décembre 1979.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-22;19bx03598 ?
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