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17/12/2021 | FRANCE | N°21BX03141

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 21BX03141


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101364 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2021 Mme E..., re

présentée par Me Georges, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101364 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2021 Mme E..., représentée par Me Georges, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 80 euros par jour de retard et à défaut, procéder au réexamen de sa situation et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

A... soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

- A... est entachée d'un défaut de motivation ;

- A... est entachée d'un vice de procédure en ce que son droit à être entendu a été méconnu ;

- A... méconnaît le principe de collégialité dans l'émission de l'avis rendu par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- A... est entachée d'un vice de procédure en ce qui concerne la signature électronique de l'avis du collège des médecins de l'OFII et l'identification des signataires ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation et méconnait l'article 7 b) de l'accord franco-algérien ;

- A... méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ainsi que les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- A... est entachée d'une erreur de droit en ce que la préfète de la Gironde s'est estimée liée par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- A... méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. ;

- A... méconnaît les stipulations de l'article 6 5) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- A... est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour sur lequel A... se fonde ;

- A... méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- A... méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. ;

- A... méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. A... soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 12 novembre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention signée à New York le 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII, de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dominique Ferrari,

- et les observations de Me Mathey, représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., de nationalité algérienne, née le 18 octobre 1975, est entrée en France le 16 février 2018 sous couvert d'un visa de court séjour, accompagnée de ses deux enfants mineurs. A... a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, valable du 29 mai 2019 au 28 novembre 2019. Le 22 octobre 2019, A... a sollicité le renouvellement de cette autorisation provisoire de séjour. Par un arrêté du 2 décembre 2020, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays dont A... a la nationalité comme pays de destination. Mme E... relève appel du jugement du 30 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, Mme E... se borne à reprendre en appel le moyen tiré de ce que la décision litigieuse ne serait pas suffisamment motivée en ce qui concerne les circonstances de fait caractérisant sa situation personnelle, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

3. En deuxième lieu, si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

4. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts.

5. Il appartient à l'étranger, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et il lui est possible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... aurait sollicité, sans réponse, un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle aurait été empêchée de présenter des observations avant que ne soit prise la décision contestée. Le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière du fait de la méconnaissance du droit d'être entendu prévu à l'article 41 de la charte européenne des droits fondamentaux ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. A... est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Si ces dispositions, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.

7. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Par ailleurs, selon les dispositions de l'article R. 313-23 alinéa 3 du code : " Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ". En outre, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Enfin, l'article 6 de ce même arrêté dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du collège de médecins de l'OFII en date du 14 août 2020, produit par la préfète, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, que le rapport médical sur l'état de santé de l'enfant de Mme E..., C... B..., a été établi par le docteur F... le 27 juillet 2020 puis transmis au collège de médecins et que ce médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège. Par ailleurs, la mention " après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", qui indique le caractère collégial de l'avis, fait foi jusqu'à preuve du contraire. Mme E... ne se prévaut d'aucune circonstance particulière permettant de remettre en cause le caractère collégial de l'avis médical. Enfin, il résulte des termes mêmes de cet avis que l'ensemble des éléments de procédure prévus à l'article 6 de l'arrêté du 26 décembre 2016 ont bien été pris en compte et mentionnés par ce dernier. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure, pris en ses différentes branches, ne peut être accueilli.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. A... manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand A... est apposée par un officier public, A... confère l'authenticité à l'acte. / Lorsqu'elle est électronique, A... consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel A... s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. " Aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle A... s'attache et assure l'intégrité de cette décision ". Ce référentiel est fixé par le décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.

10. Mme E... exprime des doutes sur la réalité de la signature de l'avis par les trois médecins autorisés à examiner le dossier de sa fille. A... fait valoir que les signatures de l'avis ne sont pas manuscrites mais correspondent à des " fac-similés numérisés ". Or, A... estime qu'il n'est pas démontré que l'OFII ait mis en œuvre un procédé conforme aux règles du référentiel général mentionné à l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005. Toutefois, l'avis du collège de médecins de l'OFII n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives, de sorte que la méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret du 28 septembre 2017 ne peut être utilement invoquée. Alors même que l'administration n'a justifié du respect d'aucun procédé d'identification, les pièces produites par la requérante ne suffisent pas à faire douter de ce que l'avis, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, a bien été rendu par ses auteurs. Le moyen sera écarté.

11. En cinquième lieu, si la décision attaquée mentionne l'avis émis le 14 août 2020 par le collège de médecins de l'OFII, il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient Mme E..., la préfète de la Gironde, qui a apprécié la situation de cette dernière de manière discrétionnaire pour déterminer si A... remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade au regard des dispositions de l'article L. 311-12, se serait estimée liée par ledit avis. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité préfectorale aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence doit être écarté.

12. En sixième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

13. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme E..., en qualité d'accompagnant de sa fille malade, la préfète, qui s'est notamment fondée sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 14 août 2020, a considéré que, si l'état de santé de la jeune C... B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner pour A... des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

14. Pour contester cet avis, Mme E... fait valoir que sa fille, souffre d'un syndrome de la fonction pyélo-urétérale pour lequel A... a été opérée le 18 janvier 2019 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux et que son état nécessite une surveillance et des soins médicaux réguliers. A... produit à cet égard plusieurs documents médicaux, dont un compte rendu de consultation du 24 février 2021 au service de chirurgie infantile du CHU indiquant que l'évolution de l'opération subie par la jeune C... est satisfaisante, un compte rendu de consultation du 12 mars 2021 prescrivant une prise en charge par essai d'un nouvel antalgique ainsi que des certificats médicaux de son médecin généraliste. Toutefois, les documents produits par Mme E..., qui se bornent à décrire la pathologie de sa fille C..., ne donnent aucune indication quant aux éventuelles conséquences d'un défaut de prise en charge médicale. En outre, ces documents ne permettent pas d'établir que la jeune C... ne pourrait bénéficier des soins requis pour sa pathologie dans son pays d'origine. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée, par laquelle la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité d'accompagnant d'un enfant malade, serait entachée d'une erreur de droit et d'une d'erreur manifeste d'appréciation.

15. En septième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

16. Mme E... fait valoir que l'état de santé de sa fille nécessite une prise en charge spécialisée en France qui nécessite le maintien de sa présence à ses côtés. Cependant, pour les motifs énoncés au point 14, Mme E... n'établit pas qu'une prise en charge appropriée de son enfant ne serait pas accessible en Algérie. Par ailleurs, ni la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien, ni la décision d'éloignement n'a pour objet ou pour effet de séparer Mme E... de ses deux enfants mineurs. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

17. En huitième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) ; / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...). ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

18. Mme E..., divorcée, fait valoir qu'elle est bien intégrée en France où A... réside avec ses deux enfants, nés en 2009 et 2011 en Algérie. A... fait également valoir qu'elle dispose depuis octobre 2019 d'un contrat de travail renouvelable par tacite reconduction en qualité d'agent d'entretien avec le consulat d'Algérie à Bordeaux, lui permettant de subvenir seule aux besoins de ses enfants qui sont scolarisés. Cependant, Mme E... n'est présente en France que depuis trois ans à la date de la décision attaquée et ne fait état, hormis la présence de ses enfants à ses côtés, d'aucun autre lien privé et familial en France, alors qu'elle n'est pas isolée dans son pays d'origine, où A... a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans et où résident ses parents et l'ensemble des membres de sa fratrie. Par ailleurs, si les enfants de l'intéressée sont scolarisés, rien ne fait obstacle à ce qu'ils poursuivent normalement cette scolarité dans leur pays d'origine. En outre, la circonstance que Mme E... dispose d'un contrat de travail en qualité d'agent d'entretien, depuis le 1er octobre 2019, ne suffit pas à lui conférer un droit au séjour. Dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour, la préfète de la Gironde aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au sens des stipulations précitées du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressée.

19. En dernier lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié": cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ". Aux termes de l'article 9 de cet accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis, alinéa 4 (lettres c à d), et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. (...) ". Il résulte de ces stipulations que la délivrance d'un certificat de résidence d'un an, sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien est subordonnée à l'obtention d'un visa de long séjour.

20. En l'espèce, Mme E... soutient qu'elle remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées du b) de l'article 7 de l'accord franco algérien. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, que l'intéressée, qui a formulé une demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, aurait également sollicité un changement de statut et demandé un titre de séjour en qualité de salariée. En outre, il est constant que Mme E... ne justifie pas d'une entrée en France sous couvert du visa de long séjour exigé par l'article 9 précité de l'accord franco algérien, et délivré à l'issue d'une procédure d'introduction engagée auprès des services de la Gironde de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Nouvelle-Aquitaine. Dès lors le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

21. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la mesure d'éloignement, en raison de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.

22. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

23. Il ressort des pièces du dossier, et comme il a été dit au point 14 que la requérante, pour contester l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII, ne démontre pas, par les pièces produites, que le défaut de prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni l'impossibilité pour son enfant C... de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

24. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 16 et 18 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision de renvoi :

25. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021

Le rapporteur,

Dominique Ferrari

La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03141


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : GEORGES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 17/12/2021
Date de l'import : 28/12/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21BX03141
Numéro NOR : CETATEXT000044558961 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;21bx03141 ?
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