La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2021 | FRANCE | N°19BX00643

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 décembre 2021, 19BX00643


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 8 février 2019, le 21 octobre 2019 et le 16 avril 2020, et un mémoire récapitulatif du 5 octobre 2021, la société Gamm vert Synergies Sud-Ouest, représentée par Me Briec, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 par lequel le maire d'Orthez a délivré à la société civile immobilière (SCI) Boncap Immo un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'une jardinerie à l'enseigne " Jardinerie Boncap ", d'une surface de v

ente de 2 655 mètres carrés, sur un terrain cadastré section C n° 1610 situé dans l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 8 février 2019, le 21 octobre 2019 et le 16 avril 2020, et un mémoire récapitulatif du 5 octobre 2021, la société Gamm vert Synergies Sud-Ouest, représentée par Me Briec, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 par lequel le maire d'Orthez a délivré à la société civile immobilière (SCI) Boncap Immo un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'une jardinerie à l'enseigne " Jardinerie Boncap ", d'une surface de vente de 2 655 mètres carrés, sur un terrain cadastré section C n° 1610 situé dans la zone commerciale de Soarns ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Orthez une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 10 décembre 2018 ne comprend pas les visas des textes législatifs et réglementaires applicables et ne mentionne pas l'avis de l'architecte des bâtiments de France, alors que le projet est situé dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial ayant rendu l'avis du 8 novembre 2018 était irrégulièrement composée dès lors qu'il ne ressort d'aucun document que les personnes désignées ont reçu l'autorisation des collectivités territoriales ou des établissements publics, et que l'avis ne comporte pas l'identité et la qualité des membres présents au sein de la commission ;

- il ne ressort pas des visas de l'avis du 8 novembre 2018 que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été régulièrement convoqués ;

- l'avis défavorable du ministre chargé de l'urbanisme du 7 novembre 2018 n'a pas été pris en compte, ce qui a privé les parties d'une garantie ;

- le dossier de demande d'autorisation est irrégulièrement composé, dès lors que la pétitionnaire n'a fait procéder à aucune évaluation des flux journaliers de circulation de véhicules générés par le projet et des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures existantes, qu'il n'est pas démontré que les aménagements routiers mentionnés seront effectivement réalisés à la date de l'ouverture de l'équipement commercial, et que le dossier est insuffisant en ce qui concerne l'insertion paysagère du projet ;

- le signataire de l'avis rendu pour le ministre chargé du commerce ne disposait pas d'une habilitation régulière ;

- la zone de chalandise, qui comprend un temps de trajet de 28 minutes en voiture, n'a pas été déterminée correctement au regard du secteur d'activité et de la taille du projet ;

- le projet, éloigné du centre-ville d'Orthez, aura un effet attractif au détriment de l'animation de la vie urbaine et rurale, et contribuera, par sa localisation, à l'étalement urbain ; par ailleurs, il aura pour effet d'entraîner une augmentation importante du trafic sur la route départementale 817 ; la commune d'Orthez a en outre bénéficié de subventions au titre du FISAC pour la revitalisation du commerce, de l'artisanat et des services de son centre-ville ;

- il n'est pas démontré que tous les aménagements routiers nécessaires au projet seront réalisés à la date de l'ouverture de l'équipement commercial ; par ailleurs, la SCI Boncap Immo n'apporte aucun élément précis permettant de vérifier la régularité de l'analyse des flux de circulation ; le projet n'est pas desservi par les transports en commun et n'est pas accessible pour les vélos et les piétons ;

- le projet est très peu qualitatif en matière environnementale, aucune certitude n'existant quant à l'installation des panneaux photovoltaïques en toiture de la jardinerie, et alors que l'électricité produite par ces panneaux ne servira pas à limiter la consommation d'électricité des bâtiments de la pépinière ; par ailleurs, le projet est très consommateur d'espace et contribuera à une artificialisation importante des sols ; enfin, l'insertion du bâtiment dans son environnement est peu qualitative ;

- la variété de l'offre proposée ne comporte aucune innovation, et ne répond pas à l'objectif de protection des consommateurs.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 janvier 2020 et le 9 octobre 2020, la SCI Boncap Immo, représentée par Me Encinas, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest est irrecevable dès lors qu'elle n'établit pas sa qualité de professionnel en application de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- les moyens dirigés contre le permis de construire en tant qu'il constitue une autorisation d'occupation des sols sont irrecevables ;

- les moyens de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 septembre 2020 et le 21 septembre 2021, la commune d'Orthez, représentée par Me Mandile, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'il est impossible de vérifier que les formalités de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont été accomplies ;

- les moyens de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest ne sont pas fondés.

La Commission nationale d'aménagement commercial a produit des pièces, enregistrées le 25 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Charlotte Isoard,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Quincy, représentant la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest, de Me Mandile, représentant la commune d'Orthez, et de Me Encinas, représentant la SCI Boncap Immo.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 avril 2018, la SCI Boncap Immo a présenté une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'une jardinerie de secteur 2 à l'enseigne " Jardinerie Boncap " d'une surface de vente totale de 2 855 mètres carrés sur les parcelles cadastrées secteur C n° 297, 376, 1610 et 1625 situées dans la zone commerciale de Soarns à Orthez. La commission départementale de l'aménagement commercial des Pyrénées-Atlantiques a émis un avis favorable à ce projet le 9 juillet 2018. Saisie d'un recours de la société par actions simplifiées (SAS) Espaces Verts, devenue la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest, la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis favorable à ce projet le 8 novembre 2018. Par un arrêté du 10 décembre 2018, le maire d'Orthez a accordé à la SCI Boncap Immo le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale demandé. Par la présente requête, la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest demande l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la procédure :

2. En premier lieu, aux termes de l'article A. 424-1 du code de l'urbanisme : " La décision expresse prise sur une demande de permis de construire, d'aménager ou de démolir ou sur une déclaration préalable prend la forme d'un arrêté (...) ". L'article A. 424-2 du même code dispose : " L'arrêté prévu au premier alinéa de l'article A. 424-1 : / a) Indique la collectivité au nom de laquelle la décision est prise ; / b) Vise la demande de permis ou la déclaration et en rappelle les principales caractéristiques : nom et adresse du demandeur, objet de la demande, numéro d'enregistrement, lieu des travaux ; / c) Vise les textes législatifs et réglementaires dont il est fait application ; / d) Vise les avis recueillis en cours d'instruction et leur sens. / L'arrêté mentionne, en caractères lisibles, le prénom, le nom et la qualité de son signataire ".

3. Si l'arrêté du 10 décembre 2018 vise les dispositions applicables du code de l'urbanisme sans faire référence à la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises et au décret du 15 février 2015 relatif à l'aménagement commercial ayant modifié le code de commerce, cette omission est toutefois sans incidence sur sa légalité.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. / Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ". Ainsi, la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest, qui a seulement intérêt à contester le permis de construire du 10 décembre 2018 en tant qu'il vaut autorisation commerciale, ne peut se prévaloir de l'absence de l'avis de l'architecte des bâtiments de France dès lors que ce moyen se rattache aux règles d'urbanisme applicables au permis en tant qu'il vaut autorisation de construire. Par suite, ce moyen doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 751-6 du code de commerce : " La Commission nationale d'aménagement commercial se compose de : (...) 6° Quatre représentants des élus locaux : un représentant les communes, un représentant les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, un représentant les départements, un représentant les régions. ". Il ne résulte d'aucun texte législatif ou règlementaire que les représentants des élus locaux doivent recevoir une autorisation des collectivités territoriales ou des établissements publics concernés pour siéger au sein de la Commission nationale d'aménagement commercial, contrairement à ce que soutient la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest. En outre, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que les avis de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent comporter des mentions attestant de l'identité et de la qualité des personnes présentes. Si la société requérante soutient que l'absence de ces mentions ne permet pas de vérifier les éventuelles situations d'incompatibilité visées à l'article L. 751-6 du code de commerce, elle ne précise aucunement quelles incompatibilités auraient pu affecter l'avis en cause, alors qu'il n'est ni établi ni allégué qu'elle aurait demandé en vain la composition de la commission qui a siégé le 8 novembre 2018. Par suite, le moyen tiré de la composition irrégulière de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que, le 22 octobre 2018, le secrétaire de la Commission nationale d'aménagement commercial a adressé à onze des membres de cette Commission une convocation pour la réunion du 8 novembre 2018, à laquelle était joint l'ordre du jour et où il était mentionné que tous les documents visés au même article étaient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de la séance que dix membres de la Commission nationale d'aménagement commercial, tous régulièrement convoqués, ont participé à la réunion du 8 novembre 2018 et ont délibéré sur le projet de la SCI Boncap Immo. Ce nombre étant supérieur au quorum de six membres fixé par l'article R. 752-37 du code de commerce, la commission a ainsi pu valablement délibérer, alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que l'irrégularité affectant la convocation du douzième membre de la commission aurait exercé une influence sur le sens de l'avis émis le 8 novembre 2018, qui était favorable à l'unanimité, ou aurait privé la société requérante d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-35 du code de commerce doit être écarté.

8. En cinquième lieu, si la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest fait état de ce que l'avis du ministre chargé de l'urbanisme étant daté du 7 novembre 2018, les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial n'ont pu en prendre connaissance dans le délai de cinq jours avant la séance du 8 novembre 2018, il ne résulte pas des dispositions citées au point 6 que cet avis devait leur être transmis en même temps que la convocation et le dossier mentionnés à l'article R. 752-35 du code de commerce cité ci-dessus. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'avis du ministre chargé de l'urbanisme est visé dans l'avis de la commission nationale, tandis que le compte-rendu de la séance indique que le commissaire du gouvernement a présenté aux membres de la commission cet avis défavorable, conformément aux dispositions de l'article R. 752-36 du code de commerce, lesquelles n'exigent pas que les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce soient communiqués aux membres de la Commission nationale d'aménagement commercial préalablement à sa réunion. Ainsi, l'absence de prise en compte de l'avis du ministre chargé de l'urbanisme du 7 novembre 2018 dans le rapport du service instructeur de la commission nationale n'a pas empêché ses membres de se prononcer en connaissance de cause sur la demande présentée par la SCI Boncap Immo. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du 8 novembre 2018 serait entaché d'un vice de procédure pour ce motif doit être écarté.

9. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'avis du ministre chargé du commerce a été signé par M. B... A..., chef du service tourisme, commerce, artisanat et services. Il résulte de l'arrêté ministériel du 19 septembre 2014 portant délégation de signature, publié au Journal officiel le 24 septembre 2014 et librement consultable, que M. A... avait qualité pour signer, au nom du ministre chargé du commerce, l'avis du 31 octobre 2018 recueilli par le commissaire du gouvernement auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial au titre de l'article R. 752-36 du code de commerce. Le moyen tiré du vice de procédure doit donc être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :

10. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " La demande est accompagnée d'un dossier comprenant les éléments suivants : (...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes (...) ; f) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; / 5° Effets du projet en matière de développement durable. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; / b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments ; / c) Le cas échéant, fourniture d'une liste descriptive des produits et équipements de construction et de décoration utilisés dans le cadre du projet et dont l'impact environnemental et sanitaire a été évalué sur l'ensemble de leur cycle de vie ; / d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ;/ e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; / f) Description des nuisances visuelles, lumineuses, olfactives et sonores générées par le projet et des mesures propres à en limiter l'ampleur ; (...) ".

11. En premier lieu, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale présenté par la SCI Boncap Immo comprend, dans sa partie 4 consacrée aux effets du projet en matière d'aménagement du territoire, une analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise qui décrit les conditions actuelles de trafic, une évaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur la route départementale 817, axe principal de desserte de ce projet, et fait état de son impact modéré sur les infrastructures de transport existantes. Ces éléments, qui ont permis à la commission départementale et à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier l'impact des flux de circulation générés par le projet, étaient suffisants au regard des exigences de l'article R. 752-6 du code de l'urbanisme, alors même qu'il n'y figurait pas d'étude sur les capacités résiduelles existantes des infrastructures desservant le projet. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest, le dossier de demande d'autorisation indique que les infrastructures existantes desservant la parcelle d'assiette du projet sont suffisantes pour absorber le flux de circulation généré, et ne mentionne les aménagements routiers, et notamment la création d'une rocade qui permettrait de désengorger le trafic existant sur la route départementale 817, qu'à titre accessoire. En outre, si la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest soutient que les chiffres retenus par la pétitionnaire pour estimer ces flux sont anciens, elle ne produit aucun élément qui permettrait de remettre en cause leur pertinence. Ainsi, la circonstance que les éléments propres à la réalisation de ces aménagements, qui ne sont pas nécessaires à la mise en œuvre du projet, ne figurent pas au dossier de demande ne permet pas de caractériser une incomplétude de ce dossier. Par suite, ce moyen doit être écarté.

12. En deuxième lieu, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale expose, dans la section b) " Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement " de la partie 4, les éléments liés à l'insertion paysagère et architecturale du projet dans son environnement en décrivant notamment les éléments liés à la qualité architecturale du bâtiment et son intégration dans le paysage environnant. Par ailleurs, ce dossier de demande comprend de nombreux plans et vues du projet, ainsi qu'une description de l'environnement proche du projet, apportant des éléments complémentaires pour apprécier cette insertion. En outre, la section f) du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est dévolue aux mesures permettant la maîtrise des nuisances sonores, olfactives, visuelles et lumineuses. Ces indications, qui ont été complétées par un courrier du 5 octobre 2018 adressé à la Commission nationale d'aménagement commercial, étaient suffisamment précises et complètes, contrairement à ce que soutient la requérante. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier sur ce point doit être écarté.

13. Enfin, la SCI Boncap Immo a défini, dans son dossier de demande de permis de construire, une zone de chalandise comprenant la communauté de communes du canton d'Orthez et la communauté de communes de Lacq et un temps de trajet pour l'accès au projet de vingt-huit minutes en voiture. La société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest se borne à soutenir que la zone de chalandise du projet en litige est " en réalité plus vaste ", sans apporter aucun élément qui permettrait de remettre en cause la zone telle qu'elle a été définie par la pétitionnaire. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial :

14. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) / 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

16. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la SCI Boncap Immo, qui prévoit une surface de vente de 2 855 mètres carrés, s'implante sur une parcelle de 9 948 mètres carrés, dans une zone à urbaniser Ay du plan local d'urbanisme d'Orthez, destinée à l'implantation d'activités économiques, à l'exclusion de l'habitat. Ce projet, situé à environ trois kilomètres du centre-ville d'Orthez, soit un trajet de huit minutes en voiture, s'implante à l'est de ce centre. S'il existe déjà, ainsi que le souligne la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest, deux jardineries à Orthez, celles-ci sont situées à l'ouest du centre-ville, attirant ainsi une clientèle différente de celle qui sera drainée par la jardinerie de la SCI Boncap Immo. Par ailleurs, l'offre de jardinerie proposée par la pétitionnaire ne peut être considérée comme venant en concurrence directe avec les deux fleuristes et le magasin de décoration du centre-ville d'Orthez, qui proposent une gamme de produits différents, destinés à une clientèle plus urbaine, laquelle ne sera ainsi pas " retenue " par les pôles commerciaux périphériques de la ville d'Orthez. Il n'est en outre pas contesté que ce type d'activité, qui nécessite une superficie de vente très importante, n'a pas vocation à s'implanter en centre-ville, ainsi que l'ont relevé la direction départementale des territoires et de la mer des Pyrénées-Atlantiques et la Commission nationale d'aménagement commercial dans leurs avis respectifs. La seule circonstance qu'Orthez a bénéficié de subventions au titre du fonds du FISAC en 2014 et en 2016 ne saurait, à elle seule, caractériser une atteinte à l'objectif d'aménagement du territoire, alors qu'il ne ressort pas des autres pièces du dossier que le centre-ville d'Orthez souffrirait d'une fragilité particulière à la date de la délivrance de l'autorisation commerciale attaquée. En outre, il ressort du dossier de demande d'autorisation que la fréquentation moyenne de la jardinerie, laquelle se situe dans une zone commerciale avec une clientèle existante, est estimée à environ 150 clients par jour, soit une augmentation de 1,4 % du flux routier sur la route départementale 817 qui longe le projet, qui ne saurait être considérée comme significative. Si la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest soutient que ces estimations ne sont pas suffisamment justifiées, elle ne verse toutefois au dossier aucun élément permettant de les contredire. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et notamment du courrier du 5 octobre 2018 adressé à la Commission nationale d'aménagement commercial, que, contrairement à ce que soutient la requérante, tous les aménagements routiers mentionnés dans le dossier de demande étaient réalisés à la date de ce courrier. Ainsi, trois ronds-points, dont un au Nord qui dessert directement la jardinerie, ont été aménagés dans la zone commerciale de Soarns, des liaisons routières ont été réalisées à l'arrière du bâtiment projeté permettant de s'y rendre sans traverser la zone commerciale et des pistes cyclables ont été créées. Si le calendrier pour la réalisation d'une rocade ayant pour but de désengorger la route départementale 817 n'était pas défini à la date de la demande, cet aménagement routier n'était toutefois pas indispensable à la réalisation du projet, qui, comme il l'a été dit, engendrera un flux routier faible. Enfin, eu égard à l'activité de jardinerie du projet, qui propose des articles d'un volume important, et a ainsi vocation à attirer une clientèle véhiculée, la circonstance que le terrain d'assiette n'est actuellement pas adapté aux modes de circulation " doux " et ne sera desservi que par un service de transport à la demande ne saurait caractériser une insuffisance significative du projet en ce qui concerne son accessibilité. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest n'est pas fondée à soutenir que le projet compromettrait l'objectif d'aménagement du territoire.

S'agissant du développement durable :

17. Le projet autorisé, qui garantit le respect de la règlementation thermique 2012, prévoit un chauffage des serres uniquement en période de grand froid par chauffage à air pulsé à gaz, un faible chauffage du magasin en hiver et l'absence de climatisation en été, des vitrages performants en terme d'isolation, un éclairage naturel ou par ampoule basse consommation de type LED, une gestion de l'eau d'arrosage en cycle fermé avec récupération et retraitement de 100 % des eaux grâce à un dispositif de récupération en circuit fermé par tablettes sub-irrigation, ainsi que la redirection des eaux pluviales vers un bassin de rétention de 1 750 mètres carrés. En outre, la réduction et la gestion des déchets générés par l'activité est garantie. Ainsi, la qualité énergétique du projet, qui doit être appréciée globalement, a pu être regardée comme étant satisfaisante par la Commission nationale d'aménagement commercial, alors même que la mise en place d'un dispositif de production d'énergie renouvelable par panneaux solaires n'était pas certaine à la date à laquelle elle a émis son avis. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, la surface de vente se limitera à 2 885 mètres carrés, alors que 3 814 mètres carrés du terrain d'assiette, soit 38 % de sa surface, sera consacré à l'aménagement d'espaces verts, avec notamment 30 arbres de haute tige implantés sur le pourtour du parc de stationnement de cinquante-neuf places, lequel comprendra vingt-deux places engazonnées de type " Evergreen " et cerclées de pavés drainants qui permettront de limiter l'imperméabilisation des sols, et deux places pour les voitures électriques. Enfin, si la construction projetée, qui se situe dans une zone commerciale, présente un caractère relativement imposant par rapport aux bâtiments situés dans son environnement proche, ce dernier, composé essentiellement d'habitats collectifs ou pavillonnaires discontinus, ne présente aucune caractéristique remarquable. Le magasin projeté, qui sera construit en charpente métallique et en bardage, a par ailleurs fait l'objet d'une certaine recherche dans le choix des teintes retenues pour les façades et les menuiseries afin de créer une cohérence visuelle et architecturale. Dans ces conditions, la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest n'est pas fondée à soutenir que le projet compromettrait l'objectif de développement durable.

S'agissant de la protection des consommateurs :

18. Ainsi qu'il l'a été rappelé au point 16, la circonstance que l'accès au projet se fera principalement par voiture ne peut, eu égard à la nature de ce commerce et aux produits qui y seront vendus, être regardée comme ayant un impact négatif sur l'accessibilité de l'offre dès lors que les articles de jardinerie présentent un volume important dont le transport est incompatible avec les modes de cheminement " doux ". Par ailleurs, l'offre de la jardinerie projetée, à 80 % végétale, sera adaptée au secteur rural, tandis qu'il n'est pas contesté qu'elle aura un positionnement spécifique, offrant peu de produits manufacturés, contrairement aux autres enseignes de la zone de chalandise, et qu'elle apportera de nouvelles gammes de produits, notamment biologiques et locaux, garantissant ainsi la variété de l'offre proposée. Par suite, le projet ne peut être regardé comme méconnaissant les objectifs fixés par le législateur en matière de protection des consommateurs.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de

non-recevoir opposées par la commune d'Orthez et la SCI Boncap Immo, que les conclusions de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2018, par lequel le maire d'Orthez a délivré à la SCI Boncap Immo un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'une jardinerie de secteur 2, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Orthez, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros à verser chacune à la commune d'Orthez et à la SCI Boncap Immo à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest est rejetée.

Article 2 : La société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest versera à la commune d'Orthez et à la SCI Boncap Immo une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gamm Vert Synergies Sud-Ouest, à la commune d'Orthez, à la SCI Boncap Immo et au ministre de l'économie, des finances et de la relance (Commission nationale d'aménagement commercial).

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00643 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00643
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-01 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial. - Champ d'application.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : ERNST et YOUNG SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;19bx00643 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award