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28/10/2021 | FRANCE | N°19BX03107

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 28 octobre 2021, 19BX03107


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre de perception émis le 28 novembre 2016 par le directeur des finances publiques de la Vienne pour le remboursement de la somme de 4 134,88 correspondant à des frais de trousseau et de pension et de le décharger du paiement de cette somme.

Par un jugement n° 1701833 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire du 28 novembre 2016 et a déchargé M. B... du paiement de la somme de 4 134,

88 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre de perception émis le 28 novembre 2016 par le directeur des finances publiques de la Vienne pour le remboursement de la somme de 4 134,88 correspondant à des frais de trousseau et de pension et de le décharger du paiement de cette somme.

Par un jugement n° 1701833 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire du 28 novembre 2016 et a déchargé M. B... du paiement de la somme de 4 134,88 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2019, la ministre des armées demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.

Elle soutient que :

- en application des articles L. 4132-8 et L. 4136-1 du code de la défense et de l'instruction du 16 décembre 2015 relative aux modalités de recrutement des officiers sous contrat, des corps des officiers sous contrat, des corps des officiers de marine et des officiers spécialisés de la marine, M. B... a été nommé au grade d'aspirant le temps de sa formation et n'a acquis le grade d'enseigne de vaisseau de seconde classe, soit le premier grade d'officier, que le 1er février 2017 ; elle ne peut donc être regardée comme ayant décidé de différer les effets du contrat de recrutement en tant qu'officier signé le 23 août 2016 ;

- le grade d'aspirant ne constituant pas un grade d'officier, la condition, prévue par l'article R. 425-21 du code de l'éducation, de nomination dans un grade d'officier avant le 1er octobre 2016 n'était pas remplie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2021, M. B..., représenté par la SCP KPL Avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de lui accorder l'entier bénéfice de ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors que les pièces jointes n'ont pas fait l'objet d'une présentation par signet en méconnaissance de l'article R. 414-1 du code de justice administrative, ni même d'une numérotation ;

- conformément à l'article 3 du décret n° 2008-939 du 12 septembre 2008, il a été recruté en tant qu'officier sous contrat le 23 août 2016 en qualité d'enseigne de vaisseau de 2ème classe avec engagement à servir dans l'armée active en cette qualité ;

- la ministre ne pouvait mettre fin à son contrat qu'en cas d'inaptitude à l'emploi ou médicale, cas qui constituent des motifs d'exonération du remboursement ; dès lors qu'une exclusion d'une école de formation pour ces motifs ne remet pas en cause l'exonération, il ne peut être moins bien traité que les officiers d'active ;

- le titre exécutoire est irrégulier en l'absence de précision de la qualité de son signataire et de signature et dès lors que l'état récapitulatif des créances n'est pas signé par l'auteur du titre exécutoire ;

- il ne comporte pas les bases de liquidation de la créance en méconnaissance de l'article 24 du décret n° 2012-1246.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a obtenu le baccalauréat en 2010, et a suivi une scolarité en classe préparatoire aux grandes écoles au Prytanée national militaire au cours des années 2010/2011 et 2011/2012, durant lesquelles il a bénéficié de l'aide au recrutement prévue par l'article R. 425-20 du code de l'éducation. Ayant échoué au concours de l'école navale en 2012 et 2013, il a intégré une école d'ingénieur. Après avoir obtenu son diplôme et réussi le concours de recrutement des officiers de la marine sous contrat, il a conclu le 23 août 2016 un contrat d'engagement d'officier de marine spécialisé pour une durée de huit ans ainsi qu'un contrat pour servir en qualité d'élève officier sous contrat durant le cycle de formation préalable obligatoire. Le 28 novembre 2016, un titre exécutoire a été émis à son encontre en vue de recouvrer la somme de 4 134,88 euros correspondant à ses frais de trousseau lors de sa scolarité au Prytanée national militaire. Par un jugement du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire du 28 novembre 2016 et a déchargé M. B... du paiement de la somme de 4 134,88 euros. Le ministre de la défense relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 414-3 du code de justice administrative : " Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. (...) ".

3. La requête de la ministre des armées comprenait six pièces jointes figurant dans un fichier unique, indexées par des signets, lesquelles sont numérotées conformément au bordereau de pièces jointes. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la requête serait irrecevable faute d'avoir respecté les exigences fixées par les dispositions citées au point précédent.

Sur les conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire :

4. D'une part, aux termes de l'article R. 425-2 du code de l'éducation : " Les lycées de la défense dispensent (...) un enseignement préparatoire aux concours des grandes écoles. / Ils comprennent : (...) 2° Au titre de l'aide au recrutement : a) Des classes préparatoires aux écoles de formation d'officiers des forces armées et des formations rattachées ainsi que, le cas échéant, des classes préparatoires aux études supérieures ; (...) ". Aux termes de l'article R. 425-20 du même code dans sa version applicable : " L'admission au titre de l'aide au recrutement fait l'objet d'un contrat d'éducation signé par l'élève (...). Le contrat prévoit que les élèves admis au titre de l'aide au recrutement bénéficient pendant toute la durée de leur scolarité d'une exonération provisoire des frais de trousseau et de pension. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-21 de ce même code : " L'exonération prévue à l'article R. 425-20 devient définitive lorsque : 1° Dans un délai de six ans à compter du 1er octobre de l'année d'obtention du baccalauréat : a) L'intéressé est nommé au premier grade d'officier dans l'armée active ou les formations rattachées ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article D. 425-22 du même code : " Le commandant du lycée de la défense constate, pour chaque élève admis au titre de l'aide au recrutement, l'exonération définitive des frais de trousseau et de pension prévue à l'article R. 425-21 ou le caractère exigible de ceux-ci. / Le commandant du lycée de la défense transmet au service du commissariat des armées les dossiers des anciens élèves dont les frais de trousseau et de pension sont devenus exigibles, à fin d'émission d'un ordre de recouvrer ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 4131-1 du code de la défense : " I. - La hiérarchie militaire générale est la suivante : / 1° Militaires du rang ; / 2° Sous-officiers et officiers mariniers ; / 3° Officiers ; / 4° Maréchaux de France et amiraux de France. / (...) / II. - Dans la hiérarchie militaire générale : 3° Les grades des officiers sont : / a) Sous-lieutenant ou enseigne de vaisseau de deuxième classe ; (...) / La hiérarchie militaire générale comporte, en outre, le grade d'aspirant. Les conditions d'accès à ce grade, ainsi que les prérogatives et avantages qui lui sont attachés, sont fixés par décret en Conseil d'Etat, qui précise également celles des dispositions du présent livre relatives aux officiers et aux sous-officiers qui lui sont applicables. / (...) ". L'article R. 4131-6 de ce code précise que : " Le grade d'aspirant se situe dans la hiérarchie militaire générale entre celui de major et celui de sous-lieutenant ou enseigne de vaisseau de 2e classe. " et l'article R. 4131-7 que : " Les aspirants sont soumis aux dispositions applicables aux officiers pour ce qui concerne la discipline générale militaire, les sanctions disciplinaires et professionnelles, la suspension de fonctions, les récompenses, le commandement, la notation, les fonds de prévoyance et l'accès aux cercles et mess. / Dans les autres domaines, les aspirants sont soumis aux dispositions applicables aux sous-officiers et officiers mariniers. ". Enfin, selon l'article L. 4132-8 du même code : " L'officier sous contrat est recruté, au titre de son contrat initial, parmi les aspirants ".

6. M. B... a obtenu son baccalauréat en 2010 et a bénéficié, pendant sa scolarité au Prytanée national militaire, d'une exonération provisoire des frais de trousseau et de pension au titre des années scolaires 2010/2011 et 2011/2012 en application des dispositions précitées de l'article R. 425-20 du code de l'éducation. Ainsi, pour bénéficier d'une exonération définitive, en application des dispositions de l'article R. 425-21 du même code, il devait être nommé avant le 1er octobre 2016 au premier grade d'officier dans l'armée active. S'il fait valoir qu'il a signé dès le 23 août 2016 un contrat initial pour servir en qualité d'officier sous contrat, il ressort des pièces du dossier qu'en application du contrat signé le même jour pour servir en qualité d'élève officier sous contrat, M. B... a intégré l'école navale et été nommé aspirant à compter du 1er septembre 2016, grade qui ne correspond pas au premier grade d'officier lequel est, pour la marine, en application des dispositions de l'article L. 4131-1 du code de la défense, celui d'enseigne de vaisseau de 2ème classe. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... n'a été nommé dans le grade d'enseigne de vaisseau de 2ème classe, par décret du 4 juillet 2017 portant nomination dans l'armée active, que le 1er février 2017. Ainsi, il n'a pas été nommé au premier grade d'officier dans l'armée active avant le 1er octobre 2016. Dès lors, il ne remplissait pas les conditions prévues au a) de l'article R. 425-21 du code de l'éducation pour bénéficier de l'exonération définitive de ses frais de trousseau et de pension. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur la circonstance que la signature dès le 23 août 2016 d'un contrat d'engagement en qualité d'officier pouvait être regardée comme valant respect de cet engagement pour prononcer l'annulation du titre exécutoire lui réclamant le remboursement de ses frais de trousseau.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Poitiers.

8. La formation d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative établit que l'auteur de ce recours a eu connaissance de cette décision au plus tard à la date à laquelle il a formé ce recours. Dans ce cas, les moyens, qui ne sont pas d'ordre public, soulevés plus de deux mois après la date de saisine du tribunal et ressortissant d'une cause juridique différente de celle dont relevaient les moyens invoqués dans ce délai, ont le caractère d'une prétention nouvelle tardivement présentée et, par suite, irrecevable. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... n'a soulevé le moyen tiré de l'irrégularité en la forme du titre exécutoire litigieux pour méconnaissance des prescriptions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration que dans un mémoire enregistré le 12 février 2019, c'est-à-dire plus de deux mois après l'enregistrement, le 28 juillet 2017, de sa demande devant le tribunal administratif. Dès lors que ce moyen se rattachait à une cause juridique différente de celle dont relevaient les moyens invoqués dans cette demande, ce moyen est irrecevable.

9. Pour le même motif, le moyen tiré de l'absence de mention des bases de liquidation, soulevé pour la première fois devant la cour, qui se rattache également à la régularité du titre exécutoire, cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachent les moyens soulevés en première instance dans le délai de recours contentieux, est également irrecevable.

10. Enfin, M. B... ne peut utilement se prévaloir d'une rupture d'égalité avec les élèves, visés par les dispositions des b) et c) de l'article R. 425-21 du code de l'éducation, qui, ayant suivi leur scolarité dans une école de formation d'officiers des armées ou des formations rattachées, conservent le bénéfice de l'exonération lorsqu'ils sont radiés de l'école pour inaptitude physique définitive ou exclus de l'école pour insuffisance de résultats dès lors qu'il ne se trouve pas dans la même situation que ces personnes.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire du 28 novembre 2016 et a déchargé M. B... du paiement de la somme de 4 134,88 euros. Il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande M. B... présentée devant le tribunal administratif.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 mai 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. B... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2021.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLa présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX03107 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03107
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions particulières à certains personnels militaires - Élèves officiers et élèves des écoles militaires préparatoires.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Moyens irrecevables.

Procédure - Voies de recours - Appel - Moyens recevables en appel - Ne présentent pas ce caractère - Cause juridique distincte.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-28;19bx03107 ?
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