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14/10/2021 | FRANCE | N°19BX02662

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 octobre 2021, 19BX02662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler

la décision du 1er juin 2017 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'enjoindre au CHU de reconnaître cette imputabilité à compter du mois de février 2015.

Par un jugement n° 1701808 du 17 avril 2019, le tribunal a annulé la décision

du 1er juin 2017 et enjoint au directeur général du CHU de

Poitiers de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... à la date du 21 mai ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler

la décision du 1er juin 2017 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'enjoindre au CHU de reconnaître cette imputabilité à compter du mois de février 2015.

Par un jugement n° 1701808 du 17 avril 2019, le tribunal a annulé la décision

du 1er juin 2017 et enjoint au directeur général du CHU de Poitiers de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... à la date du 21 mai 2015, dans le délai d'un mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juin 2019 et un mémoire enregistré le 4 mai 2020,

le CHU de Poitiers, représenté par la SCP KPL Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a été notifié par lettre du 19 avril 2019, de sorte que la requête enregistrée le 19 juin suivant n'était pas tardive ;

- les rapports d'expertise des 27 septembre 2016 et 9 mars 2017 ainsi que le certificat médical du 27 janvier 2017 sur lesquels le tribunal s'est fondé ont été établis en fonction

des seules déclarations de Mme B..., et leurs auteurs ignoraient les antécédents de dépression mentionnés dans le rapport d'expertise du 16 novembre 2015 ; il existe une contradiction

entre les rapports des 16 novembre 2015 et 18 février 2016, dont le second mentionne

des décompensations psychiques à répétition depuis 2004, et les deux expertises

des 27 septembre 2016 et 9 mars 2017 ; les experts n'auraient pas nécessairement maintenu

le même diagnostic s'ils avaient eu connaissance de ces antécédents ; le certificat

du 27 janvier 2017 faisant état d'une absence d'antécédent psychiatrique particulier ne peut être retenu dès lors qu'il a été établi pour les besoins de la cause, et à partir des seuls rapports d'expertise des 27 septembre 2016 et 9 mars 2017 ;

- Mme B... ne justifie d'aucune dégradation particulière de ses conditions de travail dépassant la gestion normale d'un service, et les tâches mentionnées sur sa fiche de poste relèvent toutes de la compétence d'un adjoint administratif ; elle ne s'est jamais plainte de ses conditions de travail ; si celles-ci ont pu exercer une influence sur l'état psychique, ce dernier résulte essentiellement de ses antécédents psychiatriques ; les attestations produites

ne démontrent pas que les conditions de travail pourraient être à l'origine de la maladie ;

- la décision du 1er juin 2017 est suffisamment motivée.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2020, Mme B..., représentée

par la SCP Denizeau, Gaborit, Takhdemit et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du CHU de Poitiers une somme de 3 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête enregistrée après l'expiration du délai d'appel est tardive ;

- la décision du 1er juin 2017 est insuffisamment motivée ;

- aucun état antérieur n'a justifié un arrêt de travail entre 2004 et mai 2015, et les avis médicaux démontrent que le service a été la cause déterminante de sa pathologie ;

- le départ en retraite d'un agent qui n'a pas été remplacé a entraîné une surcharge

de travail à l'origine de son épuisement physique et psychique.

- c'est à bon droit que le tribunal a enjoint au CHU de reconnaître l'imputabilité

au service de sa maladie.

Par ordonnance du 6 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au

11 novembre 2020.

Un mémoire présenté pour Mme B... a été enregistré le 2 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., adjointe administrative principale de la fonction publique hospitalière affectée depuis 2004 à la direction des achats et des ressources matérielles du CHU de Poitiers, établissement dans lequel elle était en fonctions depuis 1982, a été placée à compter

du 21 mai 2015 en congé de maladie, ultérieurement requalifié en congé de longue durée, pour un état d'épuisement et un syndrome dépressif sévère. Le 24 mars 2016, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Malgré les conclusions de l'expertise du 27 septembre 2016 sollicitée par l'administration et l'avis de la commission de réforme

du 4 mai 2017, favorables à cette reconnaissance, le directeur du CHU a rejeté cette demande, par une décision du 1er juin 2017, au motif qu'aucun élément factuel ne permettait de l'étayer " en l'absence de circonstance particulière d'exercice des fonctions ". Le CHU de Poitiers relève appel du jugement du 17 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, saisi par Mme B..., a annulé cette décision et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... à la date du 21 mai 2015.

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Comme l'ont relevé les premiers juges, l'imputabilité de l'état de santé de Mme B... à un épuisement professionnel a été retenu tant par l'expertise du 9 mars 2017 préalable à l'examen du dossier par la commission de réforme que par celle

du 27 septembre 2016 réalisée à la demande du CHU, et a également été attestée par un certificat médical du 27 janvier 2017 du psychiatre qui suit Mme B... depuis septembre 2015 " suite à son hospitalisation (...) pour un syndrome anxio-dépressif sévère réactionnel à un épuisement professionnel qui se cumule depuis plusieurs années ". Contrairement à ce que soutient le CHU de Poitiers, ces trois médecins ne se sont pas bornés à reprendre les déclarations de l'intéressée, mais se sont prononcés de manière argumentée après l'avoir examinée. L'installation progressive de l'état d'épuisement de Mme B... a d'ailleurs été constatée par trois de ses collègues, avec une fatigue croissante et un amaigrissement important au début de l'année 2015. Les attestations de ces collègues font apparaître que la charge de travail de Mme B... a été alourdie après le départ en retraite d'un agent qui n'a pas été remplacé, et que la fréquence initialement trimestrielle des tableaux d'analyse et de contrôle budgétaire qu'elle devait réaliser est devenue mensuelle, ce dernier élément étant corroboré par la comparaison des fiches de poste de juin 2011 et de juin 2014. L'une de ces collègues indique avoir trouvé plusieurs fois Mme B... en pleurs dans son bureau parce qu'elle " n'y arrivait plus ", et deux d'entre elles précisent l'avoir vue au travail certains mercredis, jours de repos dans le cadre de son temps partiel à 80 %, afin de respecter le calendrier budgétaire fixé par la direction. Les appréciations élogieuses dont le CHU de Poitiers se prévaut pour dénier tout caractère professionnel à la maladie soulignent au contraire la disponibilité et la conscience professionnelle de l'intéressée, démontrant une volonté d'assumer les tâches confiées sans se plaindre. Son directeur avait cependant noté, dans un rapport du 20 avril 2015, qu'elle exprimait parfois son insatisfaction à devoir travailler dans les délais contraints de l'institution, ce qui démontre, contrairement à ce qu'affirme le CHU et comme le relèvent les attestations des collègues, que Mme B... s'est plainte de sa charge de travail. Les " rapports médicaux " qui démontreraient, selon l'établissement requérant, une absence de lien entre la maladie et le service, sont d'une part une expertise du 16 novembre 2015 relevant comme antécédent une dépression réactionnelle suite au décès du beau-père de l'intéressée remontant à 2004, mais concluant à un " syndrome de burn out " justifiant l'octroi d'un congé de longue maladie, et d'autre part l'avis d'un médecin du service de santé au travail du 18 février 2016 faisant certes brièvement état de décompensations psychiques qui se seraient répétées depuis 2004, traitées par antidépresseurs, mais détaillant aussi les conditions de travail et concluant qu'une déclaration de ce " burn out " en maladie professionnelle semble justifiée. Ces références à un état antérieur ancien qui n'a pas eu d'incidence sur l'activité professionnelle de Mme B... ne sont pas de nature à mettre en cause l'imputabilité au travail de l'épuisement à l'origine de la maladie.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin

de non-recevoir opposée en défense, que le CHU de Poitiers n'est pas fondé à soutenir que

c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 1er juin 2017 et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie à la date

du 21 mai 2015. Par suite, ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige doivent

être rejetées.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHU

de Poitiers une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CHU de Poitiers est rejetée.

Article 2 : Le CHU de Poitiers versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire Poitiers

et à Mme C... B....

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX02662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02662
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-14;19bx02662 ?
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